Mâcon.
Mâcon, ancienne ville de la Gaule celtique, faisait partie, avant l'invasion romaine, de la république des Eduens. Les Romains s'en emparèrent, et la nommèrent Matico Æduorum; ils y établirent des dépôts militaires, une vaste manufacture de flèches, de javelots, et plus tard la ville reçut le titre de cité; on y éleva des temples et plusieurs édifices publics, que les incendies et les malheurs des guerres ont entièrement détruits.
Lorsqu'en 1758 on creusa les fondations du grand hospice, on déterra des vases, des statues de bronze et d'argent et divers autres objets précieux qui attestent que, sur cet emplacement, il exista autrefois un temple romain d'une grande magnificence. On a également découvert dans les fouilles des fondations de l'église Saint-Vincent, en 1810, deux pierres avec des inscriptions romaines; l'une est le fragment d'un autel élevé à Jupiter-Tonnant et à Auguste; l'autre est une pierre sépulcrale portant une inscription en l'honneur de Gallus, que ses vertus placèrent aux premiers honneurs, et auquel on érigea des statues. Des monnaies romaines y furent aussi trouvées, ainsi que plusieurs colonnes de diverses grosseurs et d'une qualité de granit qu'on ne rencontre pas dans les carrières du pays.
Mâcon, sous les Romains, était bâtie sur la hauteur dans l'emplacement des Jacobins; plusieurs chartes des VIIe et IXe siècles attestent que l'ancienne église Saint-Vincent était construite hors des murs.
Peu de villes ont plus souffert que Mâcon du pillage des hommes de guerre; en 451, elle fut saccagée et réduite en cendres par les Huns, sous la conduite d'Attila; à peine est-elle rebâtie, et voici les Sarrasins qui la ravagent de nouveau. Dans le IXe siècle, Lothaire voulut se venger des comtes Bernard et Guérin qui avait contribué à rendre la liberté à son père, prit Mâcon, qu'il brûla en partie. Une charte de Louis le Jeune apprend que sous son règne la ville de Mâcon fut détruite et rasée par la malice de certains traîtres et déloyaux: Perfidorum hominum malignitate vastata, et solo fuit œquata urbs Matisconensis. Le motif de cette dévastation, ainsi que le nom des peuples qui la commirent, sont inconnus; il est probable que ce furent les Brabançons, les mêmes qui, conduits par Guillaume, comte de Châlons, pillèrent Cluny, et, dans un vieux martyrologe, il est fait mention de plusieurs chanoines tués à Mâcon per Barbantiones.
"Cette misérable ruine de Mâcon exténua tous les habitants, et les rendit fort longuement si pauvres, qu'ils furent plusieurs ans avant de pouvoir se résoudre à la réédifier. Toutefois, prenant courage, sur la fin du règne de Philippe-Auguste, la ville de Mâcon fut construite de nouveau et close de murs, et y furent faites six portes desquelles la première, qui était celle du Pont, appartenait à l'évêque, qui y députait des portiers; les portes de Bourg-neuf et de la Barre étaient en la garde des hommes de l'évêque. La porte de la Citadelle et la porte Guichard-Vigier (depuis murée) furent en la garde du comte; enfin la sixième, la porte Saint-Antoine, était commise à un prud'homme agréé par le comte et le chapitre."
Quelques années après cette reconstruction de Mâcon, "on vit surgir de nouveau certaine vermine d'hommes, comme le dit un chroniqueur, gens nés au dommage d'autrui, qui prirent licence de piller, saccager et brûler les églises et les monastères. Cependant les troubles que ces pendards et ennemi d'un chacun avaient suscités ayant pris fin, et les principaux chefs punis, les affaires des églises de Mâcon demeurèrent en quelque tranquillité, mais non toutefois si durable qu'elle n'ait été encore interrompue par des infortunes et inconvénients prodigieux."
"Et sous le règne du roi Louis XI, les chanoines de Saint-Pierre, ayant souvenance des misères jadis souffertes, se résolurent de se mieux assurer; pour ce, ils firent ceindre leur monastère de forts murs, quatre grosses tours aux quatre coins et quatre autres sur les flancs, lesquelles, avec les tours des deux superbes portails à pont-levis, faisait une forteresse de furieux aspect.
