Doit-on dormir la fenêtre ouverte?
M. André Delebecque, ingénieur des Ponts et Chaussées, nous envoie quelques observations justes à propos de l'invasion dans nos maisons de l'oxyde de carbone et du gaz d'éclairage. Le danger est permanent, et foyers, calorifères, becs de gaz, comme nous l'avons expliqué, peuvent rendre, la nuit surtout, au moment où l'on y compte le moins, l'atmosphère toxique. Il y a pourtant un excellent moyen de tout éviter, nous écrit M. Delebecque, c'est de dormir la fenêtre ouverte!
Nous devons arriver à cette solution.
"Cette pratique, continue M. Delebecque, est malheureusement loin d'être rentrée dans nos mœurs. On ne réfléchit pas qu'il n'y a aucun inconvénient à respirer de l'air froid et qu'il suffit d'être bien couvert dans son lit pour être absolument insensible à l'abaissement de température de la chambre. Et les gens les plus attentifs aux autres lois de l'hygiène, n'hésitent pas à passer huit heures par jour, soit le tiers de leur existence, dans une atmosphère confinée et à respirer un air "prérespiré". Je voudrais que M. Gréhant* prit un jour la peine d'analyser l'air de la chambre à coucher d'une de nos "élégantes" les plus à la mode, vers huit heures du matin, et nous donnât la liste des produits toxiques qu'il y aurait reconnus...
"A quoi sert d'aller faire une cure d'air à la mer ou à la montagne si, pendant la nuit, vous détruisez régulièrement ce que vous avez acquis pendant la journée. J'aime encore mieux l'air de la rue Lafayette que celui d'une chambre d'hôtel de Trouville ou de Chamonix, non ventilée. A quoi sert de construire à grand frais des logements ouvriers hygiéniques si ceux qui y vivent méconnaissent les lois de l'hygiène?..."
Ouvrez: vous n'aurez pas froid.
M. Delebecque a parfaitement raison. Nous n'avons jamais su ventiler et il en résulte un grand tort pour la santé publique. En ce qui concerne particulièrement l'aération continue des chambres à coucher, les préjugés sont restés vivaces. Nous dormons le tiers de notre existence dans de l'air dont nous montrerons quelques jours les véritables dangers, alors même qu'il n'existe aucune diffusion de gaz toxique. L'air confiné est un vrai poison. Il y a longtemps que les médecins ont conseillé aux tuberculeux et aux anémiques de se coucher la fenêtre demi ouverte ou voilée par un rideau. On dort ainsi en Allemagne, en Suisse, dans beaucoup de familles. A Paris, cette pratique est beaucoup plus rare. On admet l'aération pendant la belle saison, mais aux premiers froids, on ferme la fenêtre.
On objecte: si je couche la fenêtre ouverte, je ne manque pas pas de m'enrhumer. Dès lors, comment voulez-vous que je reste exposé au froid de la nuit.
Il est bien possible que certains tempéraments arthritiques et délicats supportent mal l'aération continue. Je crois que ceux-là sont ceux qui dorment la bouche ouverte, ce qui est un grand défaut. Quand on respire normalement par le nez, l'air pénètre dans les poumons doucement et se réchauffe tout le long des tissus; s'il entre par la bouche, en plus grande quantité, il arrive plus froid dans les voies respiratoires et, s'il est chargé d'humidité, je ne pense pas qu'il soit agréable aux poumons. En tout cas, ceux qui ont pris l'habitude de reposer la nuit dans une chambre ventilée, affirment qu'ils ne peuvent plus dormir si leur fenêtre est close. Au point de vue de l'hygiène, il est incontestable qu'il est de tous points préférable d'adopter, dans une chambre à coucher, la ventilation continue.
Mon dimanche, revue populaire illustrée, 29 mars 1908.
* Nota de Célestin Mira: Nestor Gréhant, né le 2 avril 1838 et mort le 26 mars 1910 était un physiologiste français très célèbre à l'époque.
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