Le joug du mariage.
Les femmes sont vraiment bien imprudentes. Elles vont nous forcer, par leur agitation inconsidérée, à regarder d'un peu plus près au petit "contrat social" qui nous lie à elles dans le mariage. Cette nouvelle révision d'une cause depuis longtemps jugée va peut être faire réfléchir bien des maris façonnés au joug d'une tradition séculaire. Ils se rappelleront le trait spirituel de Gustave Larroumet:
- La femme est un être charmant qui voudrait avoir les avantages de tout et les inconvénients de rien.
Dans le camp féministe, le Code civil est l'objet d'une véritable exaspération. Laissez-moi vous exhiber deux échantillons de la grandiloquente rhétorique dont ces dames accablent les mânes de son auteur, Napoléon (1):
Et les hommes ont osé inscrire dans un Code la sanction d'un pareil renversement de la loi morale! Rome en eut la honte. La France, sous les auspices de Napoléon 1er, en eut la triste gloire; elle osa écrire dans la loi: La femme doit obéissance à son mari ! Ce qui veut dire: la femme doit être vaincue dans la femme, l'instinct de l'homme doit triompher, sa volonté doit être toute-puissante, elle ne doit pas être entravée par la raison qui la gêne; elle a pleine liberté, liberté sanctionnée par une loi, protégée par la force publique, autorisée par l'Etat. C'est la force brutale triomphante et la suppression des entraves que la sagesse pourrait lui imposer, c'est la licence légitimée, encouragée, sanctionnée et glorifiée... (Mme C. Renooz)
Même note dans le journal l'Entente... et, aussi même inexpérience du style véritablement oratoire, ou simplement du style:
Si le Code français, loin d'améliorer l'existence (l'auteur veut dire le sort) de la femme, l'a rendue pire; si nous avons été plus asservies après la Révolution qu'avant (ce n'est pas vrai: sous l'ancien régime, un mari pouvait faire enfermer sa femme dans un couvent; aujourd'hui, il ne le peut plus); si le souffle de liberté a passé au-dessus de nos têtes sans les atteindre (mal écrit), c'est que les idées généreuses proclamées en notre faveur à cette époque grandiose, et dont Cambacérès et Condorcet furent les principaux interprètes (équivoque), furent combattues, terrassées, réduites à mordre la poussière (sic) par le plus grand batailleur des temps modernes, en même temps que le plus grand contempteur de notre sexe, Napoléon. (Mme Oddo-Deflou.)
Je pense que quiconque veut se faire embrigader dans le bataillon féministe doit avoir fait preuve qu'il a horreur de la mesure et qu'il exècre les nuances. Ainsi je lis dans une brochure de l'auteur que je viens de citer en dernier lieu ce supplément au commentaire ci-dessus:
Même en notre pays, où la condition de l'épouse est à peu près la pire qui soit en Europe..., on trouve au moins étrange une législation qui attache pour (sic) un sexe une telle défaveur, qui la frappe de telles déchéances, que toute femme d'intelligence et de caractère doit hésiter avant de s'y engager.
Transposons ce lyrisme sur le mode badin et nous dirons familièrement:
- Le mariage est une chose si sérieuse que ce n'est pas trop de toute une vie pour y songer.
Va pour défaveur et déchéance! ces exagérations sont si absurdes qu'il est permis de hausser les épaules. Mais, la conclusion, Mme Deflou ne la tire pas. Je vais la tirer pour elle. Eh bien! si condition pire qu'en Turquie il y a, si déchéance et défaveur il y a, si une femme qui se respecte doit hésiter à s'embarquer dans la galère du mariage, il ne reste donc pour elle que le célibat ou "l'union libre". Et voilà les deux seules issues que Mme Deflou ouvre au désespoir des femmes.
Théodore Joran.
(1) Napoléon se montra, en effet, constamment préoccupé de mater la femme, en qui il incarnait l'esprit de révolte.
Les Annales politiques et littéraire, revue universelle paraissant le dimanche, 30 décembre 1906.
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