Mais voici ce qu'il advint: ledit roi Louis XI était venu faire la guerre au duc de Bourgogne, les gens de son armée eurent grande envie de tourner visage contre Mâcon, et de fait, leurs coureurs, en approchaient souvent fort près. Les Mâconnais étant donc en attente du siège, il arriva qu'un chanoine de Saint-Pierre, qui avait la conduite de l'horloge, monta de nuit au clocher pour y rhabiller quelque chose; mais d'autant qu'il portait une lanterne, les Mâconnais se dirent qu'il y avait intelligence avec les ennemis logés ès environ, et qu'il leur était donner signal avec son feu. Ce bruit de ville échauffa si fort les esprits des soldats et de la populace, que d'une fureur (à laquelle l'autorité du gouverneur ne put résister) ils envahirent ce monastère, et y exercèrent leur rage avec si grande animosité, que tous les meubles furent pris et enlevés, les bâtiments ruinés et abattus en trois jours, tellement que ce beau et somptueux monastère fut réduit en masure et amas de ruines, l'an 1470, environ carême prenant. Cette désolation étonna grandement les chanoines qui furent contraints de se retirer séparément chez leurs parents; mais ajoute le moine chroniqueur dans son indignation, si jamais en quelque part le proverbe ancien s'est trouvé vrai:
Lorsqu'en 1758 on creusa les fondations du grand hospice, on déterra des vases, des statues de bronze et d'argent et divers autres objets précieux qui attestent que, sur cet emplacement, il exista autrefois un temple romain d'une grande magnificence. On a également découvert dans les fouilles des fondations de l'église Saint-Vincent, en 1810, deux pierres avec des inscriptions romaines; l'une est le fragment d'un autel élevé à Jupiter-Tonnant et à Auguste; l'autre est une pierre sépulcrale portant une inscription en l'honneur de Gallus, que ses vertus placèrent aux premiers honneurs, et auquel on érigea des statues. Des monnaies romaines y furent aussi trouvées, ainsi que plusieurs colonnes de diverses grosseurs et d'une qualité de granit qu'on ne rencontre pas dans les carrières du pays.
Mâcon, sous les Romains, était bâtie sur la hauteur dans l'emplacement des Jacobins; plusieurs chartes des VIIe et IXe siècles attestent que l'ancienne église Saint-Vincent était construite hors des murs.
Peu de villes ont plus souffert que Mâcon du pillage des hommes de guerre; en 451, elle fut saccagée et réduite en cendres par les Huns, sous la conduite d'Attila; à peine est-elle rebâtie, et voici les Sarrasins qui la ravagent de nouveau. Dans le IXe siècle, Lothaire voulut se venger des comtes Bernard et Guérin qui avait contribué à rendre la liberté à son père, prit Mâcon, qu'il brûla en partie. Une charte de Louis le Jeune apprend que sous son règne la ville de Mâcon fut détruite et rasée par la malice de certains traîtres et déloyaux: Perfidorum hominum malignitate vastata, et solo fuit œquata urbs Matisconensis. Le motif de cette dévastation, ainsi que le nom des peuples qui la commirent, sont inconnus; il est probable que ce furent les Brabançons, les mêmes qui, conduits par Guillaume, comte de Châlons, pillèrent Cluny, et, dans un vieux martyrologe, il est fait mention de plusieurs chanoines tués à Mâcon per Barbantiones.
"Cette misérable ruine de Mâcon exténua tous les habitants, et les rendit fort longuement si pauvres, qu'ils furent plusieurs ans avant de pouvoir se résoudre à la réédifier. Toutefois, prenant courage, sur la fin du règne de Philippe-Auguste, la ville de Mâcon fut construite de nouveau et close de murs, et y furent faites six portes desquelles la première, qui était celle du Pont, appartenait à l'évêque, qui y députait des portiers; les portes de Bourg-neuf et de la Barre étaient en la garde des hommes de l'évêque. La porte de la Citadelle et la porte Guichard-Vigier (depuis murée) furent en la garde du comte; enfin la sixième, la porte Saint-Antoine, était commise à un prud'homme agréé par le comte et le chapitre."
