Saint-Evroult.
(département de l'Orne)
(département de l'Orne)
Le fondateur de l'antique monastère dont voilà les dernières ruines s'appelait Ebr-Hulf. Ce nom, d'origine germanique, signifie "suprême secours, supérieur appui." On le traduisit en latin par le mot Ebrulfus, en langue moderne par Evroul, et plus tard Evroult.
Ebr-Hulf ou, pour nous servir de sons moins durs à l'oreille, Evroult était né, en 517, de parents chrétiens et riches. Il suivit les cours de l'école épiscopale de Bayeux, et, selon l'usage du temps, il étudia les sept sciences: la grammaire, l'arithmétique, la géométrie, la rhétorique, la dialectique, l'astronomie et la musique. Arrivé à l'âge de porter les armes, il alla se ranger parmi les leudes du palais de Khloter, et il y resta jusqu'à ce que ce roi fût devenu le seul souverain des quatre tribus mérovinges cantonnées sur le territoire gallique. A cette époque, Evroult était très-riche et très-puissant; il possédait de nombreux châteaux; il était marié. Tout à coup, il prit la décision de renoncer au monde; il rendit sa femme à la famille qui la lui avait donnée, partagea ses biens avec les pauvres, et se fit moine; il avait quarante-trois ans.
Il se renferma d'abord dans le monastère des Deux-Jumeaux, situé près de Bayeux; mais il n'y demeura que peu de temps. En 560, il en sortit avec trois autres moines, pour aller fonder un autre monastère dans la solitude.
Ces quatre religieux se dirigèrent, en suivant la voie romaine d'Arægenus (Argentan), vers la forêt d'Ouches. C'était une immense et magnifique forêt dont les restes, qui ont pris le nom du saint, ne peuvent donner aucune idée. En ce temps, elle servait de repaire non-seulement à des troupes redoutables de loups qui en hiver attaquaient les villages voisins, mais à des bandes de malfaiteurs plus redoutables encore, commandés par d'anciens légionnaires déserteurs et ne vivant que de pillage. Les quatre religieux entrèrent sans crainte dans la forêt, en visitèrent les sites les plus sauvages, et s'arrêtèrent seulement dans une éclaircie, près d'un bel étang qu'entretenaient plusieurs sources d'eau vive. Ce fut là qu'ils résolurent de fixer leur séjour. Comme ils consacraient ce projet par une prière, on raconte qu'un bandit armé parut tout à coup devant eux, et, suivant un des disciples d'Evroult, voici à peu près le commencement du dialogue qui s'établit entre lui et les religieux:
- Eh! moines, quel événement vous a contraints à vous réfugier ici?
- Aucun.
- Avez-vous peur de quelque calamité?
- Nous ignorons la peur.
- Est-ce donc envie de conquérir? La forêt est peut-être à votre goût?
- Nous ne sommes pas des soldats; nous sommes des hommes de Dieu, mon fils.
- Alors, qu'êtes-vous venus faire?
- Prier et pleurer.
- L'endroit est mal choisi. Nous sommes ici quelques troupes d'hommes hors la loi, peu repentants et peu chrétiens, que vos larmes attristeraient et à qui vos pénitences pourraient donner de l'ennui ou du remords. Aucun de nous ne consentira à ce que vous restiez dans ce bois. Ecoutez le bon conseil d'un homme qui voudrait être des vôtres s'il n'était pas ce qu'il est: retournez sur vos pas; allez-vous-en vite. Il ne vous sera fait aucun mal; plus tard on vous chasserait avec moins de douceur.
- Mon enfant, répondit Evroult d'une voix douce en approchant de lui, le regard de notre seigneur Dieu ne se détourne jamais de ceux qui suivent sa loi et vénèrent son nom.
- Mais vous mourrez de faim ici, reprit le bandit troublé. Toute cette terre est inculte. Isolés, perdus comme vous l'êtes, sans relations avec le dehors, vous périrez un à un. Que tirerez-vous de ce désert aride?
- N'aie crainte, mon fils, dit Evroult; la foi fera des banquets splendides. Viens plutôt t'asseoir avec nous à la table du Seigneur, un jour, un seul jour, et tu ne nous quitteras plus.
