Gisors.
(Eure)
(Eure)
Ancienne ville du Vexin normand et du Vexin français qui furent si souvent séparés, Gisors est situé sur la rive droite de l'Epte, sur la frontière de l'ancienne France et de l'ancienne Normandie, à l'embranchement des routes de Paris, Rouen, Alençon, Dieppe et Beauvais, à six lieues sud-ouest de cette dernière ville, et à seize lieues nord-ouest de Paris.
Gisortium est le nom donné à ce lieu par les écrivains du XIIe siècle et par la chronique de Normandie. Il y est mentionné vers l'an 1031, époque où Henri 1er, roi de France, était en guerre contre sa mère et son frère.
Aujourd'hui Gisors, dont la population est évaluée à 3.500 habitants, est un chef-lieu de canton du département de l'Eure. Il est assez bien bâti; la rue de Paris seule conserve assez de caractères des villes anciennes, mais la principale rue qui porte le nom de Grande-Rue ou rue du Bourg, et qui, changeant de nom au pont sur l'Epte, prend celui de Cap-de-Ville, n'offre rien de pittoresque. Au bord de l'Epte, entre la rue de Paris et la rue Cap-de-Ville, est une ancienne maison occupée par un maître d'école, et couverte de charmantes sculptures en bois, qui malheureusement ont trop peu de relief pour produire un grand effet.
Peu de villes d'Italie ou d'Espagne offrent dans les rues plus de christs et de madones éclairés par des lampes. L'Hôtel-Dieu existe encore sous le nom d'Hospice civil et militaire. Le collège est conservé. Le théâtre occupe l'église d'un couvent de Carmélites, transformé lui-même en hôtel-de-ville. On trouve aussi dans Gisors plusieurs importantes manufactures, entre autre une filature de coton, l'un des plus beaux établissement de ce genre. Elle appartient à la maison Davilliers, qui en possède, en outre, près de là, au village de Saint-Charles, une autre qui occupe plusieurs centaines d'ouvriers.
Gisors doit toute sa célébrité à son château, qui joua un grand rôle dans les guerres du moyen âge. On n'est pas bien d'accord sur l'époque positive de sa fondation; voici portant l'opinion la plus probable. L'abbé Suger nous apprend qu'un baron nommé Paganus, païen, fit le premier, vers l'an 1000, fortifier ce lieu en y construisant un château qui fut, selon toute apparence, considérablement augmenté par Guillaume le Roux, de 1088 à 1097.
C'est dans ce château que Henri 1er, roi d'Angleterre, reçut, en l'année 1119, le pape Calixte II, qui venait pour cimenter la concorde entre les deux rois chrétiens, et pour obtenir de Henri qu'il rendit à son frère Robert le duché de Normandie, dont il s'était injustement emparé, et la liberté qu'il lui avait ravie.
La position du château de Gisors devait le livrer aux armes de Philippe-Auguste dès que l'Angleterre serait distraite de ses intérêts du continent par des troubles intérieurs ou des expéditions lointaines. Aussi le roi de France ne manqua-t-il pas de s'en emparer pendant que son cousin Richard Cœur-de-Lion cueillait d'autres lauriers en Palestine. La bataille de Courcelles, donnée en 1178 dans un village de ce nom, à peu de distance de Gisors, faillit borner avant le temps la glorieuse carrière de Philippe-Auguste. Entouré d'ennemis, il parvint, à l'aide de son épée, à se frayer une route, et se jeta dans Gisors à toute la vitesse de son cheval; ses hommes d'armes se précipitèrent à sa suite dans un tel désordre et avec une telle impétuosité, que le pont de bois qui traversait l'Epte s'écroula sous le poids de ces cavaliers, chargés de lourdes armures, au moment où le roi achevait de le franchir. Son cheval le tira à la nage de ce nouveau péril, et le rendit au rivage, sain, sauf, et toujours invaincu. On dit que, dans ce danger, il avait imploré la Vierge, dont l'image était placée sur la porte de la ville, et qu'en mémoire de sa délivrance, il fit dorer cette porte dans toute sa hauteur. Elle a conservé jusqu'à nous le nom de Porte dorée.
Les ruines du château sont située sur une éminence à l'extrémité de la ville du côté de Rouen, et près de la rivière d'Epte. Elles se composent de deux enceintes avec un donjon situé placé au milieu de la seconde. La première enceinte, qui aujourd'hui sert de halle, était très-étendue et pouvait contenir un grand nombre de soldats; elle était flanquée de tours, dont plusieurs subsistent encore. Il y avait, pour pénétrer dans la forteresse, deux portes avec deux grosses tours, des herses et des ponts-levis. La seconde enceinte, celle qui se présente sur notre dessin, était bâtie sur le sommet de la colline, dominait la première et n'avait qu'une entrée. Le donjon central, de forme octogone, était très-élevé. Il ne reste plus que quelques-unes des marches qui conduisaient à la plateforme. Le château offre partout les points de vue les plus pittoresques; plusieurs parties, telles que le donjon, les deux portes, la tribune de la chapelle, sont remarquables par leur conservation.
