Gien sur la Loire.
(Chef-lieu d'arrondissement du département du Loiret)
(Chef-lieu d'arrondissement du département du Loiret)
La ville de Gien est située à 30 kilomètres sud-est d'Orléans, aux confins des anciennes provinces du Berry et de l'Orléanais, sur une colline allongée, où elle se déroule gracieusement en amphithéâtre jusqu'à la Loire. Du milieu de son quai vaste et d'aspect monumental s'élance un pont, qui conduit à la route du Berry. Les promenades qui l'environnent sont charmantes.
Si favorablement placée pour être le centre d'un commerce considérable, Gien n'a presque aucune activité industrielle. On dirait qu'elle s'estime assez riche de la beauté de son site et de ses souvenirs historiques.
Aux temps anciens, Gien vit tout à tour Charlemagne, Hugues Capet, Philippe-Auguste, Charles VII, François 1er, Louis XIII et Louis XIV, habiter ses murs. Au temps où Charlemagne résolut d'y venir résider, et y construisit un château fort, encore debout en partie, ainsi que la belle église collégiale dédiée depuis à Saint-Louis, la ville s'élevait à 2 ou 3 kilomètres du lieu qu'elle occupe à cette heure, comme en témoignent les anciennes fondations que l'on trouve, dans un vaste rayon, autour d'un chemin conduisant à la Loire. Le château de Charlemagne construit, les Giennois, s'en approchèrent peu à peu, y cherchant une protection contre les vexations des seigneurs du voisinage. Gien eut ses comtes. Etienne de Vermandois, descendant de Pépin, fils de Charlemagne, en fut, il paraît, le premier. Hugues Capet, qui eut à faire le siège de Gien, gratifia du fief comtal un de ses capitaines qui s'était distingué dans l'action; puis ce fief passa par mariage dans la maison de Bourgogne.
Après en avoir joui longtemps, un des ducs bourguignons en fit cadeau à l'évêché d'Auxerre. Mais les rois de France regardaient toujours d'un œil d'envie ce petit diamant distrait de l'apanage royal. Philippe-Auguste ne put résister à la tentation de s'en emparer, et le réunit de nouveau à la couronne. Pour s'attacher les habitants, il leur accorda de grands privilèges et abolit quelques uns des usages asservissants établis par les évêques. Le comté de Gien resta propriété particulière des rois de France jusqu'à Charles VII, qui le donna à Dunois pour le récompenser de sa fidélité et de son courage. Ce fut de Gien que ce roi, cédant aux instances de Jeanne d'Arc, partit pour conquérir Reims et s'y faire sacrer. A la mort de Dunois, le fief retourna à la couronne et y demeura jusqu'à Louis XIII, qui l'échangea avec le comte de Chevreuse contre la viguerie de Château-Renard. Le château élevé par Charlemagne ne traversa pas toute cette succession de siècles sans subir de profondes modifications.
En 1494, réparé et agrandi par Anne de France, dame de Beaujeu, il le fut encore bientôt après par François 1er, qui aimait beaucoup cette résidence. En 1652, Louis XIV fuyant devant Condé s'y arrêta, puis en repartit précipitamment, n'échappant à son ennemi que par une sorte de miracle. Sous la révolution, le vieux donjon féodal devint propriété de l'Etat, et fut plus tard acheté par le département, qui, en y plaçant la mairie et le tribunal, en a assuré la conservation.
Pendant les guerres religieuses, Gien embrassa le parti de la réforme avec une réelle frénésie. Dès 1535, les protestants y eurent un temple. Luther lui-même y vint prêcher; Calvin y demeura, et aussi Théodore de Bèze. Plus tard, l'esprit inquiet des Giennois les fit se jeter dans les discussions passionnées du jansénisme et du molinisme.
Près de Gien, sur une délicieuse promenade, on voit une maison très-curieuse, connue sous le nom de maison des Templiers, quoiqu'elle n'ait pas été construite par les chevaliers de cet ordre. Son origine est plus ancienne. On croit qu'elle fut primitivement affectée au culte hébraïque, dans les premières années mêmes qui suivirent l'établissement du catholicisme. On y montre de vastes caveaux où l'on prétend que des juifs, fuyant la persécution, vécurent et moururent ignorés. Cette maison, d'une architecture étrange, prête à toutes les conjectures. Quoi qu'il en soit, elle fut successivement occupée par des templiers, des moines, des chanoines, puis devint une caserne de gendarmerie; elle sert maintenant d'hôtellerie aux ménageries d'animaux féroces, aux phénomènes ambulants et aux théâtres forains.
Le Magasin pittoresque, août 1853.
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