Pris sur le vif.
Le fameux peintre Jean Belin, qui vivait au milieu du XVe siècle, était friand de voyages comme tous les Vénitiens; il ne comptait passer que quelque temps à Constantinople, où régnait le conquérant Mahomet II, mais celui-ci le traita si somptueusement que l'artiste se fixa pour plusieurs années dans la nouvelle capitale de l'empire turc.
Un jour qu'il était venu le voir travailler à une Décollation de saint Jean-Baptiste, après lui avoir fait force compliments sur l'exactitude de son dessin et la richesse de son coloris, Mahomet remarqua que le cou du prophète décapité était trop long et trop large à la fois.
"Le cou séparé de la tête se rétrécit extrêmement, dit-il. D'ailleurs, constatez-le vous-même."
Il fit un signe à son bourreau, qui ne le quittait jamais, et celui-ci, ayant tranché en un clin d’œil la tête d'un esclave de la suite impériale, le peintre vit tomber à ses pieds qu'il inonda de sang, le corps dont effectivement le cou lui parut beaucoup plus court que celui qu'il avait peint. Saisi d'une frayeur mortelle, Jean Belin n'eut pas un moment de repos qu'il n'eut obtenu son congé. Il préférait peindre "de chic".
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 19 mai 1907.
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