La boutique du barbier
au moyen âge.
au moyen âge.
Les bassins de cuivre jaune se balancent à la porte; l'enseigne en forme de potence porte en caractères gothiques ces mots flamboyants: "Maître barbier-chirurgien." C'est là.
Beaux clercs, chevaliers, bourgeois et manants, entrez dans cette boutique; vous êtes sûrs de trouver un homme expert dans on art.
Maître-barbier-chirurgien! ne l'est pas qui veut. Il faut avoir fait ses preuves; l'apprenti barbier n'obtient pas ce titre "se il n'est essaié et esprouvé par les wardes du mestier qu'il soyt ydone et souffisan de le faire". Ce n'est qu'après examen qu'il reçoit ses lettres d'institution du Mire ou barbier du roi et qu'il est déclaré digne d'être classé parmi les honorables porteurs de la bannière de Saint-Pacôme.
Il devient alors un personnage important: pédicure, dentiste, chirurgien, parfumeur, coutelier, il fait tout et vend de tout. Il a aussi la réputation de parler de tout.
Comment serait-il discret. On dit tant de choses dans sa boutique. L'amoureux y vante les perfections de sa dame; le soldat raconte sa dernière expédition; le bourgeois y fronde les échevins, quand il ne glose pas sur le compte du voisin.
On a beau accommoder une tête, le peigne sur l'oreille, les ciseaux en main, ou frictionner le client à genoux sous le filet d'eau de la bassine, on saisit toujours au passage quelques-uns des propos perdus. C'est ainsi que l'on devient l'homme le mieux informé de la ville, l'écho de toutes les nouvelles, et le centre de tous les commérages.
D'ailleurs, où les curieux apprendraient-ils les bruits du jour si ce n'est dans sa boutique? Le barbier ne s'en plaint pas; sa clientèle augmente d'autant. En attendant que la presse vienne donner aux nouvelles une forme durable, il ne se montre pas avare de paroles en l'air et se fait volontiers la gazette volante de la ville.
R. D.
Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.
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