Quelques années après cette reconstruction de Mâcon, "on vit surgir de nouveau certaine vermine d'hommes, comme le dit un chroniqueur, gens nés au dommage d'autrui, qui prirent licence de piller, saccager et brûler les églises et les monastères. Cependant les troubles que ces pendards et ennemi d'un chacun avaient suscités ayant pris fin, et les principaux chefs punis, les affaires des églises de Mâcon demeurèrent en quelque tranquillité, mais non toutefois si durable qu'elle n'ait été encore interrompue par des infortunes et inconvénients prodigieux."
"Et sous le règne du roi Louis XI, les chanoines de Saint-Pierre, ayant souvenance des misères jadis souffertes, se résolurent de se mieux assurer; pour ce, ils firent ceindre leur monastère de forts murs, quatre grosses tours aux quatre coins et quatre autres sur les flancs, lesquelles, avec les tours des deux superbes portails à pont-levis, faisait une forteresse de furieux aspect.
Mais voici ce qu'il advint: ledit roi Louis XI était venu faire la guerre au duc de Bourgogne, les gens de son armée eurent grande envie de tourner visage contre Mâcon, et de fait, leurs coureurs, en approchaient souvent fort près. Les Mâconnais étant donc en attente du siège, il arriva qu'un chanoine de Saint-Pierre, qui avait la conduite de l'horloge, monta de nuit au clocher pour y rhabiller quelque chose; mais d'autant qu'il portait une lanterne, les Mâconnais se dirent qu'il y avait intelligence avec les ennemis logés ès environ, et qu'il leur était donner signal avec son feu. Ce bruit de ville échauffa si fort les esprits des soldats et de la populace, que d'une fureur (à laquelle l'autorité du gouverneur ne put résister) ils envahirent ce monastère, et y exercèrent leur rage avec si grande animosité, que tous les meubles furent pris et enlevés, les bâtiments ruinés et abattus en trois jours, tellement que ce beau et somptueux monastère fut réduit en masure et amas de ruines, l'an 1470, environ carême prenant. Cette désolation étonna grandement les chanoines qui furent contraints de se retirer séparément chez leurs parents; mais ajoute le moine chroniqueur dans son indignation, si jamais en quelque part le proverbe ancien s'est trouvé vrai:
Jamais chien le verrou d'église n'a rongé
Qu'il n'ait senti le fouet, ou ne soit enragé,
ç'a été par rapport à Mâcon, car tous ceux qui ont envahi jadis le bien de l'Eglise, nul n'en est enfin demeuré impuni."
Pendant les guerres de religion, au XVIe siècle, la ville de Mâcon fut prise et reprise plusieurs fois par les troupes des deux partis. Le siège le plus remarquable qu'elle ait soutenu est en 1567, contre les troupes royales. Après plusieurs jours de famine, les habitants, n'en pouvant plus, et craignant un assaut, demandèrent à capituler. Le duc de Nevers, chef de l'armée, assembla un conseil de guerre, dans lequel furent admis les gentilshommes mâconnais qui servaient dans son armée; presque tous opinèrent pour que les évangélistes fussent passés au fil de l'épée; mais l'esprit de modération du duc de Nevers repoussa ce moyen extrême, et on accepta la capitulation, qui fut signée le 4 décembre; la garnison déposa les armes et se retira à Genève. Toutefois, au milieu de ces calamités, il s'ensuivit encore la ruine des églises de Mâcon,
"et chose singulièrement à déplorer, même l'église cathédrale, laquelle fut dépouillée de toutes ses bellesses et ornements, mêmement des sièges du chœur, qui étaient bien des plus riches et singuliers de France, tous peints et historiés de personnages du Vieil et Nouveau Testament avec un art incroyable, effigié sur certaine pâte quasi toute recouverte d'or et d'azur."
Cette église, dont nous donnons la gravure, fut rebâtie quelques années plus tard, on la flanqua de deux grosses tours, et les décorations intérieures étaient de toute magnificence. Elle a été dévastée de nouveau, en 1793, et maintenant elle est bien déchue de son ancienne splendeur.
