Huttiers au Marais.
Pour le sol, aussi pour la race, la Vendée est un prolongement de la Bretagne. La partie terrienne qu'on appelle le Bocage, quoiqu'il y ait peu de bois, rappelle la Haute-Bretagne: champs entourés de haies plantées de hauts fûts ébranchés, chênes, frênes, châtaigniers; chemins creux bordés de talus, sous l'ombre des grands arbres qui se rejoignent par dessus.
Sur la côte basse qui fait face à l'île de Ré, le Marais est une Hollande en miniature. Le sol, plat et mouillé, fangeux, est sillonné d'une multitude de petits canaux croisés, de fossés étroits encombrés de roseaux et de scirpes, semé d'étangs dormants et couverts de plantes aquatiques flottantes. Les îlots entourés par les rigoles sont des terres grasses et fertiles, que l'été couvre de riche moissons. Les levées, les petites digues de terre qui bordent les canaux sont plantés de saules, de frêne, de peupliers et servent de chemins.
Mais, comme en Hollande aussi, les étiers (canaux) sont eux-mêmes les principales voies de communication. Les maraîchers sont demi-aquatiques. Ils vont à leur champ, voisinent, portent leurs moissons, se rendent au marché sur leurs petites barques longues, étroites et plates, qu'ils nomment yoles, et qui glissent sur les eaux mortes le long des roseaux. Le batelier les pousse au moyen d'une longue perche qu'il appuie au fond ou contre les berges et manie habilement.
Les jours de fête ou de marché, autour du village, des milliers de yoles sillonnent le réseau des biefs, portant des femmes endimanchées; c'est un curieux et joyeux coup d’œil. Quant aux piétons, ils ont à parcourir à la traverse des plaines sans horizon, où les haies, les rangs d'arbres bornent partout le regard, et mille fois coupées en tous sens de fossés, où les ponts sont rares. ils portent avec eux leur perche batelière, qui devient perche à sauter. Enfonçant la pointe bien au milieu du fossé, l'homme s'élance, décrit en l'air un grand arc de cercle, et se retrouve sur ses pieds en la rive opposée... Les jeunes gars du pays sont fort adroits à cet exercice.
"Nous voyageons par les airs, nous autres" disent-ils plaisamment.
La population pauvre du Marais, ceux qu'on nomme les huttiers, vit dans de triste cabanes, basses et fumeuses, sombres, dénuées, malsaines, faite de boue desséchée et couvertes de roseaux, bâties sur des mottes, c'est à dire sur des emplacements un peu élevés. Ils subsistent maigrement de la culture d'un petit terrain, du produit de quelques vaches qui pâturent le long des levées, de la pêche dans les canaux, qui sont fort poissonneux. L'hiver, ils font la chasse aux canards sauvages, aux oiseaux aquatiques, qui s'abattent par grands vols sur les étangs. Il y a aussi dans le Marais des habitants aisés, des fermes étendues et productives, des cultures importantes de blé et de chanvre.
Les costumes de la Vendée en général se rapprochent beaucoup de ceux de la Bretagne: braies courtes, mais plus étroites, vastes gilets, vestons courts, cravate nouée en corde, large chapeau; puis la mode des cheveux longs qui va disparaissant. Les femmes portent aussi le petit corsage breton, ouvert et brodé, la coiffe blanche, variant suivant les localités.
Jeune fille de Luçon en Vendée. |
Et pour les mœurs encore, les vendéens ont plus d'un rapport avec les bretons: l'humeur grave, l'opiniâtreté, la crédulité extrême, le penchant à la superstition, l'attachement au sol natal, aux vieilles traditions, et à la disposition à subir le mal du pays lorsqu'ils sont forcés de quitter leur patrie.
Les peuples de la terre, Ch. Delon, librairie Hachette et Cie, 1890.
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