L'aéronaute Henry Farman, homme-volant.
M. Henry Farman détient aujourd'hui le record de l'aviation. On se rappelle que le 13 janvier dernier, tenté par le magnifique soleil de cette journée, il a lancé son aéroplane, immense carcasse à trois pièces, sur le champ de manœuvre d'Issy-les-Moulineaux.
Quand l'appareil eut fait quelque chemin sur ses roues, il s'éleva graduellement jusqu'à sept mètres, et se maintint à cette altitude pour boucler la boucle de mille mètres qui assurait à M. Henry Farman le prix Deutsch-Archdeacon de cinquante mille francs, en même temps qu'une célébrité immédiate.
Cet heureux champion de l'aviation a d'abord pratiqué, avec autant de succès, un sport plus commun: le cyclisme.
Avec son frère, il a gagné jadis, au Vélodrome Buffalo, des épreuves de tandem. L'équipe des deux frères Farman était réputée n'avoir pas connu de défaite.
On l'appelait l'équipe vierge.
Délaissant les plaisirs surannés de la bicyclette, M. Farman s'est adonné ensuite à l'automobilisme. Il a prit part à plusieurs courses et en particulier à celle du circuit d'Auvergne, en 1905, qu'un grave accident lui fit abandonner.
Sa voiture, déviant subitement du droit chemin; alla rouler dans un des ravins qui bordaient la route, tandis que M. Henry Farman et son mécanicien, projetés brutalement à distance, ne devaient qu'à leur présence d'esprit de ne pas aller s'écraser sur le sol. L'histoire de leur sauvetage n'est pas marseillaise comme on pourrait le croire, elle est bien auvergnate et rigoureusement exacte.
Dans le saut formidable que la secousse leur fit faire, comme la fin de la trajectoire les amenait à frôler les branches d'un arbre, les deux naufragés, qu'on me passe le mot, étendant désespérément les bras, saisirent chacun une branche à laquelle ils restèrent accrochés à la force du poignet, pour se laisser ensuite glisser jusqu'à terre.
C'est ainsi que M. Henry Farman a fait pour la première fois du "plus lourd que l'air".
Etant d'un naturel intrépide, il y a pris goût, et blasé sur les émotions que peut procurer l'automobile, qu'il trouve aujourd'hui un instrument vieux jeu, il s'est consacré passionnément à l'aviation. Ses premiers succès en font espérer d'autres: la puissance de son appareil, affirme-t-il, n'est limitée que par la quantité d'essence et d'eau qu'il peut emporter.
Il a plusieurs épreuves en perspective: celle du mille anglais (1609 mètres) qui est dotée d'un prix de 25.000 francs, celle du tour de piste de l'autodrome de Brookland, et il est convaincu que d'ici deux ans un aéroplane qui pourrait bien être le sien, aura parcouru dans l'air une distance de deux cents kilomètres.
C'est une hypothèse qui n'est pas absurde, mais il faut souhaiter que l'ambition de M. Henry Farman ne s'arrête pas là.
On le sait prompt à changer de goût. Déjà, M. Santos-Dumont semble avoir ralenti ses efforts.
Qu'adviendrait-il si ces deux champions de l'aviation délaissaient ce sport pour la navigation sous-marine ou pour le jeu du diabolo?
Monsieur Farman, succès oblige. En devenant célèbre vous avez cessé de vous appartenir. Vous voici enrôlé dans le corps des gens dont nous contrôlons tous les gestes et, plus encore, l'inaction. Vous serez interviewé de gré ou de force; vous aurez à dire votre avis sur le divorce et sur les chapeaux de théâtre.
Vous allez être l'aviateur à la mode, l'enfant chéri du public, heureux homme, généreux citoyen, sympathique martyr!
Jean-louis.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 7 juin 1908.
Sa voiture, déviant subitement du droit chemin; alla rouler dans un des ravins qui bordaient la route, tandis que M. Henry Farman et son mécanicien, projetés brutalement à distance, ne devaient qu'à leur présence d'esprit de ne pas aller s'écraser sur le sol. L'histoire de leur sauvetage n'est pas marseillaise comme on pourrait le croire, elle est bien auvergnate et rigoureusement exacte.
Dans le saut formidable que la secousse leur fit faire, comme la fin de la trajectoire les amenait à frôler les branches d'un arbre, les deux naufragés, qu'on me passe le mot, étendant désespérément les bras, saisirent chacun une branche à laquelle ils restèrent accrochés à la force du poignet, pour se laisser ensuite glisser jusqu'à terre.
C'est ainsi que M. Henry Farman a fait pour la première fois du "plus lourd que l'air".
Etant d'un naturel intrépide, il y a pris goût, et blasé sur les émotions que peut procurer l'automobile, qu'il trouve aujourd'hui un instrument vieux jeu, il s'est consacré passionnément à l'aviation. Ses premiers succès en font espérer d'autres: la puissance de son appareil, affirme-t-il, n'est limitée que par la quantité d'essence et d'eau qu'il peut emporter.
Il a plusieurs épreuves en perspective: celle du mille anglais (1609 mètres) qui est dotée d'un prix de 25.000 francs, celle du tour de piste de l'autodrome de Brookland, et il est convaincu que d'ici deux ans un aéroplane qui pourrait bien être le sien, aura parcouru dans l'air une distance de deux cents kilomètres.
C'est une hypothèse qui n'est pas absurde, mais il faut souhaiter que l'ambition de M. Henry Farman ne s'arrête pas là.
On le sait prompt à changer de goût. Déjà, M. Santos-Dumont semble avoir ralenti ses efforts.
Qu'adviendrait-il si ces deux champions de l'aviation délaissaient ce sport pour la navigation sous-marine ou pour le jeu du diabolo?
Monsieur Farman, succès oblige. En devenant célèbre vous avez cessé de vous appartenir. Vous voici enrôlé dans le corps des gens dont nous contrôlons tous les gestes et, plus encore, l'inaction. Vous serez interviewé de gré ou de force; vous aurez à dire votre avis sur le divorce et sur les chapeaux de théâtre.
Vous allez être l'aviateur à la mode, l'enfant chéri du public, heureux homme, généreux citoyen, sympathique martyr!
Jean-louis.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 7 juin 1908.
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