Prise de la Grenade par d'Estaing.
Le comte d'Estaing, élevé au grade de contre-amiral en 1778, avait reçu la mission d'agir en faveur de l'indépendance américaine. Après une année de mer, et plusieurs engagement plus ou moins sérieux sur diverses côtes, avec les amiraux anglais Howe et Hotham, d'Estaing, suivant les instructions qu'il avait reçues, se dirigea tout à coup sur l'île de la Grenade pour s'en emparer. Sa flotte, composée de vingt cinq vaisseaux de ligne, dont trois seulement de 50 canons, n'avait à bord que 1.500 hommes de troupes de débarquement.
Appareillé, le 30 juin 1779, du fort royal de la Martinique, il arriva devant la Grenade le 2 juillet à cinq heures du soir, et n'en débarqua pas moins, sur-le-champ. les forces françaises, divisées en trois colonnes, marchèrent toute la nuit à travers les mornes. Le lendemain, d'Estaing, après avoir reconnu la situation du morne de l'Hôpital, qui domine le fort à demi-portée de canon, fit aussitôt ses dispositions et ordonna l'attaque. Lui-même, à la tête d'une des trois colonnes de sa petite armée, marcha sur la batterie du fort Saint-Lucas. Trois retranchements furent ainsi pris à la baïonnette et au pas de course; en moins d'une heure l'ennemi était chassé, et ce morne, que le gouverneur anglais pensait imprenable, tombait tout entier au pouvoir des Français. Les Anglais avaient en batterie quatre pièces de 24; dès qu'il s'en fut emparé, le comte d'Estaing les employa à l'attaque du fort.
Lord Macartney, le gouverneur, stupéfait, étourdi de l'audace et des succès obtenus par d'Estaing, ne pouvant, du reste, tenir contre la vive canonnade dirigée contre lui, se hâta d'envoyer un parlementaire. Mais comme, quelques heures auparavant, il avait accueilli par des paroles injurieuses pour l'armée française l'offre de capitulation honorable qui lui avait été faite, d'Estaing pour toute réponse tendit sa montre à l'officier de lord Macartney et lui déclara qu'il n'accordait qu'une heure au noble lord; qu'il était trois heures moins quelques minutes et qu'il fallait qu'avant quatre heures il se fût rendu à discrétion. La menace était sérieuse: le gouverneur se soumit sans mot dire. D'Estaing le fit conduire en France.
Mais à peine le pavillon français était-il arboré, à peine l'île de la Grenade était-elle en possession de nos troupes, que celles-ci eurent à défendre leur conquête contre l'attaque d'une flotte anglaise. L'amiral Byron se présenta tout à coup avec vingt-et-un vaisseaux de ligne et un convoi chargé de troupes de terre. L'ennemi approchait à toutes voiles; d'Estaing, convaincu que ses vaisseaux n'auraient pas le temps de prendre leur poste accoutumé, fit signe de conserver les rangs. Les lignes n'étaient pas encore formées qu'il fallut combattre.
Les forces étaient égales, mais les Anglais avaient l'avantage d'un ordre de combat combiné; cependant ils furent complètement battus. Byron, contraint à la fuite, perdit plus de 1?500 hommes à cette action, qui confirma la prise de la Grenade. Ce fait d'armes est resté comme un des plus beaux de notre histoire maritime.
Magasin Pittoresque, 1851.
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