Le soldat se laissa persuader par l'éloquence du saint; il aida les religieux à construire un abri. Bientôt d'autres bandits se joignirent à eux. Le bruit de cet événement se répandit hors de la forêt. Les ducs, les comtes franks, les évêques, les bourgeois, les commerçants, envoyèrent à Evroult des secours, des vivres, des ouvriers. Indépendamment des motifs religieux, il y avait un grand intérêt à encourager une fondation qui devait contribuer à délivrer la forêt de ses hôtes dangereux. L'abondance des moyens d'existence qui vint rapidement en aide à Evroult lui attira une foule de pauvres disciples, voleurs, mendiants et autres. En peu de temps un premier monastère fut construit, et l'on voyait arriver tous les jours des troupeaux de porcs et des bêtes de somme chargés de pain et de vin. Ce n'étaient point seulement des hommes isolés qui venaient demander à Evroult asile et protection: des familles entières sonnaient au monastère. Ce nombre d'aspirants à la vie monastique croissant de jour en jour, Evroult fut obligé, en l'espace de vingt-deux ans, de faire construire plus de quinze autres monastères parmi lesquels étaient des couvents de femmes.
Les pauvres gens qui se vouaient ainsi par entraînement à la solitude religieuse ne persévéraient pas toujours dans leur pieuse résolution. Quelquefois, ils regrettaient le monde, trouvaient la règle trop sévère et se révoltaient contre elle. Les historiens citent une rébellion de ce genre dont Evroult triompha, en 589, par la seule force de son caractère et de sa parole; les traditions ajoutent à ces causes l'influence et l'ornement de quelques miracles. Depuis qu'un si grand nombre de personnes vivaient sous sa conduite, Evroult avait coutume de se retirer de temps à autre dans une petite grotte éloignée, près d'une fontaine, sous une colline couverte d'arbres. Un jour, un de ses disciples fidèles accourt l'avertir que les moines, après avoir mis les celliers au pillage, se sont insurgés contre son autorité. Aussitôt Evroult se dirige vers l'abbaye. Tandis qu'il marchait, toutes les cloches des monastères se mirent à sonner d'elles-mêmes, comme pour annoncer son approche. Au bout d'une allée sombre, Evroult aperçut l'ombre d'une personne en embuscade. Est-ce un homme? est-ce l'esprit malin qui a fomenté la révolte? Evroult avance, l'ombre fuit; Evroult redouble de vitesse, suit à la course l'ombre qui, arrivée près du lieu que l'on nomme aujourd'hui Echauffour, se jette d'un bond au fond d'un four tout plein de braises ardentes et disparaît. Evroult ferme la porte du four et dit aux femmes qui venaient pour enfourner: "N'ouvrez pas la porte; faites cuire votre pain devant." La porte ne fut ouverte que plusieurs jours après et on ne trouva dans le four qu'un monceau de cendres. Pendant ce temps, Evroult avait apaisé la sédition des moines; deux mutins seuls avaient résisté. Le saint s'était agenouillé, avait prié avec larmes, et les deux révoltés étaient tombés roides morts.
Il faut avouer que ces sortes de miracles laissent une impression peu agréable, et il y a peu être quelque avantage à ne pas trop en chercher l'explication, ou à les laisser simplement sur le compte des chroniqueurs.
La tradition rapporte un autre miracle, de nature plus innocente et plus poétique. Un jour, Evroult apprend que le frère panetier vient de refuser du pain à un pauvre parce qu'il n'en restait que très-peu pour le repas des plus jeunes novices. Aussitôt il envoie le panetier, chargé du pain qui restait, à la recherche du pauvre. Le religieux l'aperçoit et lui crie:"Notre abbé t'envoie l'aumône." Le pauvre affamé s'arrête, et, afin de manger plus commodément, plante son bâton en terre. Aussitôt du pied de ce bâton jaillit une source qui, quelques instants après, devient une belle fontaine.
Telles sont les origines merveilleuses de l'abbaye de Saint-Evroult. L'histoire de ses développements et de sa ruine a moins d'intérêt.
Evroult mourut en 593, à l'âge de quatre-vingt ans. Ses successeurs n'ont point laissé dans les chroniques de souvenirs remarquables de leur passage.
Vers le neuvième siècle, les chanoines remplacèrent les moines.
