Comment on exécutait les criminels d'autrefois.
La guillotine se promène, la guillotine erre à travers Paris, et quand elle veut s'arrêter dans quelque coin isolé, les habitants du quartier menacé de sa présence font entendre de si bruyantes protestations que la sinistre "veuve" est obligée de fuir plus loin, sans jamais pouvoir se fixer! Des parisiens d'autrefois répugnaient moins, comme on va le voir, aux exécutions capitales et ne faisaient pas si mauvaise figure aux "bois de justice".
Si le Parlement ne prononce pas l'abolition de la publicité des exécutions capitales, on ne sait trop où elles auront lieu! personne ne veut de la guillotine.
Passons à ce propos la revue des places et carrefours de Paris où, pendant des siècles, la foule s'est ruée, avide d'impressions brutales, au spectacle des décollations, pendaisons et supplices divers.
Sous Louis-Philippe, on décapitait à la barrière Saint-Jacques. C'est même à cette place que se produisit un scandale effroyable. Une exécution ayant eu lieu en temps de carnaval, on vit une farandole de masques avinés danser une pyrrhique échevelée autour des bois de justice.
Pendant la Restauration, l'échafaud se dressait place de Grève, l'antique lieu des exécutions et des fêtes publiques. Ce fut là, déjà, que le 25 avril 1792 la guillotine parut pour la première fois avant de passer place Louis XV, alors place de la Révolution, aujourd'hui place de la Concorde, où elle fonctionne quelques années et où elle revint au 9 Thermidor, après avoir été reléguée quelque temps à l'extrémité du faubourg Saint-Antoine.
Un gibet célèbre.
La justice féodale eut un gibet célèbre, celui de Montfaucon, élevé par Enguerrand de Marigny, qui y fut pendu lui-même en 1315. Montfaucon était une petite éminence que l'on voyait entre le faubourg Saint-Martin et celui du Temple. Le gibet se composait de seize énormes piliers de pierre reliés à leur sommet et en leur milieu par des madriers sous lesquels se balançaient les cadavres des suppliciés toujours très nombreux.
Parmi les pendus de marque de ce gibet célèbre figurent, avec Marigny, ministre de Philippe le Bel, Pierre Remi, le trésorier du même prince; Jean de Montaigu, un des principaux ministres de Charles VI; Olivier le Daim, le barbier de Louis XI; Hugues de Cuisy, président du Parlement, condamné pour avoir vendu la justice; Jacques de Beaulne de Semblançay, surintendant des finances, victime de la haine que lui portait Louise de Savoie, mère de François 1er; l'amiral de Coligny, chef des religionnaires, assassiné, puis transporté à Montfaucon, où Charles IX alla le voir, disant aux courtisans qui se pinçaient le nez: "Le corps d'un ennemi ne sent jamais mal." Le maréchal d'Ancre, ministre de Marie de Médicis, tué au Louvre, fut également pendu à ce gibet.
Spectacles publics.
En 1477, lorsque Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, fut amené à la Halle aux poissons pour y être passé par le glaive, le travail fut suspendu dans la ville. Pour chasser l'odeur de la marée, on arrosa de vinaigre la halle tendue de voiles noirs, et tandis que le duc se confessait, une collation de pain blanc et de poires, accompagnée de douze pintes de vin, fut servie aux officiers du roi.
Une des premières exécution connue de la place de Grève est celle de Marguerite Poretti, hérétique, que l'on brûla en 1310. Sous François 1er, on vit monter sur l'échafaud de la Grève, le marquis de Saint-Vallier, que sauva au dernier moment la beauté et la jeunesse de sa fille.
On procédait à des noyades sous le pont au Change, on arquebusait les soldats le long des fossés du faubourg Saint-jacques, on faisait bouillir les faux-monnayeurs au marché aux Pourceaux, on essorillait les petits voleurs rue de l'Arbre-Sec.
Ce n'était pas la publicité des exécutions qui gênait alors les moralistes. Volontiers, afin que plus de monde pût assister au terrible châtiment, on pendait, brûlait les criminels, les fêtes et dimanches.
Mon Dimanche, revue populaite illustrée, 2 juillet 1905.
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