L'archiduc Rodolphe.
Le prince héritier d'Autriche-Hongrie, l'archiduc Rodolphe, vient de mourir d'une façon tragique à Meyerling. Cette mort qui a été longuement commentée est l'événement le plus important de ces derniers temps, et déjà les circonstances qui l'ont accompagnée prennent le caractère de la légende.
Et de fait, on dirait qu'une fatalité pèse sur la maison de Habsbourg: rarement, le fils succède au père et les héritiers au trône se recrutent presque toujours parmi les collatéraux. L'archiduc Rodolphe meurt sans enfants mâles; la couronne impériale passera donc à l'archiduc Charles-Louis, frère de l'empereur ou à son fils.
Le prince impérial n'avait que trente et un ans, étant né en 1858; Feld-Maréchal depuis cinq ans, il partageait sa vie entre les devoirs de sa charge, ses voyages et ses travaux littéraires.
Il n'avait pas, à proprement parler, de vie politique; il souffrait des tendances séparatistes qui s'accentuent chaque jour de plus en plus dans le grand empire austro-hongrois, composé d'éléments si disparates, aux intérêts divergents, et son attitude presque hostile vis-à-vis de l'empereur d'Allemagne, lors de sa récente visite à Vienne, avait vivement frappé son entourage.
Mais ce n'est pas à ce point de vue que je veux parler de l'archiduc; c'est bien plutôt de ses goûts littéraires. Le prince faisait exécuter sous sa direction un grand ouvrage, sorte d'encyclopédie des ressources de l'empire, et, pour mener à bien cette oeuvre considérable, il avait su s'entourer des hommes les plus éminents et des écrivains les plus distingués. Lui-même, laisse quelques livres, écrits tout entier de sa main, entr'autres, Mes Chasses, et la relation de son voyage en Orient, à travers l'Egypte, la Palestine, l'Asie-mineure et la Turquie où il fait preuve d'un réel talent de description.
L'archiduc Rodolphe, qui avait beaucoup vu et beaucoup retenu, était un causeur aimable, un conteur charmant; il avait même, paraît-il, des prétentions à l'éloquence et ne laissait passer aucune occasion de prendre la parole en public et notamment à l'ouverture et à la clôture des expositions qui, presque toutes, étaient placées sous son patronage.
Marié à la princesse Stéphanie, fille du roi des Belges, l'archiduc laisse une fille, la princesse Elisabeth.
X.
La petite Revue, premier semestre 1889.
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