Chronique.
Un Turc, avec son flegme oriental, avait assisté au bal de l'Opéra sans bien comprendre ce qui se passait là; la ronde finale, dans laquelle l'archet de Strauss soulève une bande de danseurs frénétiques et enragés, l'avait étonné plus que le reste, mais sans rien lui expliquer de ces mystères de l'Occident. Peu après, le Turc avait assisté à la messe du mercredi des cendres, à Notre-Dame, et, en bon musulman, n'avait pas pu non plus comprendre au juste le sens de cette cérémonie.
Après avoir passé l'hiver à Paris, le Turc est reparti pour Constantinople; et, dans l'hôtel qu'il occupait, on a trouvé dans des papiers, sur lesquels il écrivait ses observations de voyage, la note suivante:
"A certains jours de l'année, les Français deviennent fous; un peu de cendre qu'on leur met sur la tête les guérit."
Ce temps de recueillement du Carême, où tout le monde quitte le bal pour aller à l'église, nous rappelle l'expédient dont vient d'user un bon curé pour redoubler encore la ferveur de ses ouailles;
Le préfet d'un des départements du Midi se trouvait en tournée d'inspection chez ses administrés; il arriva dans la commune du curé Durand, à l'heure de la messe, et se rendit aussi à l'église sans avoir décliner ses qualités et comme un simple particulier.
L'assistance était fort nombreuse, ce que le préfet remarqua avec satisfaction, mais dont il fut un peu étonné, n'ayant pas vu autant de zèle pieux dans les autres communes.
A l'offertoire, il voit avec une nouvelle et plus grande surprise le vénérable curé se retourner, prendre un étui que lui tend le bedeau, en tirer une flûte, et se mettre à jouer de cet instrument d'une manière fort remarquable; puis, le morceau joué avec ses variations, l'officiant se remet au service divin.
A la sortie de l'église:
- Monsieur le curé, demande le préfet, d'où vient, je vous prie, ce solo de flûte que vous avez si agréablement fait entendre? Est-ce là quelque coutume particulière pour le saint qu'on fête aujourd'hui?
- Non, monsieur, répond le pasteur, c'est un usage amené par moi seul. Au commencement de mon séjour dans ce village, je m'aperçus qu'on y célébrait peu le dimanche... personne à l'église!... J'en étais réduit à dire la messe pour moi seul et le bedeau. Mais, un jour que je jouais de la flûte au presbytère, je vis les habitants accourir en foule et s'amasser autour de la maison pour m'entendre. Le lendemain, ce fut encore la même chose.
"Mes amis, dis-je à ces braves gens, puisque la musique vous plait, venez tous les dimanches à l'église, et je vous promets de vous jouer un petit air."
J'ai tenu ma parole. Et vous voyez, monsieur le préfet, que maintenant la maison du bon Dieu est pleine de fidèles.
Telle fut l'explication du solo de flûte.
Il y a encore un mot de l'abbé Durand qui montre les ressources de son esprit.
Un jeune garçon du pays, que son père avait eu l'étrange idée d'appeler Fabius, vint un jour dire au curé qu'il était fort en peine pour trouver le jour de sa fête. Il ne doutait pas qu'il n'y eût un saint Fabius au ciel, puisque ses parents l'avaient nommé ainsi, mais il lui était impossible de le trouver dans le calendrier. Le curé n'en savait pas plus que son paroissien sur ce saint-là, mais il songea à un expédient infaillible.
- Mon garçon, dit-il, prenez pour votre fête le jour de la Toussaint, et vous êtes bien sur que votre patron se trouvera dans la bande.
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A paris, on a toujours à déplorer force suicides et force attentats contre la bourse des gens et leur personne. Nous citerons seulement les genres de vols récemment inventés, afin de tenir le public en garde contre ceux qui les pratiquent.
Il y a quelque jours, la comtesse de Kératry, domiciliée quai Voltaire, se fit apporter un bain de l'établissement voisin. Une heure après, un individu se présente pour reprendre la baignoire; tandis que la femme de chambre va chercher le prix du bain, il s'empare d'un déjeuner, tasse, soucoupe et cuiller en argent, et disparaît.
Il va de là dans une autre maison, où, ne trouvant rien qui lui convienne mieux, il prend seulement le prix du bain.
Mais le soir, à la barrière Mont-Parnasse, le brave homme, après avoir fait bombance et dissipé l'argent provenant d'un prêt effectué par lui au mont-de-piété, se trouve manquer de cinq francs pour solder sa dépense. Il emprunte la pièce blanche à quelqu'un de sa connaissance, en laissant en garantie la reconnaissance du mont-de-piété.
Mais on va aux informations, et cette tasse en argent, avec chiffre et armoiries, ne paraît guère appartenir au mobilier de cet homme.
Vérification faite, on arrête l'individu, nommé D..., qui, depuis un an, exerce avec succès, dans Paris, ce vol à la baignoire.
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Nous empruntons au Journal des Landes cette nouvelle indication sur la comète:
On dit qu'un bel astre s'élance
Du fond du grand firmament bleu,
Déployant dans un cercle immense
Une vaste robe de feu.
Mortels, pourquoi vous mettre en peine?
Cette planète se promène,
Depuis que Dieu créa le jour,
Dans l'infini de son domaine.
Sans danger pour l'espèce humaine,
Mille fois elle a fait le tour
De notre terrestre séjour.
Si cette comète argentine
Paraît plus grosse à son retour,
C'est qu'elle a voulu, j'imagine,
Se mettre à la mode du jour:
Elle revient en crinoline!
Paul de Couder.
Journal du Dimanche, 22 mars 1857.
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