Mâcon est une ville agréablement située, dans une contrée fertile, sur la rive droite de la Saône. Elle est bâtie sur le penchant et au pied d'un coteau, et comme toutes les anciennes cités, ses constructions sont irrégulières, ses rues étroites, mal percées, pavées de cailloux roulés qui rendent la marche pénible; les places sont propres, mais petites et sans ornements. Toutefois les constructions modernes dont cette ville s'embellit chaque jour, sont grandes et de bon goût. Depuis la démolition de ses remparts, elle est entourée de boulevards, d'où la vue se repose avec plaisir sur les jardins et maisons de campagne qui l'environnent. Le quai qui longe le cours de la Saône est large, élevé, d'une vaste étendue, bordé de jolis hôtels et de cafés élégants; il offre une promenade très-fréquentée, formée de belles allées d'arbres, qui se prolongent au-dessus et en-dessous de la ville, le long de la rivière. Quoique dans une situation excentrique, à l'extrémité septentrionale du département de Saône-et-Loire, Mâcon en est le chef-lieu; ses principaux édifices sont l'hôpital, commencé en 1758, et achevé douze ans plus tard sur les plans du célèbre Soufflot; la maison de la Charité dont l'établissement date de 1680, et l'hôtel de la préfecture, bâti en 1618, par Gaspard Dinet, évêque de Mâcon, sur l'emplacement de l'ancienne citadelle, et qui était, avant la révolution, la résidence de l'évêque. Un pont de douze arches, au-dessous duquel forme une île d'un gracieux aspect, réunit la ville au bourg de Saint-Laurent qui appartient au département de l'Ain. On voit au milieu la colonne qui limite les deux départements. Ce pont est ancien, mais on ignore l'époque précise de sa construction; il passe dans le pays pour avoir été bâti par César; cette assertion est inexacte, car il est constant qu'il n'existait pas, même au milieu du Xe siècle. Dès le règne de Charles le Chauve, les Juifs avaient été reçus à Mâcon; on leur traça une enceinte dans laquelle ils durent demeurer, et qui prit le nom de Sabbat. Ils construisirent, au nord de la ville, un pont qui a retenu le nom de Pont-Jud, Pons Judœrum, et qui vient d'être démoli.
Mâcon était anciennement l'un des premiers sièges de justice, et des quatre bailliages généraux du royaume; la sénéchaussée de Lyon dépendait du bailliage de Mâcon; et quoique les ducs de Bourgogne, au faîte de leur puissance, se soient emparés du Mâconnais, jamais il n'a été sous leur juridiction absolue, et les rois de France s'y sont toujours réservé un siège pour leurs baillis; lesquels expulsés de Mâcon par les armes des ducs Philippe le Bon et Charles le Téméraire, se réfugièrent à Saint-Gengoulx-le-Royal.
"Le roi Louis XII était coutumier de dire qu'il avait quatre villes, sinon semblables, du moins fort pareilles en situation, Blois, Mâcon, Château-Thierry et Joigny. Et de vrai toutes quatre sont exposées à l'Orient, se relèvent petit à petit jusqu'au sommet d'un terrain, lequel s'étend en plaine fertile et de bon rapport; chacune flanquée de sa grosse rivière, avec son pont de pierre, son grand faubourg au bout, et sa belle prairie. Mais comme Mâcon est entre les quatre la moins élevée, aussi est-elle la moins pénible à gravir; ce qui fait conjecturer que si les rois de France avaient pris coutume de la fréquenter, le séjour y eut été aussi somptueux et agréable qu'en aucune des autres."