Mais ce que ces ruines présentent de plus curieux, c'est la haute tour élevée d'environ cent pieds, connue sous le nom de tour du Prisonnier. On arrive à cette tour par un pont très-étroit jeté sur des fossés profonds, aujourd'hui transformés en jardins. On trouve d'abord une salle ronde voûtée d'environ dix-neuf pieds de diamètre, sans compter l'épaisseur des murs qui est de six pieds; ce qui donne à la tour un diamètre de trente et un pieds. Cette salle, où se trouve une immense cheminée gothique dans laquelle, dans les temps modernes, on a aménagé un four, est éclairée par deux fenêtres très-étroites. On descend ensuite dans une autre salle semblable, mais sans cheminée où sont rangées sur des planches quelques archives de la ville. On y voit trois chapeaux de feutre ayant appartenu à ces brigands de 93, connus sous le nom de chauffeurs.
Enfin, au-dessous de cette salle, est encore une troisième souterraine qui reçoit le jour par trois ouvertures obliques qui donnent dans les fossés. C'est dans ce cachot que fut emprisonné un prisonnier d'Etat inconnu, dont on place le séjour entre les règnes de Louis XII et de Henri III. On reconnaît encore dans le mur les entailles qui servirent à la tentative d'évasion du prisonnier. On dit qu'il tomba sur le rocher, se blessa gravement et fut rapporté mourant dans son cachot. Pendant son séjour, ce malheureux occupa ses trop nombreux loisirs à tapisser les murailles de sa prison d'une grande quantité de bas-reliefs, sculptés sans autre outil qu'un clou qu'il était parvenu à détacher de la porte. Les bas-reliefs, quoique d'un travail grossier, sont du plus grand intérêt; on y remarque la passion de Jésus-Christ, des calvaires, des chevaliers, des armoiries, des instruments, des sièges, des armes. On ne lit qu'une seule inscription qui au moins étant signée, nous apprend le nom de ce prisonnier, enveloppé du reste d'un mystère jusqu'ici impénétrable:
Les ruines du château sont située sur une éminence à l'extrémité de la ville du côté de Rouen, et près de la rivière d'Epte. Elles se composent de deux enceintes avec un donjon situé placé au milieu de la seconde. La première enceinte, qui aujourd'hui sert de halle, était très-étendue et pouvait contenir un grand nombre de soldats; elle était flanquée de tours, dont plusieurs subsistent encore. Il y avait, pour pénétrer dans la forteresse, deux portes avec deux grosses tours, des herses et des ponts-levis. La seconde enceinte, celle qui se présente sur notre dessin, était bâtie sur le sommet de la colline, dominait la première et n'avait qu'une entrée. Le donjon central, de forme octogone, était très-élevé. Il ne reste plus que quelques-unes des marches qui conduisaient à la plateforme. Le château offre partout les points de vue les plus pittoresques; plusieurs parties, telles que le donjon, les deux portes, la tribune de la chapelle, sont remarquables par leur conservation.
Mais ce que ces ruines présentent de plus curieux, c'est la haute tour élevée d'environ cent pieds, connue sous le nom de tour du Prisonnier. On arrive à cette tour par un pont très-étroit jeté sur des fossés profonds, aujourd'hui transformés en jardins. On trouve d'abord une salle ronde voûtée d'environ dix-neuf pieds de diamètre, sans compter l'épaisseur des murs qui est de six pieds; ce qui donne à la tour un diamètre de trente et un pieds. Cette salle, où se trouve une immense cheminée gothique dans laquelle, dans les temps modernes, on a aménagé un four, est éclairée par deux fenêtres très-étroites. On descend ensuite dans une autre salle semblable, mais sans cheminée où sont rangées sur des planches quelques archives de la ville. On y voit trois chapeaux de feutre ayant appartenu à ces brigands de 93, connus sous le nom de chauffeurs.
Enfin, au-dessous de cette salle, est encore une troisième souterraine qui reçoit le jour par trois ouvertures obliques qui donnent dans les fossés. C'est dans ce cachot que fut emprisonné un prisonnier d'Etat inconnu, dont on place le séjour entre les règnes de Louis XII et de Henri III. On reconnaît encore dans le mur les entailles qui servirent à la tentative d'évasion du prisonnier. On dit qu'il tomba sur le rocher, se blessa gravement et fut rapporté mourant dans son cachot. Pendant son séjour, ce malheureux occupa ses trop nombreux loisirs à tapisser les murailles de sa prison d'une grande quantité de bas-reliefs, sculptés sans autre outil qu'un clou qu'il était parvenu à détacher de la porte. Les bas-reliefs, quoique d'un travail grossier, sont du plus grand intérêt; on y remarque la passion de Jésus-Christ, des calvaires, des chevaliers, des armoiries, des instruments, des sièges, des armes. On ne lit qu'une seule inscription qui au moins étant signée, nous apprend le nom de ce prisonnier, enveloppé du reste d'un mystère jusqu'ici impénétrable:
O MATER DEI, MEMENTO MEI.
POVLAIN.
POVLAIN.
Je ne terminerai pas cet article sans parler des charmantes promenades qui entourent le château, et qui seraient dignes d'une ville du premier ordre. Quant à l'église, un des plus beaux monuments de France, si je l'ai passée sous silence, c'est que je me réserve de la décrire dans un article qui lui sera spécialement consacré.
Ernest Breton.
Le Magasin universel, février 1837.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire