Gustave Geffroy.
M. Gustave Geffroy est né journaliste, il l'est depuis sa plus tendre enfance. Il ne se rappelle pas n'avoir pas été journaliste.
Il collabora d'abord à d'obscures publications fondées par des jeunes gens de ses amis, et qui s'appelaient Fantasio, Paris-Revue. Dès 1880, âgé alors de vingt-cinq ans, il écrivait dans la Justice, le journal de M. Clémenceau: il ne cessa d'y écrire que quand le journal cessa de paraître. Cette fidélité devait être un jour récompensée.
M. Gustave Geffroy était, il est encore, chroniqueur et critique d'art. Il remplit ces fonctions avec une gravité presque pontificale.. Ce n'est pas un de ces écrivains au ton sceptique, à la parole familière, qui se contentent de distraire un peu les lecteurs.
M. Gustave Geffroy, bien que né à Paris, est de souche bretonne. C'est pourquoi il a la foi, une foi ardente et têtue, une foi aveugle de missionnaire, la plus irrésistible des fois: la foi en soi-même. Il croit au rôle social et éducateur de l'Art (avec un grand A), au pouvoir de l'idée sur les masses, et il espèrent fermement que ses articles et ceux de ses amis sont nécessaires pour donner aux Français de la vertu et l'amour du beau. Pour tout dire, il est de la rigide Académie des Goncourt.
Comme c'est un homme courageux, il a pris le taureau par les cornes. Essayer de faire pénétrer dans tous les esprits le goût des chefs d’œuvres classiques, universellement appréciés, en expliquer les beautés, c'était là une besogne tout au plus digne d'occuper les loisirs d'un commis des postes retraité. M. Geffroy fit litière des œuvres qu'on avait avant lui coutume d'admirer et réserva toutes ses sympathies pour les Impressionnistes.
Le résultat, on le devine: en voulant à tout prix faire goûter au peuple des œuvres qu'on ne comprenait pas, M. Gustave Geffroy et ses amis l'ont complètement dégoûté des arts; il s'est jeté à corps perdu dans la politique et le café-concert.
Au fond, bien au fond de lui-même, M. Gustave Geffroy est-il surpris de l'aventure et s'obstine-t-il à croire que l'Académie des Goncourt peut être une Académie de vulgarisation? Il paraît que oui, et que, en vue d'assurer la vente des productions de cette maison, il use en ce moment de tout son crédit pour faire décréter l'intelligence obligatoire.
Du crédit, M. Gustave Geffroy n'en manque pas, depuis que son ancien patron est devenu premier ministre. Il l'a mis dernièrement à profit pour se faire donner, devinez quoi: une place de rond-de-cuir. Car chacun sait qu'à notre époque où les motifs de joie sont rares, un journaliste n'en connait guère que deux: dénigrer l'administration et y entrer. Les administrateurs de carrière, se voyant privés de postes élevés, se mettent à faire du journalisme. C'est peut être pourquoi nous avons des administrations distraites et des journaux illisibles.
M. Gustave Geffroy, critique d'art, historien, romancier, s'est révélé presque en même temps comme auteur dramatique et comme administrateur de la Manufacture Nationale des Gobelins. On ne se plaindrait pas de la diminution de la natalité, s'il y avait beaucoup de Français capables de tenir autant de places que M. Geffroy.
Il y a trop peu de temps qu'il dirige notre manufacture, où l'on met un an à faire un mètre de tapisserie, pour qu'on puisse juger de sa direction. Il est probable qu'il va réaliser un de ses vœux les plus chers: la création d'un Musée du soir. Il pourra exposer des tapisseries et des maquettes. Instruira-t-il par ce moyen le peuple? Instruira-t-il le quartier des Gobelins? Je n'ose l'espérer: on vient d'installer tant de cinématographes!
Jean-Louis.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 17 mai 1908.
Comme c'est un homme courageux, il a pris le taureau par les cornes. Essayer de faire pénétrer dans tous les esprits le goût des chefs d’œuvres classiques, universellement appréciés, en expliquer les beautés, c'était là une besogne tout au plus digne d'occuper les loisirs d'un commis des postes retraité. M. Geffroy fit litière des œuvres qu'on avait avant lui coutume d'admirer et réserva toutes ses sympathies pour les Impressionnistes.
Le résultat, on le devine: en voulant à tout prix faire goûter au peuple des œuvres qu'on ne comprenait pas, M. Gustave Geffroy et ses amis l'ont complètement dégoûté des arts; il s'est jeté à corps perdu dans la politique et le café-concert.
Au fond, bien au fond de lui-même, M. Gustave Geffroy est-il surpris de l'aventure et s'obstine-t-il à croire que l'Académie des Goncourt peut être une Académie de vulgarisation? Il paraît que oui, et que, en vue d'assurer la vente des productions de cette maison, il use en ce moment de tout son crédit pour faire décréter l'intelligence obligatoire.
Du crédit, M. Gustave Geffroy n'en manque pas, depuis que son ancien patron est devenu premier ministre. Il l'a mis dernièrement à profit pour se faire donner, devinez quoi: une place de rond-de-cuir. Car chacun sait qu'à notre époque où les motifs de joie sont rares, un journaliste n'en connait guère que deux: dénigrer l'administration et y entrer. Les administrateurs de carrière, se voyant privés de postes élevés, se mettent à faire du journalisme. C'est peut être pourquoi nous avons des administrations distraites et des journaux illisibles.
M. Gustave Geffroy, critique d'art, historien, romancier, s'est révélé presque en même temps comme auteur dramatique et comme administrateur de la Manufacture Nationale des Gobelins. On ne se plaindrait pas de la diminution de la natalité, s'il y avait beaucoup de Français capables de tenir autant de places que M. Geffroy.
Il y a trop peu de temps qu'il dirige notre manufacture, où l'on met un an à faire un mètre de tapisserie, pour qu'on puisse juger de sa direction. Il est probable qu'il va réaliser un de ses vœux les plus chers: la création d'un Musée du soir. Il pourra exposer des tapisseries et des maquettes. Instruira-t-il par ce moyen le peuple? Instruira-t-il le quartier des Gobelins? Je n'ose l'espérer: on vient d'installer tant de cinématographes!
Jean-Louis.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 17 mai 1908.
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