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dimanche 3 août 2014

Comment on retrouve les gens perdus.

Comment on retrouve les gens perdus.

Fini le temps des oncles d'Amérique et des Enfants prodigues courant dans le monde oublieux du pays natal! Les journaux quotidiens, par leur quatre pages de publicité, les invitent, sans relâche, à revenir au foyer où l'on pleure leur absence.
Quand ces chercheurs d'aventures  ne répondent pas aux appels de tendresse, ils écoutent presque toujours la voix des annonces ainsi conçues:
Me B... , notaire à Paris, recherche Gaston Durol pour affaires le concernant.
A Birmingham, en Angleterre, une vieille demoiselle avait usé, en vain, de la publicité des journaux et revues des Royaumes-Unis pour retrouver son frère. L'ingrat ne donnait pas signe de vie.
- Sans doute, pensa miss Barrett, Edward craint de retrouver au logis une sœur prêcheuse et grondeuse. Je vais lui jouer un tour à ma façon! Et il verra bien que je ne veux que le bonheur de mon grand fou.
Ledit Edward avait habité longtemps à Belfast, 3, rue Neuve.
Miss Barrett fit publier dans le Times:
"Un héritage de deux millions vient d'échoir à l'une des personnes qui habitèrent, de 1880 à 1900, le n° 3 de la rue Neuve, à Belfast. Ecrire à l'agence Lux, Trench-Street."



Edward répondit sur le champ, en compagnie de quelques centaines de citoyens anglais, à cette alléchante invite de Dame Fortune. Et miss Barrett lui adressa une lettre fort tendre, jutant qu'elle ne citerait plus la Bible à son frère, promettant de lui abandonner au surplus la moitié de sa fortune. Edward fut converti! On le serait à moins.

On demande un gérant.

Le "truc" employé par un tailleur parisien pour ramener au logis un fils disparu dans la "brousse parisienne" ne manque pas d'originalité.
Le jeune homme, intelligent, excellent industriel, n'avait abandonné le foyer paternel que pour se soustraire aux remontrances un peu vives, parfois injustes, de l'auteur de ses jours.
Le maître tailleur "monta" une boutique sur le boulevard et publia dans les grands journaux une annonce en ces termes:
"On demande un gérant pour un établissement de tailleur, créé boulevard X... Les postulants doivent être âgés de ... Adresser toutes références à M. B... bureau du journal. On répondra aux lettre signées."
Le fils prodigue envoya ses propositions de gérance. Il fut agréé et dirigea, sans le savoir, la succursale de la maison paternelle. Après plusieurs mois d'exploitation heureuse, il apprit le délicat subterfuge mis en oeuvre par les siens pour le soustraire aux difficultés de la vie. Il pardonna à son père...  repentant.
En Amérique, la tendresse des papas privés de tous rejetons met en émoi l'ancien et le nouveau monde.
Un certain général Benoît, directeur de ménagerie (au pays des dollars, il faut être au moins capitaine pour montrer les ours) avait la douleur de vivre loin de son fils courant les scènes européennes pour éviter les "scènes" de famille.
Notre manager, au retour de quelque tournée particulièrement fructueuse, conçut le projet de demander son fils à tous les directeurs de spectacles du monde. Il priait ses confrères de lui adresser l'ingrat mort ou vif, contre une liasse respectable de bank-notes.
Et le signalement du fugitif fut affiché dans le vestibule de tous les établissements connus, de Saint-Pétersbourg à Madagascar.
On retrouva, dit-on, le jeune yankee, dans la baraque de la Femme-Chien... à la foire de Montmartre.

Monsieur le maire a disparu.

Plus naïve, plus touchante encore fut la publicité mise en oeuvre par une servante normande pour retrouver son patron, un gros fermier, maire de la commune.
Depuis deux jours, M. X... n'avait pas paru au logis. Inquiète autant qu'affligée, sa bonne prit le parti douloureux de donner quarante sous au garde-champêtre pour qu'il annonçât, à grand renfort de tambour, l'avis ci-joint:
"Bonne récompense sera donnée à qui apportera des nouvelles de monsieur le maire de X...  à Geneviève Rapon, sa bonne, qui est dans les larmes."



Le tambour normand frappa si bien de sa caisse, à deux lieues à la ronde, que M. X... finit par entendre les appels de Genebiève Rapon.
Il jouait le "piquer voleur" chez un fermier de ses amis, perdant, gagnant,... gagnant, perdant, depuis quarante huit heures.
La tendresse inquiète de la bonne le toucha beaucoup. Il épousa la brave fille, mais cassa le garde-champêtre, qui l'avait annoncé comme un goret perdu!

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 12 avril 1903.

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