En 944, pendant la guerre de Louis d'Outre-Mer et Hugues le Grand, deux chefs de bandes gallo-frankes pillèrent et dévastèrent complètement l'abbaye de Saint-Evroult, et en chassèrent les chanoines. Les murailles abandonnées tombèrent en ruines.
Saint-Evroult fut reconstruit entre 1030 et 1050. On raconte que, vers cette époque, un pâtre, ayant remarqué que l'un de ses taureaux disparaissait dans une partie inexplorée du bois et y restait des jours entiers, suivit un jour ses traces à travers le fourré, et trouva l'animal couché au milieu des restes d'une église, au pied d'un autel. On supposa que ces ruines étaient celles de l'abbaye de Saint-Evroult, tandis que c'étaient celles de l'église Notre-Dame du Bois, bâtie autrefois par la reine Faileube. Cette découverte inspira au seigneur d'Echauffour le désir de reconstruire l'abbaye. La consécration de l'église et des bâtiments neufs eut lieu vers 1099. Aux quatorzième et quinzième siècles, l'abbaye fut encore plusieurs fois pillée et mise à sac. Dans les siècles suivants, elle n'eut guère à subir que des révolutions religieuses: elle passa successivement de la règle de Saint-Benoît à l'ordre de Cluny et à celui de Saint-Maur. A la fin du dix-huitième siècle, c'était encore un des principaux monastères de Normandie. Lorsque les religieux s'en éloignèrent, sous la convention, il paraît que l'on avait résolu de conserver l'église; mais un orage épouvantable renversa pendant la nuit une grande partie de l'édifice, qui avait été restauré et réédifié à la fin du seizième siècle. La tour, haute de cent pieds, avait fléchi sur une de ses bases, et avait entraîné dans sa chute les voûtes et les arcades supérieures. Des spéculateurs se mirent en possession des ruines.
"Rien du passé ne subsiste plus, dit l'auteur du Département de l'Orne archéologique et pittoresque, rien que le souvenir des guérisons merveilleuses opérées par les eaux de la fontaine de Saint-Evroult. Le miracle qui présida à la naissance de cette source bénie est resté populaire...
Au fond d'une étroite vallée coule la Charentonne, descendue de cinq ou six plateaux qui vont s'élevant derrière sa source et lui déversent leurs eaux. Au sommet des collines, la forêt centenaire livre sa tête échevelée aux ardeurs des vents. Tout autour de vous, vous ne voyez que des bouquets de bois amaigris et souffreteux, des joncs, des fondrières, des bruyères, une nature pauvre et naine qui n'a point de terre végétale pour se développer et grandir. Dans un coin du paysage, cachée par une ondulation de terrain, on trouve la fontaine Saint-Evroult. Une chapelle rustique baigne ses pieds dans l'eau salutaire...
Le bourg de Saint-Evroult, situé au pied du monastère, n'en garde plus de traces que des murs écroulés et quelques amas de pierres moussues. Sous ces ruines dorment encore, pèle mêle les plus grands seigneurs de Normandie: les Grentménil, les Giroie, les Montpinçon, les Coulonge, un de Varenne, deux sires de Crevent, plusieurs châtelains de la Ferté-Fresnel. On y trouverait même un petit prince de Rutland, non loin d'Adelize de Grentménil, qui repose paisiblement à côté de l'abbé du onzième siècle Meinier."
Le Magasin pittoresque, septembre 1849.
- Eh! moines, quel événement vous a contraints à vous réfugier ici?
- Aucun.
- Avez-vous peur de quelque calamité?
- Nous ignorons la peur.
- Est-ce donc envie de conquérir? La forêt est peut-être à votre goût?
- Nous ne sommes pas des soldats; nous sommes des hommes de Dieu, mon fils.
- Alors, qu'êtes-vous venus faire?
- Prier et pleurer.
- L'endroit est mal choisi. Nous sommes ici quelques troupes d'hommes hors la loi, peu repentants et peu chrétiens, que vos larmes attristeraient et à qui vos pénitences pourraient donner de l'ennui ou du remords. Aucun de nous ne consentira à ce que vous restiez dans ce bois. Ecoutez le bon conseil d'un homme qui voudrait être des vôtres s'il n'était pas ce qu'il est: retournez sur vos pas; allez-vous-en vite. Il ne vous sera fait aucun mal; plus tard on vous chasserait avec moins de douceur.
