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dimanche 30 octobre 2016

Leis armetos en Provence.

Leis armetos en Provence.


Il serait difficile de retrouver au juste l'origine de ce qu'on appelle en Provence leis armetos. Suivant toutes les probabilités, c'est là un des usages remontant à l'antiquité païenne, que, dans l'ancienne province romaine, les premiers  chrétiens qui conservèrent, en les transformant, tant de ces usages du culte antique, transportèrent dans leurs nouvelles cérémonies. On sait en effet que les Romains célébraient dans le mois de mai les lémuries, qui était une sorte d'exorcisme contre les lémures ou larvæ, images effrayantes sorties des tombeaux, terreur des esprits faibles, comme il n'y a pas longtemps encore les revenants.
L'apparition de ces larves avait lieu pendant la nuit, et c'est contre ces mêmes images terrifiantes que l'Eglise, dès ses premiers temps, invoque les secours divins:


Procul recedant somnia,
Et noctium phantasmata.

                                                   (Hymne des complies)

La cérémonie des lemuries fut transportée au jour de la commémoration des morts, parce que, tous les fidèles priant ce jour-là pour les trépassés, les croyances superstitieuses du moyen âge supposaient que les âmes des décédés revenaient à cette époque visiter les corps qu'elles avaient abandonné, et que, dans leur vagation nocturne, elles passaient et repassaient devant les vivants pendant leur sommeil, et les épouvantaient. De là l'usage de sonner pendant toute la nuit les cloches des églises, afin d'éloigner ce qu'en provençal on appelait leis armetos (les petites âmes).
Un ancien écrivain dit que les larves des méchants portaient, chez les anciens,  le nom de démons: 
"Larvas ex hominibus factas dœmones aiunt, qui meriti mali tuerint."
C'est principalement contre ces larves sataniques que les cloches étaient employées, et qu'on invoque le secours des anges gardiens, de peur que, profitant de ces courses nocturnes des âmes, les agents du malin esprit ne pussent en saisir quelqu'une.




Dans son singulier mythe de la procession de la Fête-Dieu d'Aix, le roi René fit allusion à cette circonstance en introduisant l'armeto, jeune enfant, expression de l'âme pure, dont cherche à s'emparer un esprit malin, et que protège un ange qui roue de coups le démon quand il s'en approche.
Dans la cérémonies des lemuries, les Romains, pendant le sacrifice qui s'accomplissait au foyer des lares, jetaient des fèves hors de la maison par la porte d'entrée, croyant par là en chasser les larves. Dans la cérémonie des armetos, nos chrétiens méridionaux donnaient aux sonneurs de cloche, pour les empêcher de s'endormir et ne pas laisser ainsi en péril les âmes voletantes, des châtaignes et du vin cuit; à ce frugal somnifuge, on substitua ensuite des mets plus substantiels, que les sonneurs allaient quêter de maison en maison.

L'illustration, journal universel, 4 novembre 1854.


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