Les livres d'images
avant la découverte de l'imprimerie.
avant la découverte de l'imprimerie.
Les bibliographes ne s'occupent guère des travaux qui ont précédé l'invention de la typographie qu'au point de vue de l'impression des textes: presque tous négligent l'étude de l'ornementation. Cette dernière partie a cependant quelque importance, car le grand nombre d'images que l'on trouve dans ces premiers essais leur donne le caractère de véritables livres illustrés.
Ces recueils sont les premiers livres ornés de vignettes imprimées; mais il y avait déjà bien longtemps que l'on décorait les livres manuscrits avec des frontispices, des encadrements et des enluminures, et ce n'est pas sans raison que les bénédictins en font remonter l'usage très-haut. Les lettres ornées employées pour les titres d'ouvrages et pour les divisions principales recevaient les formes les plus bizarres et les plus variées.
Au moyen âge, les manuscrits, ornés presque à chaque page de miniatures, d'encadrements, de lettres bizarres, d'armoiries, étaient vendus à des prix élevés: il était naturel que l'on se fit une étude de trouver des moyens de décoration plus expéditifs et moins dispendieux. Il paraît certain que, longtemps avant l'invention de la typographie, on connut et l'on employa l'impression "humide" avec des encres de différentes couleurs. Les enlumineurs et décorateurs de livres imprimaient au moyen de patrons découpés dans des lames de métal. Les copistes s'en servirent d'abord pour les lettres capitales, si chargés d'ornements dans la plupart des manuscrits. Ils en firent ensuite usage pour les lettres minuscules et composèrent ainsi des livres entiers, principalement des livres de plain-chant.
Ces moyens étaient encore bien insuffisants. Vers le commencement du quinzième siècle, les moules de bois, imaginés pour la fabrication des cartes à jouer, amenèrent la découverte de la gravure sur bois (1390-1430) cette invention fit pousser des cris de désespoir aux amateurs exclusifs de l'art; car les miniatures et les lettres ornées, enluminées à la main, avec l'or, l'argent, l'écarlate et l'azur étaient menacées de bientôt disparaître. La lecture allait devenir accessible à un plus grand nombre de personnes; mais peu importait à ces amateurs de calligraphie. Ils ne pouvaient s'empêcher de regretter cet art luxueux, dont le goût était si grand que les premiers livres imprimés en Allemagne, en Italie et en France, étaient souvent nus et sans ornements, c'est à dire sans première page, sans tête de chapitre ni grandes lettres; on les laissait en blanc pour les faire à la main ou en miniature, afin que, par ce moyen, ces livres passassent toujours pour des manuscrits. Pourtant, malgré ces précautions, les prévisions des amateurs de calligraphie, se réalisèrent; car, à partir de l'invention de l'imprimerie et de la gravure, le goût des manuscrits ne fit que décroître.
Les moules qui avaient conduit à l'invention de la gravure sur bois consistaient en des blocs de bois dans lesquels on taillait en relief les figures que l'on voulait reproduire. ce procédé a trop d'analogie avec la sculpture, connue depuis un temps immémorial, pour qu'il y ait aucune difficulté à passer de l'un à l'autre. Les tailleurs de moules ou graveurs sur bois taillèrent d'abord des images de saints, qui, dispersées et perdues parmi les laïques, furent recueillies par les moines et placées dans des livres que possédaient les couvents. Après les figures de saints, les graveurs firent des sujets historiques accompagnées de légendes et d'explications, et enfin, ils donnèrent des textes entiers qui, ainsi que les images, étaient gravés sur des tables de bois. Ce sont ces recueils qu'on a appelés livres d'images ou livres xylographiques.
