Les violons en patte de homard.
Le homard, animal pacifique, jusqu'à ces derniers temps, vivait avec une légende: "il avait du poil aux pattes" et on l'appelait sale bête. Il semble bien qu'il faille, dès à présent, réhabiliter cet honorable crustacé.
Il n'est pas rare de rencontrer dans les eaux de New-York des homards dits astacus maritimus qui atteignent de 1 mètre à 1 m. 25. M. Benjamin Carlton, grâce à l'ingénieuse invention d'un luthier de Philadelphie, utilise la pince de ces géants d'une façon très inattendue, qui renouvelle de fond en comble l'art des instruments de musique. Il lui suffit, en effet, d'ajuster sur cette pince, employée comme caisse de résonance, un manche, une touche, un chevalet et des cordes, et voilà un violon nouveau modèle!
La patine rouge du crustacé est plus belle que le vernis, et la sonorité de l'instrument est comparable à celle d'un stradivarius authentique. Malheureusement, la routine est si forte que beaucoup de virtuoses n'osent pas encore se manifester ainsi en public. Tous n'ont pas la belle audace de Heinrich Sterneman, le compositeur berlinois qui exécuta, devant un public enthousiaste une mélodie de Chopin sur un violon fait d'une caisse de cigares et n'ayant qu'une corde et un solo de violoncelle sur une boîte à amidon.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 26 avril 1908.
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