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mercredi 27 décembre 2017

Ceux de qui on parle.

Gabriel Hanotaux.


Je ne sais si M. Hanotaux a jamais senti s'éveiller en lui une vocation quelconque, s'il en est ainsi, on doit lui rendre cette justice qu'il a courageusement refoulé ce sentiment fâcheux pour obéir en toute occasion aux injonctions de son heureuse fortune. Ce n'est pas lui qui s'obstinera, comme tant de pauvres imbéciles, à la poursuite d'une chimère. Compromettre sa bourse et sa santé pour l'achèvement de l'oeuvre à laquelle on a voué sa vie, c'est le fait d'un sot ou d'un homme de génie. M. Hanotaux appartient à une autre catégorie de l'humanité, à la plus nombreuse sinon la plus pittoresque, à la catégorie des gens qui ont pour principale préoccupation de mettre du foin dans leurs bottes.
Après avoir fait de bonnes études et obtenu le diplôme d'archiviste paléographe, M. Hanotaux fut nommé maître de conférences à l'Ecole des Hautes études. Attaché, peu de temps après, aux Archives des Affaires étrangères, il fut dans les ministères Gambetta et Jules Ferry, chef du cabinet du ministre.
Aussi cavalièrement qu'il avait quitté la science et le professorat pour l'administration, il quitta celle-ci, quand les temps propices furent révolus, pour la diplomatie: en 1885, il partait comme secrétaire d'ambassade à Constantinople et ce jeune secrétaire de trente-deux ans ne tardait pas à prendre l'intérim de l'ambassade.
Il ne le garda pas longtemps. Après avoir cherché, comme diplomate, à concilier la France et l'étranger, il rêva à travailler à la désunion des français; d'affreux cauchemars le hantèrent, pendant lesquels il voyait des hommes en blouse blanche l'enveloppant des pieds à la tête, d'affiches multicolores au milieu d'une galerie de spectateurs menaçants, gesticulants et hurlants... Il se réveilla député.
Les pouvoirs législatifs de M. Hanotaux durèrent trois ans, après lesquels il dut se remettre à la recherche d'une situation. La carrière diplomatique lui offrit de nouveau un refuge, mais cette fois, à Paris même. Ministre plénipotentiaire et sous-directeurs des Protectorats, puis directeur des Consulats et des Affaires commerciales. M. Hanotaux se tira d'affaire tant bien que mal, jusqu'au jour où ses électeurs consentirent à le réélire. Son étoile atteignait alors son apogée. Deux fois ministre des Affaires Etrangères, il accompagna Félix Faure dans le voyage qu'il fit en Russie et qui scella le fameux pacte d'alliance.
Mais tant d'heur et tant de gloire ne suffisaient pas à M. Hanotaux. Les palmes brodées de l'Institut le tentaient. Plus audacieux que ces estimables inconnus qui se glissent dans l'arrière-boutique de l'Académie des Sciences morales et politiques, le distingué ministre, s'avisant qu'il avait publié deux ou trois études historiques, jugea qu'une seule Académie était digne de le recevoir et il écrivit à son intention l'histoire de Richelieu. 



L'Académie française ne voulut pas être en reste de politesse: elle accueillit M. Hanotaux en 1897.
On n'arrive pas à ces hauts sommets sans se faire des ennemis. M. Hanotaux l'a appris. Il a même essuyé un coup de revolver que tira sur lui une main féminine. La dame était jolie, pourtant l'ancien ministre aurait préféré ne l'avoir jamais rencontré sur sa route...
Aujourd'hui, M. Hanotaux n'est plus ministre, ni député, ni diplomate, ni fonctionnaire. Il est simplement académicien. Il a trouvé enfin une situation sûre. Saura-t-il s'y maintenir?

                                                                                                             Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 12 mai 1907.

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