Les Auvergnats.
C'est un beau pays que l'Auvergne, pittoresque, plein de sauvages merveilles. Mais avec ses plateaux rocheux, son sol de granit et de lave, ses volcans, ses torrents, ses grands bois, ses âpres pâturages, ce beau pays ne nourrit pas ses habitants.
La terre est pauvre, excepté dans certaines vallées; les plateaux sont froids, exposés aux vents soudains, l'hiver est long et dur; avec une latitude presque méridionale, c'est le climat du nord, et la neige couvre longtemps la terre. Il y a peu de champ de blé, mais du seigle, de l'orge, beaucoup de châtaigniers; on vit de châtaignes en Auvergne.
Sur les hautes pâtures sont épars des villages, des hameaux de chaumières, des burons, sorte de chalets, avec des étables pour les troupeaux; on t recueille le laitage, on y fabrique le fromage.
Un buron au Mont-Dore. |
On est pauvre, la famille est nombreuse; que fait le jeune paysan d'Auvergne? Il émigre; il vient dans les villes, à Paris. Mais il ne vient ici pour y rester; il compte bien retourner là-bas, quand il aura gagné de l'argent. Pour en avoir, il fera tout de qu'on voudra, excepter voler, car il est foncièrement honnête.
Intérieur d'un buron au Mont-Dore. |
Il sera porteur d'eau, commissionnaire, charbonnier, marchand de bois, marchand de châtaignes grillées au coin des rues. Travailleur, sobre, il est âpre au gain, dit-on plus qu'économe... Je le crois bien; c'est qu'il a hâte de revenir; s'il est de corps parmi nous, sa pensée est au pays. Là il se sentira chez lui, plus à l'aise que parmi les habitants des villes, et montrera plus volontiers ses qualités sociales et bienveillantes. Là, il se mariera; il achètera une maisonnette avec un jardin, un coin de champ; il élèvera son troupeau et fera ses fromages. Il retrouvera les vieux parents et parlera son patois maternel. C'est à cela qu'il pense, quand il reçoit son pourboire, qu'il ne boit pas.
Pour la population aussi, l'Auvergne est un des pays de France les plus remarquables. L'auvergnat, surtout celui des campagnes et des hauts plateaux, représente la vieille race, peu mêlée, peu modifiée en somme par les temps: esprit réfléchi, tenace, bonhomie, un peu rustique d'allure, attachement au sol, vertus familiales. Le patois, l'accent, ont une certaine rudesse montagnarde, qui ne messied pas au milieu de cette âpre nature. La vie a quelque chose de patriarcal et de sérieux, où les fêtes, les noces font de rares échappées de joie bruyante. Les danses du pays, les bourrées au son de la cornemuse celtique ou du violon latin, ont un certain cachet antique et tout local; et ceux qui ne sont point du terroir ne peuvent, dit-on, en bien saisir le rythme.
Bourrée auvergnate. |
Le costume est simple et agreste: pantalon large, veston court, gilet encore plus court, avec large ceinture, vaste chapeau et sabots de hêtre. Les femmes, avec leur jupe courte et leur tablier à piécette relevé, leur petit châle croisé sur la poitrine, leur bonnet de linge ou leur petit chapeau fermé, orné d'un ruban de couleur foncée, sont plus élégantes. Le dimanche et les jours de fête on fait les frais de coquetterie: on porte tablier de soie, souliers à boucles, et sur la tête une énorme touffe de fleurs, tout un jardin!
Femme de Mezenc, costume des dimanches. |
Cependant, les vieilles mœurs, les vieux costumes disparaissent; mais il restera au montagnard d'Auvergne sa loyauté, son amour du travail et sa franche bonhomie, qualités de race auxquelles viendront se joindre les bienfaits de l'instruction.
Les Peuples de la terre, Ch. Delon, librairie Hachette, 1890.
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