Les Savoyards.
Quand autrefois les pauvres petits Savoyards, forcés par la misère d'abandonner pour longtemps peut-être leur hameau, leur famille, descendaient à l'automne de leurs âpres montagnes afin d'aller dans les villes gagner leurs vies en toutes sortes de petits métiers, ramoneurs, rétameurs, joueurs de vielle, montreurs de marmottes, avec une paire de sabots neufs aux pieds et un pain noir dans le bissac; quand les mères les avaient conduits jusqu'à la croix de bois, au détour du chemin de la vallée, et là, pour la dernière fois, les avaient embrassés avec des adieux tout pleins d'angoisse et de larmes et les recommandations suprêmes aux plus âgés, conducteurs de la petite troupe... où allaient-ils, par la longue route sans fin qui s'abaisse vers la plaine et s'enfonce là-bas à travers les arbres gris? En France, à Paris.
Ces tristes migrations d'enfants sont aujourd'hui plus rares. Mais à l'âge d'homme, quand les robustes fils des nombreuses familles, trouvant la terre trop ingrate et les champs trop étroits, quittent leur belle et rude patrie pour exercer des industries diverses en des pays offrant plus de ressources, délibérés, courageux, et déjà, au départ, pleins de projets pour le retour, - où vont-ils encore? En France, à Paris; quoique la plaine lombarde étale sur l'autre versant des monts sa corbeille pleine de fleurs et d'épis. Revenus plus tard au village natal, ils rapportent le souvenir de cette autre patrie qui les a accueillis, où ils ont trouvé aide fraternelle et travail, et mêlent les idées parisiennes aux mœurs montagnardes, le français parisien au patois maternel.
C'est pourquoi, depuis des siècles, ils sont français de coeur; ils l'étaient bien avant que la Savoie fût réunie à la France. Ce splendide et pauvre pays, qui a le Mont-Blanc, la rive du Léman et le lac du Bourget, la percée du Mont-Cenis, les merveilles de la nature et celles de l'industrie humaine, et qui ne peut pas nourrir ses habitants, c'est notre Suisse française, comme l'autre ayant ses Alpes, ses neiges, ses glaciers, ses torrents, ses forêts, ses pâturages aux flancs des montagnes et ses chalets, d'étroites plaines de culture au pied des rocs. Ses habitants, les Savoyards, ou, si vous préférez, les Savoisiens, ressemblent aussi tout naturellement par le costume et les coutumes aux Suisses des cantons forestiers. Montagnards et bergers également, fabricants de fromages, guides des voyageurs pour les excursions, ce sont les plus braves gens et les gens les plus braves du monde.
Les Peuples de la terre, Ch. Delon, librairie Hachette, 1890.
Ces tristes migrations d'enfants sont aujourd'hui plus rares. Mais à l'âge d'homme, quand les robustes fils des nombreuses familles, trouvant la terre trop ingrate et les champs trop étroits, quittent leur belle et rude patrie pour exercer des industries diverses en des pays offrant plus de ressources, délibérés, courageux, et déjà, au départ, pleins de projets pour le retour, - où vont-ils encore? En France, à Paris; quoique la plaine lombarde étale sur l'autre versant des monts sa corbeille pleine de fleurs et d'épis. Revenus plus tard au village natal, ils rapportent le souvenir de cette autre patrie qui les a accueillis, où ils ont trouvé aide fraternelle et travail, et mêlent les idées parisiennes aux mœurs montagnardes, le français parisien au patois maternel.
C'est pourquoi, depuis des siècles, ils sont français de coeur; ils l'étaient bien avant que la Savoie fût réunie à la France. Ce splendide et pauvre pays, qui a le Mont-Blanc, la rive du Léman et le lac du Bourget, la percée du Mont-Cenis, les merveilles de la nature et celles de l'industrie humaine, et qui ne peut pas nourrir ses habitants, c'est notre Suisse française, comme l'autre ayant ses Alpes, ses neiges, ses glaciers, ses torrents, ses forêts, ses pâturages aux flancs des montagnes et ses chalets, d'étroites plaines de culture au pied des rocs. Ses habitants, les Savoyards, ou, si vous préférez, les Savoisiens, ressemblent aussi tout naturellement par le costume et les coutumes aux Suisses des cantons forestiers. Montagnards et bergers également, fabricants de fromages, guides des voyageurs pour les excursions, ce sont les plus braves gens et les gens les plus braves du monde.
Les Peuples de la terre, Ch. Delon, librairie Hachette, 1890.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire