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dimanche 12 février 2017

Le prix d'une élection à Paris.

Le prix d'une élection à Paris.


Les élections législatives, à Paris, sont très onéreuses pour le budget municipal depuis que le scrutin de liste a été substitué au scrutin uninominal.
Paris compte, en effet, 450.000 électeurs sur les 564.000 électeurs du département de la Seine. Aussi la confection des listes  électorales et des cartes, le dépouillement du scrutin, prennent une proportion considérable. Rien que la révision annuelle des listes électorales, tant pour les élections législatives que pour les élections municipales, exige l'inscription au budget d'un crédit permanent de 85.000 fr. environ.
A cette dépense viennent s'ajouter les frais que nécessitent les élections législatives, sénatoriales ou municipales, qui peuvent avoir lieu dans le courant de l'année. Lors de l'établissement du budget, le conseil municipal et l'administration prévoient toujours une dépense éventuelle; mais les événements déjouent souvent ces prévisions et font dépasser toujours les sommes primitivement votées.
Ainsi en 1886, la dépense constatée a dépassé de 136.000 francs le crédit primitif, et, en 1887, on a dû dépenser 208.000 francs, alors que l'on avait prévu tout d'abord qu'une dépense de 50.000 francs. Pour l'exercice 1889, le conseil municipal a voté 500.000 francs. cette somme sera-t-elle suffisante? On ne saurait l'affirmer. En tout cas, elle va être fortement entamée par l'élection du 27 janvier.
Cette élection coûtera à la Ville de Paris au moins 100.000 francs. Les élections législatives des mois d'octobre et de décembre 1885, où la députation du département de la Seine a été complètement renouvelée, ont motivé une dépense totale de 770.154 fr., soit 370.166 francs pour le personnel et 300.090 fr. pour le matériel. Mais cela tient aux mesures exceptionnelles que l'administration préfectorale avait dû prendre. Le nombre de sections de vote, au lieu d'être de 26, comme à l'ordinaire, avait été porté à 649. Le matériel de la Ville n'avait pas suffi, et il avait fallu louer des tables et des chaises supplémentaires en telle proportion, que cette location figure sur les comptes de 1885 pour la somme de 289.000 francs. En outre, on se souvient sans doute que le dépouillement des nombreuses listes aux deux scrutins du mois d'octobre à, dans certaines sections, duré près de douze heures: la Ville de Paris, toujours généreuse, avait prévu ce retard et avait fait préparer des collations pour les scrutateurs laborieux. ces collations ont coûté plusieurs milliers de francs.
En 1885, M. Henri Rochefort a démissionné. Le 2 mai, M. Alfred Gaulier a été élu. Dépense constatée: 94.795 francs. L'élection de M. Mesureur, élu le 22 mai 1887 en remplacement de M. Cantagrel, décédé, a coûté un peu plus de 105.000 francs, c'est à dire à peu près autant que le renouvellement intégral du conseil municipal de Paris qui a eu lieu les 7 et 14 mai 1887: c'est à dire que 80 conseillers municipaux de Paris valent un député de la Seine, au point de vue des dépenses électorales, bien entendu.
On peut se demander comment il se fait que la dépense soit si élevée. Rien n'est plus facile que de répondre à cette question.
Paris compte, nous l'avons dit, 450.000 électeurs, pour les élections législatives, le chiffre exact est de 450.970. Or, chaque électeur est inscrit sur une liste de section, sur une liste dite d'émargement, sur une copie de cette liste. Ce travail d'inscription est payé 1 centime 1/2 pour la première liste et 1 centime pour chacune des deux autres. Enfin le libellé d'une carte électorale vaut 2 centimes; la carte électorale elle-même vaut à peu près 1 centime 1/2. Par conséquent, chaque électeur inscrit coûte déjà 6 centimes. Que l'on multiplie ce chiffre par le nombre des électeurs, et l'on trouve déjà une dépense de 27.000 francs.
D'autre part, dans chaque section de vote, il y a deux employés et un garçon de bureau qui sont chargés de l'installation et de la préparation des accessoires: leur déplacement est payé une quarantaine de francs. Pour 260 sections de vote, cela fait une dizaine de mille francs. Puis il y a le classement des listes par section de vote et la distribution, aux électeurs, de leur carte électorale. Ce sont des opérations qui sont faites à l'avance dans les mairies, par un personnel spécial.
Mentionnons encore les frais d'affichage, d'impression, les menus frais de section de vote, tels que bougies et fournitures de bureau, enfin la location du matériel supplémentaire. Au total, on arrive à 65.000 francs pour le personnel et à 30.000 francs pour le matériel, et cela quand il n'y a qu'un tour de scrutin. Dans le cas d'un double scrutin, la dépense peut être majorée d'une trentaine de mille francs au moins: c'est la somme que l'administration inscrit dans sa demande de crédit; mais la dépense réelle ne saurait être évaluée, la nécessité de deux tours de scrutin ne s'étant présentée ni pour l'élection de M. Gaulier, ni pour celle de M. Mesureur.
Ajoutons que les élections sénatoriales nécessitent une dépense de 8.500 francs seulement, et que les élections municipales de quartier coûtent à la ville de Paris 1.300 francs en moyenne.

Le petit Moniteur illustré, 20 janvier 1889.

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