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mardi 23 septembre 2014

Complication de la législation en Angleterre.

Complication de la législation en Angleterre.


L'Angleterre est régie par deux lois, la loi commune et la loi écrite ou l'ensemble de statuts; la première se compose des diverses coutumes et des précédens, c'est à dire des arrêts rendus par les différentes cours: c'est un monument des contradictions de tous les siècles; ces précédens sont religieusement observés. La loi écrite se compose de tous les édits du roi et des parlemens; il n'est pas d'avocat, pas de jurisconsulte qui ose se vanter de connaître la loi écrite. 
"La loi commune, disait un chancelier, je puis m'en tirer assez bien; quant à la loi écrite, je défie que qui que ce soit la connaisse." En effet, quel est l'homme qui peut dire qu'il connaît par cœur le contenu de 59 volumes in-4° de 1.500 pages, où se trouve consigné le texte de ces statuts?" M. Wade dit qu'il existe une petite compilation de poche des lois anglaises, qui comprend 20 volumes in-folio. On dit que la connaissance de ces 20 volumes est indispensable à l'homme de loi. Terme moyen, depuis vingt-huit ans, le parlement a voté chaque année 140 bills, qui sont devenus lois de l'état; les actes publics comprennent au moins 100 volumes in-folio.
Peu de gens connaissent ce qui est loi et ce qui ne l'est plus; souvent un acte a été rapporté sans que pour cela le premier ne cesse d'être appliqué; celui qui est intéressé à cette application n'a qu'à présenter le statut, c'est à son adversaire de prouver que ce statut a été rapporté, et les juges eux-mêmes reculent devant une telle tâche. Dans une occasion solennelle, les douze juges examinant une loi, avaient omis deux vieux statuts dont ils ignoraient l'existence.
La partie écrite de la loi commune, c'est à dire les reports of cases, ou jugemens rendus, consiste déjà en 280 volumes in-folio; chaque année il s'en publie 8 volumes nouveaux.
Il y a environ 987 actes relatifs à la laine, 290 sur les métaux précieux, 460 sur le tabac, 970 sur les prêcheries. Les lois du moyen-âge qui permettent de fouetter, de marquer au front, etc., sont encore lois du pays; il y a une douzaine de lois pour la manière d'emballer le beurre. De temps en temps, on change, on altère, on consolide ces statuts; alors se commettent les erreurs les plus étranges. Un jour, il s'agissait de changer une loi qui imposait la transportation et l'amende pour certain crime; le statut disait: "Sera condamné à la déportation pour quatorze ans et à une amende dont la moitié sera pour le roi." On voulait ôter l'amende de la loi, mais comme on se résout avec peine en Angleterre à détruire un vieux monument, on se contenta d'amender le statut, on retrancha les mots "et à une amende", de sorte qu'à la prochaine occasion, le coupable eût été condamné à quatorze ans de déportation, dont la moitié pour le roi.
Les lois de finances ne sont pas les moins nombreuses; il y a cent quarante statuts qui concernent les esprits.
Pour l'intelligence de ces lois, on conçoit que ce n'est pas trop de dix mille personnes à Londres, et de douze à quatorze mille dans la province. Il y a , à Londres, neuf cours supérieures, quatre cours ecclésiastiques, vingt cours pour le recouvrement des petites dettes, outre les cours d'oyer et terminer, les cours de fermiers, les petites cours de police, et d'autres encore. Il y a en outre les juges de paix, justice of the peace, qui jouissent d'un pouvoir presque illimité, les shériffs et les juges.
C'est un excellent métier que celui d'avocat en Angleterre; sir Samuel Romilly avait un cabinet qui lui rapportait 400.000 francs par an.
Les salaires des juges et autres magistrats sont proportionnés à ces bénéfices; ils varient, en y comptant les honoraires qu'ils reçoivent sous le nom de fées et d'allowance, de 100.000 à 400.000 francs par an (1). Les dépenses qu'occasionnent un procès, sont si élevées qu'elles devraient dégoûter tout plaideur.
La coutume est loin d'être uniforme dans toutes les parties de l'Angleterre; elle diffère de comté à comté, de ville à ville, souvent de manoir à manoir, de famille à famille; ainsi, dans le Middlesex, c'est le fils aîné qui hérite de la fortune de son père; à quelques pas de là, de l'autre côté de la Tamise, dans le Kent, la fortune est divisée en portions égales entre tous les enfans; dans une autre partie de l'ouest, c'est le plus jeune des enfans qui hérite de la propriété foncière.
Il est certaines propriétés dont on ne peux pas disposer par testament. Dans certains manoirs, un don par testament n'est pas valide, s'il est fait plus de deux ans avant la mort du testateur; dans d'autres lieux, c'est un an; en d'autres encore le temps est de trois ans; enfin il est certains lieux où il n'est pas question d'une telle restriction.
Dans certains manoirs, la fille aînée hérite, à l'exclusion de ses sœurs; en d'autres, elles restent toutes propriétaires indivis? Dans ce manoir, l'usage veut qu'une veuve ait pour domaine un tiers de la propriété; dans cet autre que ce soit la moitié; et ailleurs elle est usufruitière pendant sa vie, à l'exclusion de l'héritier.
A Londres, à Bristol, les créanciers peuvent saisir les sommes dues à leur débiteur; dans le reste de l'Angleterre, les débiteurs sont insaisissables.
Toutes ces coutumes différentes se perpétuent avec les propriétés foncières sur lesquelles elles sont assises.

(1) Le salaire du lord chancelier n'est que de 100.000 fr.; ses fées s'élèvent en outre de 4 à 600.000 fr.

Le Magasin Universel, 1834-1835.

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