Colonie agricole de l'Algérie.
L'opinion publique a suivi avec trop d'intérêt le compte rendu publié à diverses reprises par la presse des tentatives de colonisation agricole en Algérie, pour que l'Illustration ne s'empresse pas d'accueillir les notes et les dessins qui viennent de lui être communiqués par M. Edouard Lullin, de Genève, sur le développement des colonies suisses qu'une grande compagnie génevoise a entrepris d'établir dans le Sétif; à ces documents, nous avons cru devoir joindre, comme complément indispensable, quelques croquis sur la colonie fondée en 1848, à Montenotte, dans le Chélif, croquis recueilles par M. Job, jeune artiste qui a exploré le sol algérien, et qui a surtout étudié avec soin le côté pittoresque des demeures, des physionomies et des habitudes de nos nouveaux colons sur la terre d'Afrique.
L'entreprise génevoise, qui est pour la France un pas important fait dans la grande oeuvre de la colonisation algérienne à laquelle le gouvernement français a donné un élan particulier, est pour la Suisse un asile ouvert à ceux de ses enfants qui ne trouvent plus dans leur patrie les ressources dont ils ont besoin. Les regards se sont donc bien vite dirigés vers le plateau de Sétif, fort peu connu auparavant, et fréquenté seulement par ceux qu'y appelait quelque intérêt particulier; bientôt la petite ville qui en forme le centre a vu se dresser dans ses murs, avec les colons qu'y envoyait la compagnie d'émigration, un certain nombre de voyageurs qui venait visiter le pays dans le but de rapporter des notions exactes sur ce nouveau noyau de colonisation, ou bien d'en apprécier les ressources pour y fonder eux-mêmes plus tard des établissements;
A côté des richesses agricoles qui ne demandent qu'un travail intelligent pour se produire en abondance, ce pays offre au touriste plus d'un attrait, et une excursion au plateau de Sétif réserve, soit par les beautés que présente sa nature, dans plusieurs parties de la route à parcourir, soit par l'originalité des mœurs au milieu desquels on est appelé à vivre, de nombreuses jouissances à celui que ne rebutent pas les voyages lointains.
Si l'Afrique française ne présente pas les aspects grandioses que l'on voit dans les Alpes ou dans les Pyrénées, elle peut cependant, dans plusieurs contrées, et principalement aux environs de Philippe-ville, de Constantine et de Bougie, montrer telles montagnes, telles rives de fleuves, telles profondeurs de forêts ou tel entassement de rochers de nature à forcer l'admiration. Il n'est pas jusqu'à la campagne de Sétif même qui, bien que presque complètement privée d'arbres, d'arbustes et d'autres éléments de végétation qu'on pourrait croire indispensables à la beauté du paysage, n'offre cependant au simple voyageur, un attrait particulier qui l'attache à cette contrée et qui lui fait parcourir, avec un plaisir dont il ne se rend pas bien compte, un pays d'une apparence si monotone.
Quant à l'artiste, il peut y étudier les formes belles et gracieuses tout à la fois, des ondulations de terrains, les teintes chaudes et harmonieuses qui les colorent et jouir enfin de cette indispensable poésie que présente une vaste contrée où l’œil et l'esprit se promènent librement jusqu'aux horizons les plus lointains, arrêtés tout au plus, soit par quelques ruines romaines assises sur les collines pour attester qu'une nation puissante a su jadis exploiter cette riche nature, soit par une tente arabe qui ramène l'imagination des fastes du peuple géant aux mœurs pastorales des enfants d'Ismaël.
Quant à l'artiste, il peut y étudier les formes belles et gracieuses tout à la fois, des ondulations de terrains, les teintes chaudes et harmonieuses qui les colorent et jouir enfin de cette indispensable poésie que présente une vaste contrée où l’œil et l'esprit se promènent librement jusqu'aux horizons les plus lointains, arrêtés tout au plus, soit par quelques ruines romaines assises sur les collines pour attester qu'une nation puissante a su jadis exploiter cette riche nature, soit par une tente arabe qui ramène l'imagination des fastes du peuple géant aux mœurs pastorales des enfants d'Ismaël.
