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samedi 13 janvier 2018

Ceux de qui on parle.

Rudyard Kipling.


Je ne crois pas qu'il y ait en ce moment en Angleterre un écrivain plus discuté que Ruydard Kipling. D'autres que lui se sont attiré des critiques; quelques uns, tels que M. Hall Caine et Mme Marie Corelli, deux romanciers aussi goûtés du public anglais que le sont chez nous Jules Mary et Pierre Decourcelle, sont journellement traités de vulgaires feuilletonistes. Plus honorables sont les attaques dirigées contre Ruyyard. Ne pas savoir composer ses romans, y faire à l'amour une place insuffisante, tourmenter son style, voilà ce qu'on reproche à cet auteur avec une véhémence qui montre que ses critiques sont en même temps ses ennemis jurés. Celui qui provoque une jalousie aussi sincère ne peut être un esprit médiocre.
Il est d'ailleurs aussi facilement imité que censuré. Cela même fournit un argument de plus à ses détracteurs: M. Kipling, disent-ils, devrait soigner d'autant mieux son style qu'il le sait destiné à être copié. Ce malheureux auteur n'a pas à répondre seulement de ses œuvres, mais encore de celle de ses imitateurs.




Rudyard Kipking n'a que quarante-deux ans, mais la liste de ses ouvrages est déjà longue: elle comprend des romans, des poésies, des récits de voyages. Tout en préparant ses livres, il envoie aux journaux des pièces de vers ou des articles politiques qui font naître généralement de vives polémiques. Ces jours-là, Kipling en entend de dures; toutefois ses adversaires observent une certaine prudence, car ils savent que l'illustre écrivain est président du Rifle-Club et s'entend comme pas un pour loger une balle où il faut, souvenir de la Jungle.
Rudyard Kipling, en effet, est né à Bombay, et a parcouru l'Inde en tous les sens. Son père, directeur de l'Ecole d'art de Lahore, l'envoya faire ses études en Angleterre, dans le comté de Devon, d'où il revint à dix-huit ans. Secrétaire de la rédaction de la Gazette civile et militaire de Lahore, son humeur aventureuse lui fit préférer bientôt un métier plus actif. Il partit en qualité de correspondant du même journal et du Pionnier d'Allahabad pour visiter la frontière de l'Empire des Indes, le Radjponta et autres contrées. En 1889, il avait alors vingt cinq ans, il poussa ses excursions en Chine, au Japon, en Amérique et retourna en Angleterre.
Ses voyages fournirent une ample matière à son imagination, mais sa préférence s'est constamment maintenue pour le pays de sa naissance et de ses débuts. C'est en Inde, en effet, qu'il donna les Chansons du Pays et les Simples contes des Montagnes, puis de courts ouvrages sur le vie militaire, indigène et mondaine de cette région (les Trois soldats sont particulièrement à citer). C'est l'Inde qui lui a inspiré le Livre de la Jungle, le second livre la Jungle, l'Histoire des Indes et, avec beaucoup d'autres œuvres, une des plus récentes et des plus intéressantes: Kim.
En somme, c'est un véritable hindou que ce globe-trotter, ce sportsman, cet hommes de lettres. Hindou, il l'est d'origine et de coeur, il l'est par son style où apparaît parfois la recherche orientale, et je ne serais pas surpris, tant il a fréquenté les Brahmanes, d'apprendre qu'on l'a vu un jour durant, les mains sur les genoux et le ventre en avant méditer sur sa prochaine incarnation.

                                                                                                                        Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 26 mai 1907.

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