- Mon enfant, répondit Evroult d'une voix douce en approchant de lui, le regard de notre seigneur Dieu ne se détourne jamais de ceux qui suivent sa loi et vénèrent son nom.
- Mais vous mourrez de faim ici, reprit le bandit troublé. Toute cette terre est inculte. Isolés, perdus comme vous l'êtes, sans relations avec le dehors, vous périrez un à un. Que tirerez-vous de ce désert aride?
- N'aie crainte, mon fils, dit Evroult; la foi fera des banquets splendides. Viens plutôt t'asseoir avec nous à la table du Seigneur, un jour, un seul jour, et tu ne nous quitteras plus.
Le soldat se laissa persuader par l'éloquence du saint; il aida les religieux à construire un abri. Bientôt d'autres bandits se joignirent à eux. Le bruit de cet événement se répandit hors de la forêt. Les ducs, les comtes franks, les évêques, les bourgeois, les commerçants, envoyèrent à Evroult des secours, des vivres, des ouvriers. Indépendamment des motifs religieux, il y avait un grand intérêt à encourager une fondation qui devait contribuer à délivrer la forêt de ses hôtes dangereux. L'abondance des moyens d'existence qui vint rapidement en aide à Evroult lui attira une foule de pauvres disciples, voleurs, mendiants et autres. En peu de temps un premier monastère fut construit, et l'on voyait arriver tous les jours des troupeaux de porcs et des bêtes de somme chargés de pain et de vin. Ce n'étaient point seulement des hommes isolés qui venaient demander à Evroult asile et protection: des familles entières sonnaient au monastère. Ce nombre d'aspirants à la vie monastique croissant de jour en jour, Evroult fut obligé, en l'espace de vingt-deux ans, de faire construire plus de quinze autres monastères parmi lesquels étaient des couvents de femmes.
Les pauvres gens qui se vouaient ainsi par entraînement à la solitude religieuse ne persévéraient pas toujours dans leur pieuse résolution. Quelquefois, ils regrettaient le monde, trouvaient la règle trop sévère et se révoltaient contre elle. Les historiens citent une rébellion de ce genre dont Evroult triompha, en 589, par la seule force de son caractère et de sa parole; les traditions ajoutent à ces causes l'influence et l'ornement de quelques miracles. Depuis qu'un si grand nombre de personnes vivaient sous sa conduite, Evroult avait coutume de se retirer de temps à autre dans une petite grotte éloignée, près d'une fontaine, sous une colline couverte d'arbres. Un jour, un de ses disciples fidèles accourt l'avertir que les moines, après avoir mis les celliers au pillage, se sont insurgés contre son autorité. Aussitôt Evroult se dirige vers l'abbaye. Tandis qu'il marchait, toutes les cloches des monastères se mirent à sonner d'elles-mêmes, comme pour annoncer son approche. Au bout d'une allée sombre, Evroult aperçut l'ombre d'une personne en embuscade. Est-ce un homme? est-ce l'esprit malin qui a fomenté la révolte? Evroult avance, l'ombre fuit; Evroult redouble de vitesse, suit à la course l'ombre qui, arrivée près du lieu que l'on nomme aujourd'hui Echauffour, se jette d'un bond au fond d'un four tout plein de braises ardentes et disparaît. Evroult ferme la porte du four et dit aux femmes qui venaient pour enfourner: "N'ouvrez pas la porte; faites cuire votre pain devant." La porte ne fut ouverte que plusieurs jours après et on ne trouva dans le four qu'un monceau de cendres. Pendant ce temps, Evroult avait apaisé la sédition des moines; deux mutins seuls avaient résisté. Le saint s'était agenouillé, avait prié avec larmes, et les deux révoltés étaient tombés roides morts.
Il faut avouer que ces sortes de miracles laissent une impression peu agréable, et il y a peu être quelque avantage à ne pas trop en chercher l'explication, ou à les laisser simplement sur le compte des chroniqueurs.
