Un conscrit qui en vaut dix-sept autres.
Les opérations du tirage au sort sont commencées et nos jeunes gens, peut-être pour la dernière fois, vont aux urnes.
Dans la foule joyeuse qui assiège les mairies et les hôtels de ville se mêlent tous les types, se coudoient tous les éléments constitutifs des feuilles de recensement: les gros et les maigres, les grands et les petits, les bruns et les blonds.
Le côté pittoresque du tirage au sort est précisément dans l'épingle qui fixe au feutre le numéro sensationnel, ou dans les chiffres, vite propagés, de certains cas exceptionnels.
C'est ainsi que nous avons recherché quels furent, dans les opérations du dernier tirage, les conscrits de "poids"
Le poids lourd est donné par M. Claudius Durual, de Sellettes par Irigny (Rhône), qui arrive bon premier avec 324 livres.
Le poids faible est acquis à M. Jules-Adrien Esmilaire, de Croismare (Meurthe-et-Moselle), qui n'atteste que 18 livres 1/2.
Il faudrait exactement 17 conscrits comme Esmilaire pour faire équilibre à Durual et, comme d'autre part, ce dernier est un robuste gaillard au veston ample, comme bien on pense, il pourrait mettre dans sa poche le conscrit de Croismare, dont la hauteur n'est que de 69 centimètres, ce qui lui laisse la latitude d'une croissance de 20 centimètres encore avant d'arriver à la taille d'un parapluie de Pékin...
En supposant que le jeune Esmilaire ait été incorporé, on lui aurait trouvé 3 centimètres de plus qu'une baïonnette, et 63 centimètres de moins qu'un fusil, ce qui est notoirement insuffisant pour faire du maniement d'armes.
Autre remarque: Esmilaire pèse moins que 5 carabines de cavalerie modèle 1886, alors qu'il faut plus de 32 obus de la pièce 75, chargés ensemble de 6.900 balles, pour peser Durual...
Celui-ci est né à Lyon en juin 1882 et, à quatorze ans, il pesait 208 livres. Il jouit d'une santé parfaite, tout comme son concurrent Esmilaire. Aucune tare, aucune infirmité chez nos deux conscrits. De braves garçons, au demeurant, qui se consolent de n'être point soldats en restant de bons citoyens.
Le Petit Journal, militaire, maritime, colonial, supplément illustré paraissant toutes les semaines, 7 février 1904.
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