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samedi 4 juillet 2015

Gorée.

Gorée.

La fièvre jaune vient de faire des cruels ravages dans l'île de Gorée, dépendant de notre colonie du Sénégal.
Il faut chercher la cause de cette épidémie dans un climat terrible, dans des chaleurs humides, tant au soleil qu'à l'ombre, et dans les pluies annuelles dont souffrent les habitants.
Gorée, en effet, est située sur un rocher où l'on voit pour toute végétation quelques plantes grasses. Elle n'a, pour apaiser la soif des 150 Européens et des 3.000 indigènes qui vivent sur ses 17 hectares, que deux sources d'eau potable.
Mais le Sénégal, placé directement sous les tropiques, est un pays de grande production, où l'or se trouve en grande quantité et où le fer et le bois, sans lesquels il n'y a pas d'industrie, abondent également.
Avec un climat plus supportable, le Sénégal eût été pour la France ce que l'Inde est pour l'Angleterre; mais que créer de durable et de grand dans une contrée où l'on est toujours dans les transes pour sa vie, que l'on est condamné à quitter au plus vite et d'où l'on ne revient que miné de santé et accablé d'une vieillesse précoce?
A tous ces désavantages, mortels pour l'influence de l'immigration française, le Sénégal joint un autre défaut capital. Ce pays est une arène où luttent les blancs et les noirs indigènes. Les premiers sont des Arabes mélangés de Berbères et forment plusieurs tribus distinctes sous les noms de Frasas, de Braknas et de Douaïchs. Ils habitent la rive droite du fleuve Sénégal.
Les seconds, divisés en Etats hostiles, vivent sur la rive gauche. Ils se transforment continuellement par suite des sanglants désaccords provoqués par les prédications des fanatiques, qui font un prosélytisme ardent en faveur de l'islamisme.
Les Foulahs ou Peuls, race très-importante  qui domine dans le Soudan central, sont une race à part intermédiaire entre les blancs et les noirs. Ils n'ont pas le type nègre et se distinguent plutôt, par les traits, des Abyssins ou des Cafres. Leur peau est d'un noir clair, leur langue est d'une douceur exquise. Ils habitent le haut du Sénégal.
Ils menaient une vie pastorale et tranquille avant que la propagande ne vint agiter leur esprit; mais sous l'influence des sectaires mahométans, la plupart ont déserté le paganisme, leur religion primitive, pour adopter la loi du Coran, et ils sont devenus des croyants aussi turbulents que farouches, car c'est par le fer et le feu qu'ils font à leur tour de la propagande et qu'ils s'efforcent d'imposer leur foi nouvelle à ceux qui veulent rester fidèles à leurs anciens dieux.
Mais revenons à Gorée. Elle est la résidence d'un commandant supérieure relevant du gouverneur du Sénégal.
Ce haut fonctionnaire habite un bel hôtel, en face duquel sont plantés des palmiers et des jardins artificiels.
La ville a un tribunal de première instance, des écoles, une église, un hôpital de la marine, des ateliers pour le génie, un port dit de la Pointe-du-Nord, et des rues droites en général mais assez malpropres.
Les maisons en pierre, au nombre d'environ deux cents, sont construites à un étage, rarement à deux, avec cour intérieure. 



Gorée n'a plus aujourd'hui de commerce qui lui soit propre. Elle sert d'entrepôt. C'est un de nos points militaires les plus importants, et sa rade est très-fréquentée
A la nouvelle de l'épidémie qui sévissait dans ces parages, M. le colonel Brière de l'Isle, originaire de la Martinique et commandant supérieur de l'île de Gorée, qui était en convalescence en France, n'avait pas hésité à quitter les eaux des Pyrénées, où il suivait un traitement, pour accourir à son poste et partager les dangers de ceux qui souffraient si cruellement là-bas.

                                                                                                               M. Molinier.

La mosaïque, Revue pittoresque illustrées de tous les temps et de tous les pays, 1878.

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