La tradition rapporte un autre miracle, de nature plus innocente et plus poétique. Un jour, Evroult apprend que le frère panetier vient de refuser du pain à un pauvre parce qu'il n'en restait que très-peu pour le repas des plus jeunes novices. Aussitôt il envoie le panetier, chargé du pain qui restait, à la recherche du pauvre. Le religieux l'aperçoit et lui crie:"Notre abbé t'envoie l'aumône." Le pauvre affamé s'arrête, et, afin de manger plus commodément, plante son bâton en terre. Aussitôt du pied de ce bâton jaillit une source qui, quelques instants après, devient une belle fontaine.
Telles sont les origines merveilleuses de l'abbaye de Saint-Evroult. L'histoire de ses développements et de sa ruine a moins d'intérêt.
Evroult mourut en 593, à l'âge de quatre-vingt ans. Ses successeurs n'ont point laissé dans les chroniques de souvenirs remarquables de leur passage.
Vers le neuvième siècle, les chanoines remplacèrent les moines.
En 944, pendant la guerre de Louis d'Outre-Mer et Hugues le Grand, deux chefs de bandes gallo-frankes pillèrent et dévastèrent complètement l'abbaye de Saint-Evroult, et en chassèrent les chanoines. Les murailles abandonnées tombèrent en ruines.
Saint-Evroult fut reconstruit entre 1030 et 1050. On raconte que, vers cette époque, un pâtre, ayant remarqué que l'un de ses taureaux disparaissait dans une partie inexplorée du bois et y restait des jours entiers, suivit un jour ses traces à travers le fourré, et trouva l'animal couché au milieu des restes d'une église, au pied d'un autel. On supposa que ces ruines étaient celles de l'abbaye de Saint-Evroult, tandis que c'étaient celles de l'église Notre-Dame du Bois, bâtie autrefois par la reine Faileube. Cette découverte inspira au seigneur d'Echauffour le désir de reconstruire l'abbaye. La consécration de l'église et des bâtiments neufs eut lieu vers 1099. Aux quatorzième et quinzième siècles, l'abbaye fut encore plusieurs fois pillée et mise à sac. Dans les siècles suivants, elle n'eut guère à subir que des révolutions religieuses: elle passa successivement de la règle de Saint-Benoît à l'ordre de Cluny et à celui de Saint-Maur. A la fin du dix-huitième siècle, c'était encore un des principaux monastères de Normandie. Lorsque les religieux s'en éloignèrent, sous la convention, il paraît que l'on avait résolu de conserver l'église; mais un orage épouvantable renversa pendant la nuit une grande partie de l'édifice, qui avait été restauré et réédifié à la fin du seizième siècle. La tour, haute de cent pieds, avait fléchi sur une de ses bases, et avait entraîné dans sa chute les voûtes et les arcades supérieures. Des spéculateurs se mirent en possession des ruines.
"Rien du passé ne subsiste plus, dit l'auteur du Département de l'Orne archéologique et pittoresque, rien que le souvenir des guérisons merveilleuses opérées par les eaux de la fontaine de Saint-Evroult. Le miracle qui présida à la naissance de cette source bénie est resté populaire...
Au fond d'une étroite vallée coule la Charentonne, descendue de cinq ou six plateaux qui vont s'élevant derrière sa source et lui déversent leurs eaux. Au sommet des collines, la forêt centenaire livre sa tête échevelée aux ardeurs des vents. Tout autour de vous, vous ne voyez que des bouquets de bois amaigris et souffreteux, des joncs, des fondrières, des bruyères, une nature pauvre et naine qui n'a point de terre végétale pour se développer et grandir. Dans un coin du paysage, cachée par une ondulation de terrain, on trouve la fontaine Saint-Evroult. Une chapelle rustique baigne ses pieds dans l'eau salutaire...
Le bourg de Saint-Evroult, situé au pied du monastère, n'en garde plus de traces que des murs écroulés et quelques amas de pierres moussues. Sous ces ruines dorment encore, pèle mêle les plus grands seigneurs de Normandie: les Grentménil, les Giroie, les Montpinçon, les Coulonge, un de Varenne, deux sires de Crevent, plusieurs châtelains de la Ferté-Fresnel. On y trouverait même un petit prince de Rutland, non loin d'Adelize de Grentménil, qui repose paisiblement à côté de l'abbé du onzième siècle Meinier."
Le Magasin pittoresque, septembre 1849.
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