Ils ont été le point intermédiaire ente la calligraphie et la typographie. L'imprimerie xylographique était un moyen ingénieux, mais insuffisant: aussi, dès que les types fondus furent inventés, elle disparut peu à peu. Née au commencement du quinzième siècle, elle finit pour ainsi dire avec lui. Ces livres étaient des ouvrages populaires destinés aux hommes peu lettrés, qui comprenaient mieux les images jointes au texte que le texte lui-même. Auteurs et imprimeurs, travaillant pour la foule, ne mettaient aucun luxe dans leurs travaux: on n'y voyait jamais de miniatures enluminées; on y employait, non pas le vélin, mais un papier mou, jaunâtre et d'une qualité commune. C'était à proprement parler de l'art à bon marché: aussi les savants du seizième siècle estimaient peu ces productions dont ils ne parlaient presque jamais.
De tous les livres xylographiques qui nous restent, celui qui est le plus connu et qui a été décrit avec le plus de soin et d'exactitude, est certainement le livre intitulé: Figuræ typicæ veteris atque anturypicæ Novi Testamenti. Ce petit un-folio est connu en Allemagne sous le nom de Bible des pauvres, parce qu'il était destiné à ceux qui n'étaient pas en état de payer un manuscrit de l'Ecriture sainte.
Il y a quarante feuillets imprimés d'un seul côté; dans beaucoup d'exemplaires on a collé les blancs l'un sur l'autre. Chaque planche contient quatre bustes, deux en haut et deux en bas, et trois sujets historiques. Celui du milieu est le type, et les deux autres qui font allusion à celui-ci, sont les antitypes. Ces gravures, faites dans le goût lourd et gothique des premiers peintres et dessinateurs allemands, sont expliqués par des vers latins rimés, placés soit en haut, soit bas, soit au milieu; ou même quelquefois sur des rouleaux, suivant l'ancienne manière de faire parler les figures. Dans quelques exemplaires, la dernière page est marquée des armes du graveur; malgré ces signes l'artiste est resté inconnu.
Traduite en allemand et imprimée sur tables de bois, comme l'édition latine, cette Bible a eu cinq éditions différentes, décrites avec grand soin par Heinecken, qui s'est beaucoup occupé des livres d'images.
On trouve la même rudesse de dessin et de gravure dans les images du livre qui a pour titre, Historia C. Joannis evangelistæ ejusque visiones apocalypticæ; pourtant on y voit plus de naïveté et d'expression, et Heinecken incline, pour ce motif, à placer l'Apocalypse après la Bible. Ce petit in-folio de 48 pages a eu six éditions, qui sont toutes sans indicateur d'auteur, de graveur ni d'imprimeur. Quelques unes ont été attribuées à Laurent Coster, le prétendu inventeur des lettres mobiles de bois; c'est une erreur, et si Coster a gravé les terres des légendes, il n'a pas gravé les images, qui sont évidemment d'un artiste plus gothique.
Ces deux recueils sont dans toutes les grandes bibliothèques de l'Europe; mais on trouve à la Bibliothèque nationale un livre unique, dont elle possède les deux seuls exemplaires. Ce livre, qui n'a été décrit par aucune bibliographie, ni cité par aucun auteur, renferme de courtes méditations sur la vue de Jésus, des prières à Dieu le père et à Marie, le tout accompagné de nombreuses gravures. C'est un in-16 de de trente-deux feuillets, dont les figures sont d'une beauté plus que douteuse.
Comme les trois ouvrages précédents, les livres xylographiques, tel que le Speculum humanæ salvationis, l'Ars moriendi, la Chiromanie du docteur Spartlick, etc., ne dépassent pas cinquante ou soixante feuillets, et le texte y joue un rôle fort modeste. Il n'en est pas de même des Mirabilis Romæ. Ce livre, qui est une espèce d'itinéraire à l'usage des chrétiens d'Allemagne allant visiter la ville de Rome, est curieux par le nombre de ses feuillets. Il forme un volume in-8 de 180 pages, chiffre qui, en raison des difficultés de l'impression xylographique, est remarquable.