Nous n'avons pas l'intention de parler ici de la fertilité reconnue du plateau de Sétif, ni des excellentes conditions climatiques qui résultent de son élévation considérable au-dessus de la mer; notre rôle plus modeste se bornera à donner quelques vues de Sétif et de ses environs. Quoique bien insuffisantes à rendre des paysages dont la couleur est l'élément dominant, nos gravures feront du moins connaître la position et l'aspect de Sétif, en montrant:
La principale place de Sétif;
La vue de Sétif, prise de la ferme d'El-Bèz, appartenant à la compagnie génevoise;
La chaîne des montagnes de Bou-Thaleb, située à 50 km de Sétif, et dont les forêts de cèdres séparent le plateau sétifien du désert de Bouçada;
Et une fontaine d'origine romaine, restaurée, qui, grâce à sa position ombragée, à sa proximité de Sétif et à l'établissement culinaire qui y a été construit, est devenue le but de la promenade des citadins.
La compagnie génevoise qui s'était engagée envers le gouvernement français à construire et à peupler dix villages dans un délai de dix années, à partir du 26 avril 1853, a si bien rempli jusqu'à présent ses obligations qu'elle aura complété au printemps de 1855 le peuplement de cinq centres de population. Le premier, Aïn-Arnat, a été établi l'année dernière; il est en pleine voie de prospérité; les travaux de maçonnerie ont dû être achevés dans les quatre autres à la fin de septembre dernier. La compagnie aura donc accompli en moins de deux ans la moitié de son oeuvre.
Les maisons du village d'Aïn-Arnat, comme celles des quatre autres villages en construction, se composent chacune, ainsi qu'on peut le voir sur le plan, de trois pièces; elles sont habitées par une population de près de 400 personnes.
Chaque colon, en outre de son lot urbain, a reçu quatre pièces de terre, c'est à dire un jardin de 20 ares, une prairie de 1 hectare 80 ares, un champ de première qualité de 6 hectares et un champ de deuxième qualité de 12 hectares. Une milice de 80 hommes, instituée par le gouverneur général, et dont les chefs ont été nommés par l'administration s'exerce régulièrement au tir à la carabine et au fusil.
Un magasin de comestibles et d'épicerie, une boucherie, quelques métiers de tisserands, une fabrication de cigares et de beurre, ont été établis dans le village, dont les colons se sont en outre réunis pour former une bergerie commune; les femmes filent, tricotent, et s'occupent, en général, des ouvrages de leur sexe. Plusieurs bœufs à l'engrais, vaches, chevaux, mulets, ânes, moutons et chèvres sont déjà en la possession des colons, bien que ceux-ci n'aient eu jusqu'à présent pour les nourrir que la provision de foin que la compagnie avait faite dans cette prévision; ce bétail s'accroîtra dès le moment où la récolte des foins permettra de les nourrir.
Sur les 1.000 hectares qui sont affectés au territoire du village, les colons ont mis en culture:
450 hectares en blé ou orge,
100 hectares en blé à la méthode européenne,
3 hectares en plantes potagères,
Et ils ont planté 200 quintaux de pommes de terre.
Quant aux arbres, les colons ont déjà planté plus de 30.000 boutures de peupliers et de saules, environ 26.000 pourettes de mûriers et 500 arbres fruitiers; enfin, ils ont entouré leurs maisons de quelques ceps de vigne, qu'ils espèrent devoir être la source de beaux et bons vignobles.
De son côté, la compagnie a élevé à la ferme d'El-Bez sur la concession de 800 hectares qui lui est faite pour chaque village construit et peuplé, concession qui est le seul bénéfice qu'elle retire, puisqu'elle doit vendre au prix de revient les maisons destinées aux colons. Cette ferme, composée seulement, quant à présent, d'une grande cuisine, de quatre chambres à coucher, d'une écurie fermée pour quinze têtes de bétail, d'une remise à claire voie et d'un magasin, et dont la construction devrait être prochainement accrue d'autres bâtiments, est desservie, en dehors du personnel administratif, par un personnel agricole composé d'un maître valet, de deux femmes chargées du ménage, d'un domestique pour le bétail, de trois chefs ouvriers, de quatre domestiques de campagne et d'un certain nombre de journaliers, dont l'alimentation consiste en trois plats de viande chaque jour; chacun des ouvriers reçoit en outre, pour sa boisson, un litre de bière par jour cinq fois par semaine, et un litre de vin le jeudi et le dimanche; cette nourriture, saine et abondante, ne donne lieu qu'à une dépense de 1,20 fr. par jour et par tête; dépense compensée par la bonne santé du personnel et son vigoureux travail, qui est, en moyenne, de 10 heures par chaque journée.
Le temps, qui a manqué à la Compagnie, ne lui a permis de mettre en valeur qu'une faible partie des 800 hectares qu'elle a consacrés à la culture de la pomme de terre, du coton de Malte, du blé, de l'orge, des betteraves, carottes, colzas, maïs, des plantes potagères, du millet, du chanvre, des foins artificiels, comme aussi à faire des essais de garance, tabac et cotons de diverses qualités; elle a aussi fait des plantations de mûriers, cèdres, ormeaux, frênes, peupliers saules, noyers et arbres fruitiers; enfin des travaux effectués avec intelligence amènent à la fontaine de la ferme une quantité d'eau suffisante.
