La kermesse aux enfants
à Amsterdam.
à Amsterdam.
C'est la joyeuse kermesse des enfants, le jour des bruyantes réjouissances, la réalisation du rêve de toute l'année.
Aussi, voyez avec quelle ardeur les bambins essayent tambours et trompettes! C'est à qui battra le plus fort la peau d'âne tendue sur le vide, à qui soufflera de toute l'énergie de ses jeunes poumons dans le tube sonore. Un troisième agite vigoureusement une crécelle, tandis qu'un jeune apprenti novice s'essaye dans l'ombre à manier baguettes et tambour; mais le roi de la fête, le chef, est l'heureux possesseur du chapeau à trois cornes orné de banderoles de papier doré; il marche en tête de la bande, tout fier de ses oripeaux. C'est celui qu'on suit avec enthousiasme, celui qu'on admire, bouche béante, le gentil petit public composé d'un garçonnet et de sa petite sœur. Ils n'ont pas assez d'yeux pour contempler cette troupe bigarrée, la grosse caisse, les képis, les drapeaux flottants, tout ce merveilleux attirail guerrier.
Quoi! dans la tranquille Hollande, aux eaux dormantes, aux gras pâturages, aux physionomies placides, l'enfance a des goûts si belliqueux? Cela surprend au premier abord. Mais, quel que soit le sol qui l'a vu naître, l'homme est toujours homme: partout il aime le clinquant et le bruit, surtout le bruit qu'il fait. Il veut être regardé, acclamé. Est-ce dire que tout est vanité dans cet insatiable besoin d'attirer l'attention? Est-ce une ambition creuse que cet amour du son que nous renvoient les échos? Je crois qu'il y a mieux que cela. Donnée par le Créateur, toute tendance humaine doit avoir un but nécessaire, utile. Cherchons-le, au lieu de nous hâter de blâmer. Pour moi, il me semble y voir un appel à la sympathie des masses: si elles la refusent au conquérant qui, pour arriver au sommet, se fait des échelons de cadavres et de ruines, elles la donnent tout entière à l'orateur qui consacre son éloquence au triomphe de la justice; au savant qui, découvrant des forces inconnues, double la puissance de l'homme, et lui asservit la matière; à l'écrivain qui s'empare des âmes pour les élever au-dessus des mesquins intérêts de chaque jour; au peintre dont les vives et admiratives facultés s'épanouissent sur la toile, et nous associent aux jouissances de l'observation.
Il se trouve peut être un futur Grotius, un Ruysdaël, un Rubens, parmi ces enfants qui qu'enivre aujourd'hui le bruit des tambours et des trompettes. Laissons les heureux! A demain les études, les graves pensées, les soucis. Notons, à l'honneur de nos amateurs de kermesse, qu'on ne voit pas figurer un seul fusil dans leur parade militaire.
Magasin Pittoresque, 1851.
Aussi, voyez avec quelle ardeur les bambins essayent tambours et trompettes! C'est à qui battra le plus fort la peau d'âne tendue sur le vide, à qui soufflera de toute l'énergie de ses jeunes poumons dans le tube sonore. Un troisième agite vigoureusement une crécelle, tandis qu'un jeune apprenti novice s'essaye dans l'ombre à manier baguettes et tambour; mais le roi de la fête, le chef, est l'heureux possesseur du chapeau à trois cornes orné de banderoles de papier doré; il marche en tête de la bande, tout fier de ses oripeaux. C'est celui qu'on suit avec enthousiasme, celui qu'on admire, bouche béante, le gentil petit public composé d'un garçonnet et de sa petite sœur. Ils n'ont pas assez d'yeux pour contempler cette troupe bigarrée, la grosse caisse, les képis, les drapeaux flottants, tout ce merveilleux attirail guerrier.
Quoi! dans la tranquille Hollande, aux eaux dormantes, aux gras pâturages, aux physionomies placides, l'enfance a des goûts si belliqueux? Cela surprend au premier abord. Mais, quel que soit le sol qui l'a vu naître, l'homme est toujours homme: partout il aime le clinquant et le bruit, surtout le bruit qu'il fait. Il veut être regardé, acclamé. Est-ce dire que tout est vanité dans cet insatiable besoin d'attirer l'attention? Est-ce une ambition creuse que cet amour du son que nous renvoient les échos? Je crois qu'il y a mieux que cela. Donnée par le Créateur, toute tendance humaine doit avoir un but nécessaire, utile. Cherchons-le, au lieu de nous hâter de blâmer. Pour moi, il me semble y voir un appel à la sympathie des masses: si elles la refusent au conquérant qui, pour arriver au sommet, se fait des échelons de cadavres et de ruines, elles la donnent tout entière à l'orateur qui consacre son éloquence au triomphe de la justice; au savant qui, découvrant des forces inconnues, double la puissance de l'homme, et lui asservit la matière; à l'écrivain qui s'empare des âmes pour les élever au-dessus des mesquins intérêts de chaque jour; au peintre dont les vives et admiratives facultés s'épanouissent sur la toile, et nous associent aux jouissances de l'observation.
Il se trouve peut être un futur Grotius, un Ruysdaël, un Rubens, parmi ces enfants qui qu'enivre aujourd'hui le bruit des tambours et des trompettes. Laissons les heureux! A demain les études, les graves pensées, les soucis. Notons, à l'honneur de nos amateurs de kermesse, qu'on ne voit pas figurer un seul fusil dans leur parade militaire.
Magasin Pittoresque, 1851.
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