Les fac-simile que nous donnons témoignent des efforts des cinquante premières années du quinzième siècle pour s'affranchir de la lenteur des copistes. Le procédé était certainement bien incomplet et insuffisant, mais il ne faut pas oublier que de ces naïfs tâtonnements devait bientôt sortir la typographie, c'est à dire l'un des agents les plus actifs de la civilisation.
Magasin Pittoresque, 1851.
Ces recueils sont les premiers livres ornés de vignettes imprimées; mais il y avait déjà bien longtemps que l'on décorait les livres manuscrits avec des frontispices, des encadrements et des enluminures, et ce n'est pas sans raison que les bénédictins en font remonter l'usage très-haut. Les lettres ornées employées pour les titres d'ouvrages et pour les divisions principales recevaient les formes les plus bizarres et les plus variées.
Au moyen âge, les manuscrits, ornés presque à chaque page de miniatures, d'encadrements, de lettres bizarres, d'armoiries, étaient vendus à des prix élevés: il était naturel que l'on se fit une étude de trouver des moyens de décoration plus expéditifs et moins dispendieux. Il paraît certain que, longtemps avant l'invention de la typographie, on connut et l'on employa l'impression "humide" avec des encres de différentes couleurs. Les enlumineurs et décorateurs de livres imprimaient au moyen de patrons découpés dans des lames de métal. Les copistes s'en servirent d'abord pour les lettres capitales, si chargés d'ornements dans la plupart des manuscrits. Ils en firent ensuite usage pour les lettres minuscules et composèrent ainsi des livres entiers, principalement des livres de plain-chant.
Ces moyens étaient encore bien insuffisants. Vers le commencement du quinzième siècle, les moules de bois, imaginés pour la fabrication des cartes à jouer, amenèrent la découverte de la gravure sur bois (1390-1430) cette invention fit pousser des cris de désespoir aux amateurs exclusifs de l'art; car les miniatures et les lettres ornées, enluminées à la main, avec l'or, l'argent, l'écarlate et l'azur étaient menacées de bientôt disparaître. La lecture allait devenir accessible à un plus grand nombre de personnes; mais peu importait à ces amateurs de calligraphie. Ils ne pouvaient s'empêcher de regretter cet art luxueux, dont le goût était si grand que les premiers livres imprimés en Allemagne, en Italie et en France, étaient souvent nus et sans ornements, c'est à dire sans première page, sans tête de chapitre ni grandes lettres; on les laissait en blanc pour les faire à la main ou en miniature, afin que, par ce moyen, ces livres passassent toujours pour des manuscrits. Pourtant, malgré ces précautions, les prévisions des amateurs de calligraphie, se réalisèrent; car, à partir de l'invention de l'imprimerie et de la gravure, le goût des manuscrits ne fit que décroître.
Les moules qui avaient conduit à l'invention de la gravure sur bois consistaient en des blocs de bois dans lesquels on taillait en relief les figures que l'on voulait reproduire. ce procédé a trop d'analogie avec la sculpture, connue depuis un temps immémorial, pour qu'il y ait aucune difficulté à passer de l'un à l'autre. Les tailleurs de moules ou graveurs sur bois taillèrent d'abord des images de saints, qui, dispersées et perdues parmi les laïques, furent recueillies par les moines et placées dans des livres que possédaient les couvents. Après les figures de saints, les graveurs firent des sujets historiques accompagnées de légendes et d'explications, et enfin, ils donnèrent des textes entiers qui, ainsi que les images, étaient gravés sur des tables de bois. Ce sont ces recueils qu'on a appelés livres d'images ou livres xylographiques.
Ils ont été le point intermédiaire ente la calligraphie et la typographie. L'imprimerie xylographique était un moyen ingénieux, mais insuffisant: aussi, dès que les types fondus furent inventés, elle disparut peu à peu. Née au commencement du quinzième siècle, elle finit pour ainsi dire avec lui. Ces livres étaient des ouvrages populaires destinés aux hommes peu lettrés, qui comprenaient mieux les images jointes au texte que le texte lui-même. Auteurs et imprimeurs, travaillant pour la foule, ne mettaient aucun luxe dans leurs travaux: on n'y voyait jamais de miniatures enluminées; on y employait, non pas le vélin, mais un papier mou, jaunâtre et d'une qualité commune. C'était à proprement parler de l'art à bon marché: aussi les savants du seizième siècle estimaient peu ces productions dont ils ne parlaient presque jamais.
De tous les livres xylographiques qui nous restent, celui qui est le plus connu et qui a été décrit avec le plus de soin et d'exactitude, est certainement le livre intitulé: Figuræ typicæ veteris atque anturypicæ Novi Testamenti. Ce petit un-folio est connu en Allemagne sous le nom de Bible des pauvres, parce qu'il était destiné à ceux qui n'étaient pas en état de payer un manuscrit de l'Ecriture sainte.
Il y a quarante feuillets imprimés d'un seul côté; dans beaucoup d'exemplaires on a collé les blancs l'un sur l'autre. Chaque planche contient quatre bustes, deux en haut et deux en bas, et trois sujets historiques. Celui du milieu est le type, et les deux autres qui font allusion à celui-ci, sont les antitypes. Ces gravures, faites dans le goût lourd et gothique des premiers peintres et dessinateurs allemands, sont expliqués par des vers latins rimés, placés soit en haut, soit bas, soit au milieu; ou même quelquefois sur des rouleaux, suivant l'ancienne manière de faire parler les figures. Dans quelques exemplaires, la dernière page est marquée des armes du graveur; malgré ces signes l'artiste est resté inconnu.
Traduite en allemand et imprimée sur tables de bois, comme l'édition latine, cette Bible a eu cinq éditions différentes, décrites avec grand soin par Heinecken, qui s'est beaucoup occupé des livres d'images.
On trouve la même rudesse de dessin et de gravure dans les images du livre qui a pour titre, Historia C. Joannis evangelistæ ejusque visiones apocalypticæ; pourtant on y voit plus de naïveté et d'expression, et Heinecken incline, pour ce motif, à placer l'Apocalypse après la Bible. Ce petit in-folio de 48 pages a eu six éditions, qui sont toutes sans indicateur d'auteur, de graveur ni d'imprimeur. Quelques unes ont été attribuées à Laurent Coster, le prétendu inventeur des lettres mobiles de bois; c'est une erreur, et si Coster a gravé les terres des légendes, il n'a pas gravé les images, qui sont évidemment d'un artiste plus gothique.
Ces deux recueils sont dans toutes les grandes bibliothèques de l'Europe; mais on trouve à la Bibliothèque nationale un livre unique, dont elle possède les deux seuls exemplaires. Ce livre, qui n'a été décrit par aucune bibliographie, ni cité par aucun auteur, renferme de courtes méditations sur la vue de Jésus, des prières à Dieu le père et à Marie, le tout accompagné de nombreuses gravures. C'est un in-16 de de trente-deux feuillets, dont les figures sont d'une beauté plus que douteuse.
Comme les trois ouvrages précédents, les livres xylographiques, tel que le Speculum humanæ salvationis, l'Ars moriendi, la Chiromanie du docteur Spartlick, etc., ne dépassent pas cinquante ou soixante feuillets, et le texte y joue un rôle fort modeste. Il n'en est pas de même des Mirabilis Romæ. Ce livre, qui est une espèce d'itinéraire à l'usage des chrétiens d'Allemagne allant visiter la ville de Rome, est curieux par le nombre de ses feuillets. Il forme un volume in-8 de 180 pages, chiffre qui, en raison des difficultés de l'impression xylographique, est remarquable.
Les fac-simile que nous donnons témoignent des efforts des cinquante premières années du quinzième siècle pour s'affranchir de la lenteur des copistes. Le procédé était certainement bien incomplet et insuffisant, mais il ne faut pas oublier que de ces naïfs tâtonnements devait bientôt sortir la typographie, c'est à dire l'un des agents les plus actifs de la civilisation.
Magasin Pittoresque, 1851.
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