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vendredi 8 août 2014

Les bois de marine.

Les bois de marine.

Quoique l'on se serve aujourd'hui presque exclusivement du fer pour les constructions maritimes, il n'est pas sans intérêt de rappeler que les formes toutes particulières des navires, les courbes qui les limitent à peu près de toutes parts, exigent des pièces de bois de contours spécifiques, des courbes, des crochets, des S, que la nature ne fournit pas toujours en abondance. non-seulement ces courbes doivent posséder des angles et des parties arrondies de valeurs déterminées, mais encore il leur faut des dimensions fixes, et ces conditions réunies restreignent considérablement le choix que pourraient faire les agents de l'administration chargés de cette tâche délicate.
Ce n'est pas que la marine ait constamment besoin ce bois de très-fort échantillon: sans doute, il en faut pour les maîtresses pièces des grands navires, mais les chantiers de construction ont besoin plus encore de réunir beaucoup de petits bois.
En architecture civile, la base d'un édifice présente des masses d'une proportion très-supérieure aux assises qui la recouvrent: ces assises même varient suivant l'objet qu'on se propose et l'élégance des dormes qu'on veut obtenir. De même, en architecture navale, les parties inférieures du navire exigent des bois de très-fort échantillon, tandis que les sommités ne doivent recevoir que des pièces de faibles proportions.
Les difficultés sont donc assez grandes parce que les bois désignés doivent être de qualité irréprochable. L'expérience a prouvé, en effet, que la qualité du terrain et les circonstances de la végétation influent beaucoup sur la valeur des bois. Les arbres provenant de vieilles souches sont roux ou rouges à l'intérieur. Si le terrain qui les a produits est constamment humide, ils sont gras, tendres, poreux; leur accroissement est très-rapide, mais les nœuds en sont presque toujours mauvais, la durée des vaisseaux en est très bornée, ils s'échauffent très-promptement et pourrissent. Viennent ensuite les vices de croissance. Quand les bois sont vieux, sur le retour, les pièces sont de qualité douteuse et de détérioration prompte. L'intempérie des saisons, l'action des grands vents, influent également sur leur valeur. Le froid excessif les fait fendre à la surface et leur donne lac gélivure; les vents violents, en les agitant et en les courbant trop, amènent la roulure.
Certains arbres ont été mal ébranchés et ont contracté des infiltrations d'eau; certains autres présentent une écorce touffue en hélice, qui indique que leurs fibres ne sont pas droites, ce sont des bois virants: tous doivent être rejetés.
Mais à l'exception des pièces droites que l'on trouve en futaie, toutes les pièces courbantes et les courbes ne se peuvent demander qu'aux chênes de taillis ou à ceux de lisière et de cornière, c'est à dire à ceux qui ont été le plus exposés aux accidents que nous énumérions tout à l'heure. 
Ne nous étonnons donc pas si les pièces convenables ont encore si grande valeur.


Les noms qui servent à désigner toutes ces pièces nous semblent un peu barbares. la dénomination des pièces varie avec leur forme particulière, mais plutôt encore avec leurs dimensions et l'ouverture de leurs angles. 






Par exemple, en bois droits, la quille, l'étambot, les plançons, les mèches de gouvernail, les préceintes, les bordages, les illoires, ne peuvent varier que par leurs dimensions. 





En bois courbants, nous voyons les étraves, les varangues, les baux et demi-baux, bossoirs, allonges, etc. , etc. , qui varient et parleurs dimensions et par leur hauteur de cintre. Parmi les courbes, nous trouvons les même différences entre les genoux, les courbes, les allonges de revers, etc. , etc.
Un mot maintenant sur la manière dont on traite les arbres marqués pour les amener à l'état de bois de chantier, c'est à dire pour les équarrir suivant les patrons voulus. On commence par poser l'arbre (fig. 13) sur des cales, de façon que la partie arquée soit tournée vers le ciel. 


Une fois la pièce fortement assujettie dans cette situation, l'ouvrier trace sur la face supérieure de l'arbre deux traits qui fixent l'épaisseur réglementaire que la pièce doit avoir. Ces traits se tracent au cordeau enduit de suie. L'ouvrier se place alors sur l'arbre, et fait à chaque flanc des incisions profondes, A, A, B, B, etc. , parfaitement verticales, ce dont il s'assure à l'aide d'un fil à plomb. Ces entailles sont distantes de 40 à 50 centimètres, et il attaque dès lors la pièce en suivant les fibres du bois, et emportant avec sa hache les segments qui couvrent le plat de l'arbre. Les incisions faites d'abord facilitent la levée des éclats, et la pièce se trouve façonnée sur ses deux faces opposées (fig. 14)


L'arbre est alors changé de position: les faces qui étaient verticales sont alors posées horizontalement sur les chantiers, et l'ouvrier, au moyen du cordeau, de l'équerre et du compas, y trace le profil de la pièce complète. Répétant alors sur ce sens les entailles espacées, il enlève tout le bois inutile, et la pièce équarrie et façonnée devient telle que le montre la figure 14, débarrassée du bois superflu.



Si, au lieu d'un arbre tel que nous venons de le voir, l'ouvrier doit équarrir un bois courbant (fig. 15), il procédera absolument de la même manière dans les deux positions verticales, puis horizontales: jamais la scie n'intervient dans le travail des bois de marine.

Magasin Pittoresque, 1874.

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