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vendredi 5 septembre 2014

Les personnages des atellanes.

Les personnages des atellanes.

La riche collection de terres cuites antiques du marquis Campana, qui est entrée en 1862 au Musée du Louvre, renferme une figurine représentant Maccus, le Polichinelle de la farce latine, de l'ancienne atellane, plus exactement qu'aucune des peintures et sculptures où on l'avait cru reconnaître jusqu'à présent.



On sait que ce genre de comédie, né aux champs, où il devait retourner après une brillante carrière, pour s'y perpétuer et reparaître dans la littérature italienne moderne (il y vit encore sous le nom de commedia dell' arte), l'atellane, a eu de toute antiquité ses types aux traits fortement accusés, toujours les mêmes, représentant au vif les vices et les ridicules populaires. Chacun reconnaissait, aussitôt qu'ils apparaissaient sur la scène, Maccus ou Bucco, Pappus ou Dossemus, de même qu'on reconnaît encore aujourd'hui Polichinelle, Arlequin ou Cassandre.
Il est impossible de n'être pas frappé de la ressemblance de la statuette que reproduit notre gravure avec le portrait que font d'anciens écrivains du personnage de Maccus: la tête entièrement nue, de grandes oreilles, un nez démesuré incliné vers le menton; son visage grimace sans cesse; il est épais, porte une double bosse, et a la physionomie d'un sot gourmand, ivrogne et débauché, qui pour satisfaire ses appétits grossiers s'embarque dans de méchantes aventures où il ne recueille que des coups.
Bucco, comme son nom l'indique, est un glouton; bavard et effronté menteur, il tend tout son effort à attraper un bon souper. Pappus est le vieillard jaloux et avare, défiant et crédule à la fois, toujours dupé par ceux qui en veulent à son honneur ou à son argent. Le nom de Dossennus indique assez clairement le dos proéminent; c'est le docteur de la comédie italienne, qui en impose aux bonnes gens par son prétendu savoir, et leur fait payer très-cher ses drogues ou ses formules magiques.
Tous les personnages des atellanes ne nous sont pas aussi bien connus. Il y avait aussi le Manducus, ou Mangeur, sorte de Croquemitaine, qui ouvrait la bouche en faisant claquer ses dents, comme s'il voulait avaler les spectateurs; et l'effrayante Lamia, ogresse qui dévorait les petits enfants; d'autres encore dont on ne peut se faire qu'une idée bien insuffisante en recueillant quelques traits épars dans les écrivains de l'antiquité. Pour mieux connaître la composition de la troupe comique qui égayait déjà les Romains de la république et de l'empire, il est peut être un moyen plus sûr que de consulter les ouvrages des rhéteurs qui ont écrit sur le théâtre antique: c'est d'entrer, si l'on parcourt l'Italie, dans les baraques ou dans les granges où Polichinelle, le Docteur et Pantalon jouent leur rôle. C'est là que s'est réfugiée la comédie populaire quand elle eut passé de mode à la cour et à la ville. Là elle n'a jamais cessée d'être goûtée, et ses acteurs ont à peine modifié leur physionomie première; ils n'ont fait, pour ainsi dire, que changer de costume.

Magasin Pittoresque, 1870.

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