Fête des nègres dite AID EL FOUL.
La fête célébrée chaque année par les nègres d'Alger, et connue sous le nom d'Aïd el Foul, a toujours lieu un mercredi, à l'époque appelée Nissam par les indigènes, et qui est celle où commence à noircir la plante qui porte les fèves. Jusque-là les nègres s'abstiennent de manger de ce légume. L'endroit où les nègres se réunissent pour la célébration est le bord de la mer, à côté de l'Oued-kins. Là se trouvent deux petites constructions fort simples: l'une est une étroite enceinte de murailles à hauteur d'appui et crénelées à la mauresque, du milieu de laquelle s'élèvent quelques aloès. C'est le lieu consacré à Sidi Belal, dont les nègres se sont fait un patron.
Un peu plus loin, on remarque un bassin carré rempli d'eau, consacré à Lella Hoana, sainte femme qui est également en grande vénération parmi les enfants du Soudan.
Quant au Sidi Belal, si fort en honneur parmi les nègres, les traditions ne sont nullement d'accord; quelques unes croient pouvoir le rattacher au Bélal, esclave noir de Mohammed qui fut un des premiers à embrasser l'islamisme. Cette version ne paraît guère admissible, malgré l'identité du nom de Belal, qui fut effectivement le premier noir musulman. Affranchi par Mohammed, il avait été chargé par lui de la surveillance des fontaines. Mais les sacrifices et les cérémonies de la fête s'accordent peu avec l'honneur que l'on veut lui faire.
Les nègres, dans leur pays natal, sont encore tous adonnés à l'idolâtrie; ils ne reconnaissent en rien la religion de Mohammed, à laquelle ils ne sont initiés qu'après être tombés au pouvoir des Musulmans. En reproduisant donc à Alger une fête qui leur rappelle le pays natal, il est peu probable qu'ils aient en vue de glorifier un souvenir des premiers jours de l'islamisme. Si l'on considère en outre que, sous le gouvernement turc, alors que toutes les fêtes musulmanes étaient célébrées avec une rigoureuse observation, jamais les nègres n'avaient évoqué la mémoire de leur patron, et qu'ils n'ont commencé à le faire qu'à l'abri de la tolérance que nous accordons à tous les cultes, on sera conduit à en chercher une autre origine. Le nom de Belal semble rappeler Belus, ou Baal, ou Bel, ce dieu importé en Afrique par les Phéniciens, et à qui l'on offrait des sacrifices d'animaux de toute espèce; et l'Aïd el Foul pourrait n'être autre chose qu'une trace persistante, à travers les siècles, du culte rendu à ce faux dieu.
Du reste, le sacré est mêlé au profane dans le cérémonial de cette fête, qui consiste d'abord à célébrer le Fatcha, ou prière initiale du Coran, et à égorger ensuite un bœuf, des moutons et des poulets au milieu de danses et de chants.
Le bœuf destiné au sacrifice est préliminairement couvert de fleurs; sa tête est ornée de foulards, et ce n'est qu'après que les sacrificateurs ont exécuté des danses dans lesquelles ils tournent sept fois dans un sens, et sept fois dans un autre, que la victime reçoit le coup mortel.
La manière dont l'animal subit la mort, soit qu'il tombe subitement sous le couteau qui l'a frappé, soit qu'il s'agite dans une lente et pénible agonie est le sujet de pronostics heureux ou malheureux qu’interprètent aussitôt les noirs aruspices.
Après le sacrifice, commence la danse nègre.
La troupe des enfants du Soudan se dirige vers le bassin de Lella Haona; dans ce moment, on voit des individus, que le trémoussement (appelé djedeb) a violemment impressionnés, se précipiter, ruisselants de sueur, dans les flots de la mer, d'où leurs compagnons ont souvent grand'peine à les retirer.
D'une autre côté, et sous des tentes improvisées, les négresses s'occupent à faire cuire des fèves, les premières que les nègres doivent manger de l'année, et qui servent d'assaisonnement au mouton et au couscoussou, base du festin. Tout le reste de la journée e passe en danses ou chants, auxquels la musique appelée dhordeba, c'est à dire l'horrible tapage si aimé des nègres, sert d'accompagnement.
Les autres Musulmans, habitants d'Alger, s'abstiennent en général d'assister à ce spectacle. Il n'en est pas de même des femmes qui, probablement excitées par les récits de leurs négresses, y viennent en foule, et s'y livrent à une gaieté folâtre, en diminuant un peu la longueur du voile qui cache leurs traits. Il est juste de dire cependant que les femmes qui appartiennent aux principales familles ne figurent pas dans ces réunions. (1)
(1) Nous devons la communication de cette note à MM.E. de Rouzé, capitaine du bureau arabe.
Magasin Pittoresque, 1851.
Un peu plus loin, on remarque un bassin carré rempli d'eau, consacré à Lella Hoana, sainte femme qui est également en grande vénération parmi les enfants du Soudan.
Quant au Sidi Belal, si fort en honneur parmi les nègres, les traditions ne sont nullement d'accord; quelques unes croient pouvoir le rattacher au Bélal, esclave noir de Mohammed qui fut un des premiers à embrasser l'islamisme. Cette version ne paraît guère admissible, malgré l'identité du nom de Belal, qui fut effectivement le premier noir musulman. Affranchi par Mohammed, il avait été chargé par lui de la surveillance des fontaines. Mais les sacrifices et les cérémonies de la fête s'accordent peu avec l'honneur que l'on veut lui faire.
Les nègres, dans leur pays natal, sont encore tous adonnés à l'idolâtrie; ils ne reconnaissent en rien la religion de Mohammed, à laquelle ils ne sont initiés qu'après être tombés au pouvoir des Musulmans. En reproduisant donc à Alger une fête qui leur rappelle le pays natal, il est peu probable qu'ils aient en vue de glorifier un souvenir des premiers jours de l'islamisme. Si l'on considère en outre que, sous le gouvernement turc, alors que toutes les fêtes musulmanes étaient célébrées avec une rigoureuse observation, jamais les nègres n'avaient évoqué la mémoire de leur patron, et qu'ils n'ont commencé à le faire qu'à l'abri de la tolérance que nous accordons à tous les cultes, on sera conduit à en chercher une autre origine. Le nom de Belal semble rappeler Belus, ou Baal, ou Bel, ce dieu importé en Afrique par les Phéniciens, et à qui l'on offrait des sacrifices d'animaux de toute espèce; et l'Aïd el Foul pourrait n'être autre chose qu'une trace persistante, à travers les siècles, du culte rendu à ce faux dieu.
Du reste, le sacré est mêlé au profane dans le cérémonial de cette fête, qui consiste d'abord à célébrer le Fatcha, ou prière initiale du Coran, et à égorger ensuite un bœuf, des moutons et des poulets au milieu de danses et de chants.
Le bœuf destiné au sacrifice est préliminairement couvert de fleurs; sa tête est ornée de foulards, et ce n'est qu'après que les sacrificateurs ont exécuté des danses dans lesquelles ils tournent sept fois dans un sens, et sept fois dans un autre, que la victime reçoit le coup mortel.
La manière dont l'animal subit la mort, soit qu'il tombe subitement sous le couteau qui l'a frappé, soit qu'il s'agite dans une lente et pénible agonie est le sujet de pronostics heureux ou malheureux qu’interprètent aussitôt les noirs aruspices.
Après le sacrifice, commence la danse nègre.
La troupe des enfants du Soudan se dirige vers le bassin de Lella Haona; dans ce moment, on voit des individus, que le trémoussement (appelé djedeb) a violemment impressionnés, se précipiter, ruisselants de sueur, dans les flots de la mer, d'où leurs compagnons ont souvent grand'peine à les retirer.
D'une autre côté, et sous des tentes improvisées, les négresses s'occupent à faire cuire des fèves, les premières que les nègres doivent manger de l'année, et qui servent d'assaisonnement au mouton et au couscoussou, base du festin. Tout le reste de la journée e passe en danses ou chants, auxquels la musique appelée dhordeba, c'est à dire l'horrible tapage si aimé des nègres, sert d'accompagnement.
Les autres Musulmans, habitants d'Alger, s'abstiennent en général d'assister à ce spectacle. Il n'en est pas de même des femmes qui, probablement excitées par les récits de leurs négresses, y viennent en foule, et s'y livrent à une gaieté folâtre, en diminuant un peu la longueur du voile qui cache leurs traits. Il est juste de dire cependant que les femmes qui appartiennent aux principales familles ne figurent pas dans ces réunions. (1)
(1) Nous devons la communication de cette note à MM.E. de Rouzé, capitaine du bureau arabe.
Magasin Pittoresque, 1851.
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