La mendicité à Rome.
A Rome, dans les carrefours, à la porte des églises et des couvents, on voit sans cesse accroupies de nombreuses familles de mendiants. Parfois, c'est, comme dans notre gravure, une vieille paysanne affamée attendant anxieusement avec ses petits-enfants les écuellées de soupe que vont distribuer les moines; tantôt une jeune mère, aux yeux de louve, ardents et faméliques, brillants à l'ombre d'une vaste coiffe rabattue qui rappelle les anciennes madones; auprès d'elle, des bambins implorent l'aumône du regard.
L'imprévoyance et l'insouciance forment le fond du caractère de cette race inhabile à chercher profit. Aussi la mendicité revêt-elle, à Rome surtout, toutes les formes imaginables.
Passez-vous devant une prison, les détenus vous lancent des phrases par les grilles du rez-de-chaussée et de chacune des fenêtres sort, au bout d'une longue perche, une bourse en cuir à l'aide de laquelle, faisant appel à la libéralité des passants, les captifs pêchent des gros sous à la ligne.
Telle est la coutume; et ce détail n'enlève rien à l'énergie et aux vertus héroïques des patriotes de Castel-Gondolfo ou de Rocca di Papa.
La morgue hautaine accompagnés de saluts obséquieux des mendiants romains rappelle par plus d'un côté celle de don César de Bazan.
M. F. Wey (1) raconte qu'une nuit il s'était vu suivi à distance près de la place Barberini. Soudain l'homme qui avait doublé le pas sur les talons du voyageur, le devança brusquement, puis rebroussant chemin lui fit un profond salut; il lui parla de sa fierté, de sa dignité, de sa gloire obscurcie... Etait-ce Pyrrus ou Bélisaire?... Ensuite il assura M. Wey de sa protection, veillant sur lui, voulant le préserver de toute rencontre; "car il se trouve par le monde des gens qui..., mais il ne veut offenser personne." Enfin il apprit à notre confrère qu'il était un seigneur illustre, magnanime, évoqua ses sentiments généreux par l'umanita, la patria et... la liberta. Vers la péripétie, le ton devint superbe et les expressions furent plus épiques: c'est avec la majesté d'Hortensius que, portant la main sur le bras de son interlocuteur, d'un ton plus concentré mais solennel encore, ce Romain conclut en ces termes: Excellence! si votre noble cœur pouvait me favoriser... d'un vieux pantalon!..."
Une autre fois, c'était des vagabonds qui venaient s'offrir à M. Schnetz, "barques à deux pattes, qui guettaient les voyageurs pour faire passer un torrent sur leurs échines... moyennant deux baïoques..." On les avait pris pour des "bandits"; M. Schnetz avoue d'ailleurs, qu'il n'en avait jamais vu d'autres pendant son séjour à Rome.
M.
(1) Rome, in 4°, Hachette.
La Mosaïque, Revue pittoresque illustrée de tous les temps et de tous les pays, 1878.
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