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vendredi 26 mai 2017

Le commissionnaire.

Le commissionnaire.


Les commissionnaires sont des hommes indépendants. Nous ne pousserons pas le paradoxe jusqu'à dire que leur état peut se classer parmi les professions libérales; mais on peut affirmer que c'est par amour de leur liberté qu'ils ont pris la plaque et le numéro. Au lieu de rendre leurs services en gros, en se faisant valets de chambre, cochers ou garçons de magasins, ils préfèrent conserver la libre disposition de leur temps et se mettre à la disposition du public, quand l'envie de travailler leur vient.
A tout prendre leur situation n'est pas mauvaise. Ils se font facilement de bonnes journées quand ils sont travailleurs et ingénieux; mais il faut pour cela qu'ils se multiplient. Dès le matin, chargeant le crochet, ils vont aider les cuisinières à monter le bois ou le charbon. Ce premier travail terminé, ils prennent la cire et le bâton et les voilà qui frottent les parquets jusqu'à midi. Après le déjeuner, nouveau changement. Ils s'installent au coin d'une rue, avec leur boîte à cirage, priant Dieu qu'il envoie des éclaboussures aux passants.




On dit même à ce sujet, qu'un commissionnaire, plus malin que les autres, avait trouvé le moyen de ne jamais manquer de pratiques. Voici comment: il avait acheté un épouvantable barbet roux, un de ces chiens dont les poils longs ramassent la boue de tous les ruisseaux. Cet animal ayant toutes les dispositions naturelles pour être sale, il l'avait en outre dressé à se frotter contre les jambes des passants et mettre ses pattes humides sur toutes les bottines. Grâce à cet auxiliaire, vous jugez si la clientèle abondait. 
Ce qui m'étonne, c'est que tous les commissionnaires n'aient pas au moins un chien.
Le décrottage n'est pas la seule ressource du commissionnaire pendant la journée. On l'envoie souvent chercher soit pour un déménagement, soit pour scier du bois, soit encore, et cela n'est pas la partie le plus désagréable de son métier, pour mettre du vin en bouteille.
Enfin une de leurs occupations les plus fréquentes consiste à faire des commissions. Tantôt c'est un paquet qu'il faut porter à l'autre extrémité de Paris, tantôt c'est une lettre. Il y a souvent de jolies aubaines pour eux, quand la nouvelle que l'on apporte est bonne. Les gens heureux sont généreux et ils payent plutôt deux fois qu'une. Mais aussi quel vilain accueil quand on est chargé d'une mission désagréable. Les gens ne sont pas toujours justes et ils font quelquefois mauvaise mine au messager comme s'il était la cause de tout.
Autrefois les commissionnaires faisaient leurs courses à pied; maintenant ils prennent l'omnibus. C'est le progrès. Ils calculent avec raison que le temps est de l'argent, et qu'en dépensant six sous pour gagner une demi-heure, ils réalisent un bon bénéfice sans se fatiguer.

Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.

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