Mâcon eut jusqu'en 1250 des comtes héréditaires. Les chroniques des couvents rapportent l'anecdote suivante du comte Girard, qui se montra toujours grand amateur de biens ecclésiastiques. L'abbaye de Tournus avait à Louans un port, lequel rapportait un profit considérable en sel, qu'on distribuait chaque année aux pauvres dans la première semaine du carême. Girard, de sa propre autorité et sans aucune cérémonie, en établit, un beau jour, un autre à très-peu de distance. Les moines lui représentèrent en vain l'injustice de cette entreprise; il ne tint compte de leurs remontrances. Longtemps après, il vint à Tournus avec une grande suite, et entra dans l'église de Saint-Philibert; comme il s'y promenait en triomphe, il arriva par hasard qu'il s'arrêta seul devant l'autel de saint Philibert pour se mettre en oraison. Pendant qu'il y était, un moine tenant une crosse en mains, descend de derrière l'autel, et se posant devant le comte, lui dit:" Comment as-tu été si hardi d'entrer dans mon monastère et dans mon église, toi qui ne crains pas de m'enlever mes droits et mes revenus?" Après ces paroles il prit le comte par les cheveux, le renversa par terre et lui donna force coups de crosse avec vigueur. Le pauvre comte, tout ébahi, promit avec serment d'abandonner son nouveau port; il tint parole; et non content de cette concession, il envoya à l'église de Tournois un riche tapis de soie cramoisi tissé d'or, et plusieurs autres présents, telles que chapes, dalmatiques et aumusses, enrichies de diamants et pierreries. L'an 1239, le comte Jean et Alix sa femme, se voyant sans enfants, vendirent le comté de Mâcon au roi saint Louis pour la somme de 10.000 livres et 1.000 livres de pension viagère; à leur mort, saint louis réunit ce pays à la couronne. Un siècle plus tard, et presque jour pour jour, le dauphin Charles, régent du royaume pendant la prison du roi Jean, donna le comté de Mâcon, en augmentation d'apanage, à son frère le duc de Berry. Le comté de Mâcon rentra au domaine après le décès de ce prince. L'an 1435, par le traité d'Arras, il fut octroyé à Philippe le Bon, duc de Bourgogne, puis réuni de nouveau à la couronne par Louis XI. François 1er, prisonnier à Madrid, le céda à l'empereur Charles-Quint; mais par le traité de Cambrai, conclu en 1529, on arrêta que le comté de Mâcon serait rendu au roi, ce qui fut confirmé à Crépi en 1544. Depuis cette époque il n'a cessé de faire partie de la monarchie de France.
A. Mazuy.
Le Magasin universel, mai 1837.
"et chose singulièrement à déplorer, même l'église cathédrale, laquelle fut dépouillée de toutes ses bellesses et ornements, mêmement des sièges du chœur, qui étaient bien des plus riches et singuliers de France, tous peints et historiés de personnages du Vieil et Nouveau Testament avec un art incroyable, effigié sur certaine pâte quasi toute recouverte d'or et d'azur."
Cette église, dont nous donnons la gravure, fut rebâtie quelques années plus tard, on la flanqua de deux grosses tours, et les décorations intérieures étaient de toute magnificence. Elle a été dévastée de nouveau, en 1793, et maintenant elle est bien déchue de son ancienne splendeur.
Mâcon est une ville agréablement située, dans une contrée fertile, sur la rive droite de la Saône. Elle est bâtie sur le penchant et au pied d'un coteau, et comme toutes les anciennes cités, ses constructions sont irrégulières, ses rues étroites, mal percées, pavées de cailloux roulés qui rendent la marche pénible; les places sont propres, mais petites et sans ornements. Toutefois les constructions modernes dont cette ville s'embellit chaque jour, sont grandes et de bon goût. Depuis la démolition de ses remparts, elle est entourée de boulevards, d'où la vue se repose avec plaisir sur les jardins et maisons de campagne qui l'environnent. Le quai qui longe le cours de la Saône est large, élevé, d'une vaste étendue, bordé de jolis hôtels et de cafés élégants; il offre une promenade très-fréquentée, formée de belles allées d'arbres, qui se prolongent au-dessus et en-dessous de la ville, le long de la rivière. Quoique dans une situation excentrique, à l'extrémité septentrionale du département de Saône-et-Loire, Mâcon en est le chef-lieu; ses principaux édifices sont l'hôpital, commencé en 1758, et achevé douze ans plus tard sur les plans du célèbre Soufflot; la maison de la Charité dont l'établissement date de 1680, et l'hôtel de la préfecture, bâti en 1618, par Gaspard Dinet, évêque de Mâcon, sur l'emplacement de l'ancienne citadelle, et qui était, avant la révolution, la résidence de l'évêque. Un pont de douze arches, au-dessous duquel forme une île d'un gracieux aspect, réunit la ville au bourg de Saint-Laurent qui appartient au département de l'Ain. On voit au milieu la colonne qui limite les deux départements. Ce pont est ancien, mais on ignore l'époque précise de sa construction; il passe dans le pays pour avoir été bâti par César; cette assertion est inexacte, car il est constant qu'il n'existait pas, même au milieu du Xe siècle. Dès le règne de Charles le Chauve, les Juifs avaient été reçus à Mâcon; on leur traça une enceinte dans laquelle ils durent demeurer, et qui prit le nom de Sabbat. Ils construisirent, au nord de la ville, un pont qui a retenu le nom de Pont-Jud, Pons Judœrum, et qui vient d'être démoli.
