Mœurs et usages au moyen âge.
De toutes les parties de notre histoire, il n'en est pas de plus intéressante que celle qui nous retrace les mœurs et les usages de nos pères; la bizarrerie du costume, l'étrangeté de l'habillement, le maintien raide et empesé, nous paraissent chose plaisante, et nous ne pouvons manquer sourire du mauvais goût de nos ancêtres. On lit, dans divers auteurs contemporains de ces siècles encore si peu connus, quelques faits assez piquans que nous nous contenterons de rapporter avec cette naïveté de langage qui a pour nous tant d'attraits.
Ainsi messire Juvénal des Ursins, le grave historien du règne de Charles VI, passe en revue, dans un des chapitres de son ouvrage, la manière dont les dames se coiffaient alors: "Icelles dames et damoiselles faisaient de grands excès de parures, et portaient des cornes hautes et larges, ayant de chaque côté deux grands oreilles si larges, que quand elles voulait passer par un huis (porte), il leur était impossible de le faire." Ces coiffures bizarres étaient nées en Flandre comme nous l'apprend Thomas Couare, moine célèbre du XVe siècle; dans de longues et fulminantes prédications, il s'éleva contre ces cornes: "Ce sont des choses paillardes, indécentes et damnables, s'écriait-il avec force devant les assemblées nombreuses de dames et de damoiselles." Toutefois ses sermons ne produisaient aucun effet, les anciennes tapisseries de Flandre nous ont conservé ces coiffures gigantesques qui allaient jusqu'à trois ou quatre pieds de hauteur;
C'est surtout sous le règne de Louis XI que l'on vit les coiffures des nobles dames, prendre un essor prodigieux: "Les femmes, dit Monstrelet, mirent sur leur tête des bourrelets à manière de bonnets ronds qui s'amenuisaient par dessus de la hauteur d'une demi-aune"; et Erasme dans son dialogue intitulé: Senatulus, vient encore confirmer ce témoignage: "Il s'élevait autrefois, écrit le savant docteur, des cornes sur le haut de la tête des femmes, auxquelles elles attachaient des espèces de voiles (linteamina); ces coiffures distinguaient les femmes de premier rang." Sous Louis XII, les petites maîtresses apportèrent quelques modifications à ce singulier accoutrement: "Les dames, dit un chroniqueur, abaissèrent un peu les coiffes dont elles se paraient, et se contentèrent de longs voiles noirs ornés de franges rouge ou pourpre." C'était la coiffure d'Anne de Bretagne depuis la mort de Charles VIII; on la voit ainsi représentée sur quelques gravures du temps.
Si nous examinons maintenant certains usages en vigueur chez nos pères, nous rencontrons une foule de détail d'une assez piquante curiosité. La manière de porter la barbe, par exemple, peut être l'objet de toute une histoire qui n'est pas sans quelque intérêt.
Il est de principe certain que tout Français était soldat; s'il embrassait tout autre état, il cessait d'être Français; pour marquer qu'il n'était plus de la nation on l'obligeait à se couper la barbe et les cheveux, signe qui servait à distinguer le Français d'avec le peuple subjugué. Alaric, roi des Visigoths, craignant d'être attaqué par Clovis et cherchant à l'amuser avec de belles espérances, lui fit demander une entrevue pour lui toucher la barbe, c'est à dire pour l'adopter, car on prenait par la barbe celui qu'on voulait placer sous sa protection. Eginard, secrétaire de Charlemagne, en parlant des derniers rois de la première race, dit: "Ils venaient aux assemblées du Champ de Mars, dans un chariot tiré par des bœufs; puis ils s'asseyaient sur le trône avec de longs cheveux épars et une barbe qui leur pendait jusqu'à la poitrine."
Robert, grand père de Hugues Capet, que Charles-le-Simple à qui il voulait enlever la couronne , tua de sa propre main, avait passé, au commencement de la bataille, écrit Mézerai, sa grande barbe blanche par dessous la visière de son casque, pour se faire reconnaître des siens. Ainsi, sous la seconde race on portait une longue barbe, et cet usage continua sous les premiers rois de la troisième. Hugues, comte de Châlons, ayant été vaincu par Richard, duc de Normandie, alla se jeter à ses pieds, avec une selle de cheval sur le dos, pour marquer qu'il se soumettait entièrement à lui: "dans cet accoutrement et avec sa longue barbe, rapporte la chronique, il avait plutôt l'air d'une chèvre que d'un cheval."
Vers la fin du XIe siècle, Guillaume, archevêque de Rouen, déclara la guerre aux longues chevelures; plusieurs gens du clergé se joignirent à lui, et dans un concile tenu en 1096, ils statuèrent "que ceux qui porteraient de longs cheveux seraient exclus de l'église pendant leur vie, et qu'on ne prierait par pour eux après leur mort."
Le Magasin Universel, 1834-1835.
Il est de principe certain que tout Français était soldat; s'il embrassait tout autre état, il cessait d'être Français; pour marquer qu'il n'était plus de la nation on l'obligeait à se couper la barbe et les cheveux, signe qui servait à distinguer le Français d'avec le peuple subjugué. Alaric, roi des Visigoths, craignant d'être attaqué par Clovis et cherchant à l'amuser avec de belles espérances, lui fit demander une entrevue pour lui toucher la barbe, c'est à dire pour l'adopter, car on prenait par la barbe celui qu'on voulait placer sous sa protection. Eginard, secrétaire de Charlemagne, en parlant des derniers rois de la première race, dit: "Ils venaient aux assemblées du Champ de Mars, dans un chariot tiré par des bœufs; puis ils s'asseyaient sur le trône avec de longs cheveux épars et une barbe qui leur pendait jusqu'à la poitrine."
Robert, grand père de Hugues Capet, que Charles-le-Simple à qui il voulait enlever la couronne , tua de sa propre main, avait passé, au commencement de la bataille, écrit Mézerai, sa grande barbe blanche par dessous la visière de son casque, pour se faire reconnaître des siens. Ainsi, sous la seconde race on portait une longue barbe, et cet usage continua sous les premiers rois de la troisième. Hugues, comte de Châlons, ayant été vaincu par Richard, duc de Normandie, alla se jeter à ses pieds, avec une selle de cheval sur le dos, pour marquer qu'il se soumettait entièrement à lui: "dans cet accoutrement et avec sa longue barbe, rapporte la chronique, il avait plutôt l'air d'une chèvre que d'un cheval."
Vers la fin du XIe siècle, Guillaume, archevêque de Rouen, déclara la guerre aux longues chevelures; plusieurs gens du clergé se joignirent à lui, et dans un concile tenu en 1096, ils statuèrent "que ceux qui porteraient de longs cheveux seraient exclus de l'église pendant leur vie, et qu'on ne prierait par pour eux après leur mort."
Le Magasin Universel, 1834-1835.
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