Histoire des mots:
poulet.
poulet.
D'après une légende très-reproduite, mais fort douteuse, le sens de billet doux appliqué au mot poulet remonterait à une galante coutume de la vieille Italie.
Les amoureux de ce pays auraient autrefois imaginé pour communiquer avec leurs belles de s'associer les paysans qui allaient offrir leurs volailles de maison en maison. A la barbe du jaloux, le vendeur laissait un couple de poulets à la dame qui savait devoir trouver un billet sous l'aile du plus gros. Ce joli commerce ayant été découvert, le premier courtier d'amour qui se laissa prendre fut, dit-on, puni de l'estrapade avec les deux poulets vivants attachés aux pieds. D'où le mot poulet serait devenu synonyme de billet doux.
N'est-il pas plus simple de croire, avec Furetière, que ces billets étaient ainsi nommés parce qu'en les pliant on y faisait deux pointes qui représentaient les ailes d'un poulet.
Ménage appuie sur cette signification:
"On les a appelés de la sorte parce que les premiers furent pliés en forme de poulet, à la manière dont les officiers de bouche plient les serviettes auxquelles ils savent donner différentes figures d'animaux."
C'est bien ce sens que marque Molière lorsqu'il fait dire à Isabelle:
Il m'a droit en ma chambre une boîte jetée
Qui renferme une lettre en poulet cachetée.
"En poulet cachetée", c'est à dire cachetée en forme de poulet. L'origine du terme est indiqué clairement.
Ménage achève de la faire entendre lorsque, relevant cette remarque de Richelet que le mot n'est plus si fort en usage qu'autrefois:
"C'est qu'effectivement, dit-il, cette sorte de billets d'amour se plient aujourd'hui plus régulièrement et se cachètent comme les autres lettres."
Le poulet était évidemment dans le principe une lettre petite et pliée en triangle, car Ménage observe qu'on applique pas le terme de poulet aux grandes lettres d'amour pliées de tout autre façon. Il nous apprend de plus qu'à l'époque où il écrivait (1750), on donnait plutôt le nom de poulet au billet tendre de l'amant qu'à celui de la maîtresse.
Il serait difficile d'assigner l'époque à laquelle le mot poulet a conquis son sens galant, mais on le trouve usité déjà sur la fin du seizième siècle.
Sully, dans ses Mémoires, fait dire plaisamment à Henri IV que mademoiselle de Guise "aimait bien autant les poulets en papier qu'en fricassée."
D'autre part, on connait le mot de madame Catherine, la sœur du bon roi, à La Varenne, son ancien cuisinier, devenu l'intendant des plaisirs et par suite le favori du monarque.
-La Varenne, tu as plus gagné à porter les poulets de mon frère qu'à plumer les miens.
Paul Parfait.
Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1894.
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