Le jour des morts au cimetière du Père-Lachaise.
Au seuil de novembre, l'église a placé deux fêtes:
La première, joyeuse en sa solennité, c'est la fête des Saints. L'humanité a placé au-dessus d'elle ces hommes qui ont vécu et qui sont morts pour la servir. La mémoire des apôtres et des martyrs est une mémoire glorieuse, et le jour de la Toussaint est un des quatre grands jours de l'année chrétienne.
Le lendemain, les hymnes font place aux litanies et la tristesse succède à la joie: c'est le jour des Morts.
On prie. La croyance antique que la prière est efficace, ne suffit pas pour apaiser les regrets. En sortant de l'église, où l'on s'est agenouillé devant Dieu, on se dirige vers le cimetière, où l'on s'agenouillera sur les tombeaux.
Paris a le culte des morts. La vie y est si difficile et les portes de l'éternité y roulent si facilement sur leurs gonds!
Comment ne pas donner un jour par an à ceux qui nous ont aimés et que nous irons sitôt rejoindre.
Un demi million d'hommes, de femmes, d'enfants, montent les faubourgs, suivent les boulevards extérieurs, s'arrêtent à la porte des fleuristes et des marbriers.
Les voila qui s'engagent dans les allées bordées de marbre et d'arbres verts. Les uns cherchent la tombe d'un père ou d'une mère; les autres celle d'une femme ou d'un enfant; presque tous s'arrêtent sur la pierre desquels on lit le nom d'un poëte, d'un homme d'Etat ou d'un général d'armée.
Dans cette vallée de Josaphat du génie, les grands hommes sont couchés côte à côte avec les petits; mais on les distingue encore à l'affluence des visiteurs que la curiosité ou le respect groupent autour d'eux.
C'est à l'heure où le jour baisse. Une teinte crépusculaire enveloppe les objets; la nature semble prendre part à la tristesse des hommes. Chacun poursuit sa route et reviens au logis, la tête courbée sous le poids des souvenirs. Demain, l'activité reprendra le dessus. Il faut bénir, en attendant, cette mélancolie d'un jour. Rien de plus salutaire que ses leçons! Les âmes des vivants se retrempent pour le bien dans ce commerce passager avec les âmes des morts.
La Mosaïque, Revue pittoresque illustrée de tous les temps et de tous les pays, 1878.
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