Un nouveau mode de construction.
Croiriez-vous qu'il existe des maisons bâties avec des boîtes de sardines? Le phénomène en question s'épanouit en plein Belleville, ce Belleville chanté par Paul de Kock.
Ces maisons de sardines sont un exemple des incroyables expédients auxquels peut avoir recours l'industrie parisienne. Les boîtes de fer blanc, vidées de leurs produits, sont ramassées par les chiffonniers et vendues en gros à des entrepreneurs de maçonnerie fantaisiste. Quand ils en ont collectionné un certain nombre, ils les emplissent de chaux, les empilent les unes au dessus des autres, les maintiennent en place par deux revêtements d'argile, et voilà les murs de l'édifice. Quelques planches jetées par-dessus tiennent lieu de toit: la baraque est construite.
Je ne vous dirais pas que l'aménagement soit très confortable. Mais que voulez-vous? Il y a tant de gens à Paris qui couchent à la belle étoile, que les locataires des maisons de sardines sont encore des privilégiés. Ils trouvent même moyen de se chamailler avec leurs propriétaires et d'avoir leurs petits procès. C'est ainsi que leur existence a été révélée. Les habitants n'étaient liés que par des locations verbales; un beau jour, ils apprirent avec stupeur que la hausse des loyers, cette épidémie contagieuse, n'avait pas cru devoir respecter leurs fragiles demeures. Vives réclamations; la justice de paix du intervenir, et il faut dire qu'elle n'eut pas de peine à arranger l'affaire à l'amiable.
Quand vous ouvrirez une boîte de sardines, rappelez-vous donc que vous avez peut-être sous la main la brique future d'une chaumière parisienne. Et si le hasard de vos pas vous conduit à Belleville, ne manquez pas de visiter ces intéressants produits de l'architecture contemporaine. On va souvent très-loin pour voir des choses moins extraordinaires.
Le Musée universel, revue illustrée hebdomadaire, premier semestre 1874.
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