Étonnante sagesse d'une jeune bretonne.
Lorsque j'habitais le bourg de Ploubalzanec, j'allais parfois sur la falaise pour entendre chanter Annaïk Cordfir. Sa voix était délicieuse. C'est elle qui m'a appris la chanson des Trois marins en voyage, des trois marins que le vent jeta sur les côtes de Hollande.
Un jour que j'étais couché sur le dos et qu'au milieu des bourdons tambourineurs, j'écoutais chanter cette vieille chanson des trois mariniers:
Sur la côte d'Hollande, ô gué! sur la côte d'Hollande!
Près d'un moulin à vent.
Tra la la, la la di déra!
Près d'un moulin à vent, nous avons mouillé l'ancre!...
Quelque chose de chaud, d'humide et d'irrévérent vint brusquement s'aplatir sur l'aile gauche de mon estimable nez.
C'était, vous l'avez deviné, seigneur, la modeste petite fiente d'un oiselet.
L'offense était minime, mais pourtant elle m'exaspéra.
Je me mis aussitôt à jurer, cracher, trépigner comme trente-six diables.
- Sale oiseau! hurlai-je, ne pourrais-tu prendre garde? La terre est-elle devenue trop petite que tu prends le nez du pauvre monde pour fientoir?
Alors Annaïk fixa sur moi ses petits yeux noirs, qui riaient parmi les taches de rousseurs:
- Ma fi! dit-elle, vous faites bien le méchant pour une pauvre petite crotte de moineau! Quoi donc que vous diriez si les vaches avaient des ailes!
George Auriol.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 16 juillet 1905.
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