Ce court résumé des travaux des colons suisses et de l'administration génevoise est de nature à rassurer sur l'avenir de cette entreprise et de toutes tentatives analogues; il fera disparaître ainsi toutes les préventions qui ont trop longtemps existé contre l'Algérie.
G. F.
L'illustration, journal universel, 21 octobre 1854.
Chaque colon, en outre de son lot urbain, a reçu quatre pièces de terre, c'est à dire un jardin de 20 ares, une prairie de 1 hectare 80 ares, un champ de première qualité de 6 hectares et un champ de deuxième qualité de 12 hectares. Une milice de 80 hommes, instituée par le gouverneur général, et dont les chefs ont été nommés par l'administration s'exerce régulièrement au tir à la carabine et au fusil.
Un magasin de comestibles et d'épicerie, une boucherie, quelques métiers de tisserands, une fabrication de cigares et de beurre, ont été établis dans le village, dont les colons se sont en outre réunis pour former une bergerie commune; les femmes filent, tricotent, et s'occupent, en général, des ouvrages de leur sexe. Plusieurs bœufs à l'engrais, vaches, chevaux, mulets, ânes, moutons et chèvres sont déjà en la possession des colons, bien que ceux-ci n'aient eu jusqu'à présent pour les nourrir que la provision de foin que la compagnie avait faite dans cette prévision; ce bétail s'accroîtra dès le moment où la récolte des foins permettra de les nourrir.
Sur les 1.000 hectares qui sont affectés au territoire du village, les colons ont mis en culture:
450 hectares en blé ou orge,
100 hectares en blé à la méthode européenne,
3 hectares en plantes potagères,
Et ils ont planté 200 quintaux de pommes de terre.
Quant aux arbres, les colons ont déjà planté plus de 30.000 boutures de peupliers et de saules, environ 26.000 pourettes de mûriers et 500 arbres fruitiers; enfin, ils ont entouré leurs maisons de quelques ceps de vigne, qu'ils espèrent devoir être la source de beaux et bons vignobles.
De son côté, la compagnie a élevé à la ferme d'El-Bez sur la concession de 800 hectares qui lui est faite pour chaque village construit et peuplé, concession qui est le seul bénéfice qu'elle retire, puisqu'elle doit vendre au prix de revient les maisons destinées aux colons. Cette ferme, composée seulement, quant à présent, d'une grande cuisine, de quatre chambres à coucher, d'une écurie fermée pour quinze têtes de bétail, d'une remise à claire voie et d'un magasin, et dont la construction devrait être prochainement accrue d'autres bâtiments, est desservie, en dehors du personnel administratif, par un personnel agricole composé d'un maître valet, de deux femmes chargées du ménage, d'un domestique pour le bétail, de trois chefs ouvriers, de quatre domestiques de campagne et d'un certain nombre de journaliers, dont l'alimentation consiste en trois plats de viande chaque jour; chacun des ouvriers reçoit en outre, pour sa boisson, un litre de bière par jour cinq fois par semaine, et un litre de vin le jeudi et le dimanche; cette nourriture, saine et abondante, ne donne lieu qu'à une dépense de 1,20 fr. par jour et par tête; dépense compensée par la bonne santé du personnel et son vigoureux travail, qui est, en moyenne, de 10 heures par chaque journée.
Le temps, qui a manqué à la Compagnie, ne lui a permis de mettre en valeur qu'une faible partie des 800 hectares qu'elle a consacrés à la culture de la pomme de terre, du coton de Malte, du blé, de l'orge, des betteraves, carottes, colzas, maïs, des plantes potagères, du millet, du chanvre, des foins artificiels, comme aussi à faire des essais de garance, tabac et cotons de diverses qualités; elle a aussi fait des plantations de mûriers, cèdres, ormeaux, frênes, peupliers saules, noyers et arbres fruitiers; enfin des travaux effectués avec intelligence amènent à la fontaine de la ferme une quantité d'eau suffisante.
Ce court résumé des travaux des colons suisses et de l'administration génevoise est de nature à rassurer sur l'avenir de cette entreprise et de toutes tentatives analogues; il fera disparaître ainsi toutes les préventions qui ont trop longtemps existé contre l'Algérie.
G. F.
L'illustration, journal universel, 21 octobre 1854.
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