Mâcon était anciennement l'un des premiers sièges de justice, et des quatre bailliages généraux du royaume; la sénéchaussée de Lyon dépendait du bailliage de Mâcon; et quoique les ducs de Bourgogne, au faîte de leur puissance, se soient emparés du Mâconnais, jamais il n'a été sous leur juridiction absolue, et les rois de France s'y sont toujours réservé un siège pour leurs baillis; lesquels expulsés de Mâcon par les armes des ducs Philippe le Bon et Charles le Téméraire, se réfugièrent à Saint-Gengoulx-le-Royal.
"Le roi Louis XII était coutumier de dire qu'il avait quatre villes, sinon semblables, du moins fort pareilles en situation, Blois, Mâcon, Château-Thierry et Joigny. Et de vrai toutes quatre sont exposées à l'Orient, se relèvent petit à petit jusqu'au sommet d'un terrain, lequel s'étend en plaine fertile et de bon rapport; chacune flanquée de sa grosse rivière, avec son pont de pierre, son grand faubourg au bout, et sa belle prairie. Mais comme Mâcon est entre les quatre la moins élevée, aussi est-elle la moins pénible à gravir; ce qui fait conjecturer que si les rois de France avaient pris coutume de la fréquenter, le séjour y eut été aussi somptueux et agréable qu'en aucune des autres."
Mâcon eut jusqu'en 1250 des comtes héréditaires. Les chroniques des couvents rapportent l'anecdote suivante du comte Girard, qui se montra toujours grand amateur de biens ecclésiastiques. L'abbaye de Tournus avait à Louans un port, lequel rapportait un profit considérable en sel, qu'on distribuait chaque année aux pauvres dans la première semaine du carême. Girard, de sa propre autorité et sans aucune cérémonie, en établit, un beau jour, un autre à très-peu de distance. Les moines lui représentèrent en vain l'injustice de cette entreprise; il ne tint compte de leurs remontrances. Longtemps après, il vint à Tournus avec une grande suite, et entra dans l'église de Saint-Philibert; comme il s'y promenait en triomphe, il arriva par hasard qu'il s'arrêta seul devant l'autel de saint Philibert pour se mettre en oraison. Pendant qu'il y était, un moine tenant une crosse en mains, descend de derrière l'autel, et se posant devant le comte, lui dit:" Comment as-tu été si hardi d'entrer dans mon monastère et dans mon église, toi qui ne crains pas de m'enlever mes droits et mes revenus?" Après ces paroles il prit le comte par les cheveux, le renversa par terre et lui donna force coups de crosse avec vigueur. Le pauvre comte, tout ébahi, promit avec serment d'abandonner son nouveau port; il tint parole; et non content de cette concession, il envoya à l'église de Tournois un riche tapis de soie cramoisi tissé d'or, et plusieurs autres présents, telles que chapes, dalmatiques et aumusses, enrichies de diamants et pierreries. L'an 1239, le comte Jean et Alix sa femme, se voyant sans enfants, vendirent le comté de Mâcon au roi saint Louis pour la somme de 10.000 livres et 1.000 livres de pension viagère; à leur mort, saint louis réunit ce pays à la couronne. Un siècle plus tard, et presque jour pour jour, le dauphin Charles, régent du royaume pendant la prison du roi Jean, donna le comté de Mâcon, en augmentation d'apanage, à son frère le duc de Berry. Le comté de Mâcon rentra au domaine après le décès de ce prince. L'an 1435, par le traité d'Arras, il fut octroyé à Philippe le Bon, duc de Bourgogne, puis réuni de nouveau à la couronne par Louis XI. François 1er, prisonnier à Madrid, le céda à l'empereur Charles-Quint; mais par le traité de Cambrai, conclu en 1529, on arrêta que le comté de Mâcon serait rendu au roi, ce qui fut confirmé à Crépi en 1544. Depuis cette époque il n'a cessé de faire partie de la monarchie de France.
A. Mazuy.
Le Magasin universel, mai 1837.
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