La foire aux femmes.
Dans une contrée élevée, à l'extrémité orientale de la Hongrie, s'élève une montagne appelée Bihar. Ce coin isolé n'est habité que par une race de pâtres d'origine valaque, à moitié sauvages, qui n'ont que peu de relation avec le reste du monde, et demeurant étrangers à toute civilisation.
Tous les ans, à la fête de Saint-Pierre, les Valaques du Bihar se rendent dans la plaine de Kalinasa pour assister à une foire où ils traitent d'affaires de tout genre, mais qui a un intérêt particulier pour les jeunes gens des deux sexes; car il s'y conclut aussi des mariages, et on y choisit des femmes comme on y achète des meubles ou des denrées. Tous les pères de famille y amènent leurs grandes filles avec leur dot, entassées sur des charrettes ou à pied. Cette dot se ressent de la pauvreté des montagnards, et se borne à des pièces de bétail, des moutons, des porcs, des volailles. On n'oublie pas la parure des femmes, c'est à dire des pièces de monnaie percées pour être attachées aux tresses des cheveux. C'est avec cette suite que chaque fille qui veut un mari s'achemine à la foire.
De leur côté, les garçons qui veulent se marier arrivent à la foire revêtus de peaux de moutons. Leurs yeux hagards, qui suffiraient pour mettre en fuite toutes nos dames, font alors l'inspection des jeunes filles que leurs parens ont amenées. Chacun choisit selon son goût. Le choix fait, on s'adresse aux parens, on demande ce qu'ils exigent, ce qu'ils donnent, ce qu'ils ont apporté. On marchande, et si l'on ne peut tomber d'accord, l'amateur passe à une autres personne. Dans le cas contraire, les deux parties se frappent dans la main de manière à se faire entendre par tout le voisinage: c'est un avis pour les concurrents que tout est conclu et que leurs vœux sont exaucés.
La famille entoure alors les deux fiancés: l'eau-de-vie se verse à plein bord; on appelle le prêtre, et, sans désemparer, celui-ci tire de sa poche le livre de prières, et prononce la bénédiction.
Vient ensuite le moment de la séparation. La jeune femme prend congé de sa famille, à laquelle elle n'appartient déjà plus; elle monte sur la charrette de son mari, qu'elle ne connaissait pas il y a peu d'heures, et, suivi de ses troupeaux, elle est conduite dans la maison qui va être la sienne, et où l'attendent les devoirs sur lesquels elle n'a pas eu le temps de méditer.
Souvent, dès la première entrevue, le pouvoir du mari se fait sentir, et quelquefois, à la foire même, il éclate des rixes sanglantes entre les montagnards. Le gouvernement hongrois cherche depuis long-temps les moyens de supprimer cette foire; mais une défense contrarierait trop les anciennes coutumes, et même les besoins de la peuplade pastorale de Bihar, pour qu'elle pût être efficace. Aussi la foire continue-t-elle. On s'y marie, on s'y enivre, on s'y bat; et pourtant tous les Valaques du pays soutiennent que c'est une fête superbe.
Le Magasin Universel, 1834-1835.
De leur côté, les garçons qui veulent se marier arrivent à la foire revêtus de peaux de moutons. Leurs yeux hagards, qui suffiraient pour mettre en fuite toutes nos dames, font alors l'inspection des jeunes filles que leurs parens ont amenées. Chacun choisit selon son goût. Le choix fait, on s'adresse aux parens, on demande ce qu'ils exigent, ce qu'ils donnent, ce qu'ils ont apporté. On marchande, et si l'on ne peut tomber d'accord, l'amateur passe à une autres personne. Dans le cas contraire, les deux parties se frappent dans la main de manière à se faire entendre par tout le voisinage: c'est un avis pour les concurrents que tout est conclu et que leurs vœux sont exaucés.
La famille entoure alors les deux fiancés: l'eau-de-vie se verse à plein bord; on appelle le prêtre, et, sans désemparer, celui-ci tire de sa poche le livre de prières, et prononce la bénédiction.
Vient ensuite le moment de la séparation. La jeune femme prend congé de sa famille, à laquelle elle n'appartient déjà plus; elle monte sur la charrette de son mari, qu'elle ne connaissait pas il y a peu d'heures, et, suivi de ses troupeaux, elle est conduite dans la maison qui va être la sienne, et où l'attendent les devoirs sur lesquels elle n'a pas eu le temps de méditer.
Souvent, dès la première entrevue, le pouvoir du mari se fait sentir, et quelquefois, à la foire même, il éclate des rixes sanglantes entre les montagnards. Le gouvernement hongrois cherche depuis long-temps les moyens de supprimer cette foire; mais une défense contrarierait trop les anciennes coutumes, et même les besoins de la peuplade pastorale de Bihar, pour qu'elle pût être efficace. Aussi la foire continue-t-elle. On s'y marie, on s'y enivre, on s'y bat; et pourtant tous les Valaques du pays soutiennent que c'est une fête superbe.
Le Magasin Universel, 1834-1835.
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