La fabrication des monstres humains en Chine.
Les roulottiers, les "Bohémiens", comme on les appelle, ont, dans les campagnes de France, la peu enviable réputation de voler les enfants pour les dresser à l'acrobatie et aux exercices de cirque. Mais, si ingénieuse que soit leur imagination, ils n'ont jamais inventé, pour obtenir des phénomènes capable de rapporter des grosses recettes, les procédés d'une cruauté bien orientale qu'utilisent leurs confrères chinois. L'article que l'on va lire rapporte des faits absolument authentiques, observés par un savant voyageur, le docteur Macgowan.
Brûler à petit feu, écorcher vif, ce sont des tortures inventées par la haine politique ou religieuse. Les fabricants de monstres chinois, qui n'ont pas pour but de faire souffrir, usent de pratiques beaucoup plus effroyables et plus compliquées. Voici comment on procède pour transformer un homme en animal. La peau est enlevée successivement de toute la surface du corps par petite tranche et sur la plaie saignante on applique aussitôt une portion vive de peau d'animal. L'opération peut durer fort longtemps, car il faut compter avec la douleur excessive, avec l'inflammation; la peau n'est le plus souvent arrachée et transposée que par minuscules languettes et à d'assez logs intervalles.
Lorsque l'homme a entièrement changé de peau, est devenu un homme-chien, ou un homme-ours, une épouvantable bête, sans seconde dans la création, il s'agit de le rendre muet, aussi bien pour compléter l'illusion de la monstruosité que pour ôter à la victime tout moyen de faire connaître au public, qu'elle doit réjouir, l'histoire de ses longues tortures.
Lorsque l'homme a entièrement changé de peau, est devenu un homme-chien, ou un homme-ours, une épouvantable bête, sans seconde dans la création, il s'agit de le rendre muet, aussi bien pour compléter l'illusion de la monstruosité que pour ôter à la victime tout moyen de faire connaître au public, qu'elle doit réjouir, l'histoire de ses longues tortures.
Un journal chinois, le Hupao, a décrit l'aspect d'un homme ainsi transformé en animal. Tout son corps était couvert de poil de chien substitué à sa véritable peau. Il se tenait debout (quelque fois les pieds sont mutilés de sorte que la bête soit forcée de marcher à quatre pattes), pouvait prononcer des sons inarticulés, s'asseoir, se relever, se comporter comme un semblant d'homme raisonnable. Un mandarin, ayant entendu parler de cette homme-bête, donna l'ordre de l'amener à son palais, où sa peau velue et son apparence absolument bestiale causèrent autant de terreur que d'admiration. "Es-tu un homme?" demanda le mandarin à cet être extraordinaire, qui répondit par un signe de tête affirmatif. "Sais-tu écrire?", un nouveau signe de tête affirmatif fut encore la réponse. Mais quand on lui donna un pinceau il ne put s'en servir, ne sachant comment le prendre avec ses mains mutilées. Alors on répandit de la cendre sur le sol, et l'homme-chien, se baissant, y traça cinq caractères qui représentait son nom et son pays, la province de Chan-Tung. La suite de l'enquête révéla qu'il avait été volé, séquestré, soumis à de longues tortures. Son maître, condamné à la peine capitale, déclara au cours de l'interrogatoire, qu'à peine une victime sur cinq résistait à l'opération de changement de peau.
Les Chinois ont pour obtenir des monstres un second procédé d'une horreur différente, et peut être plus effrayante encore. Ils savent greffer un enfant sur un homme, poitrine contre poitrine. Le principe de l'opération est le même que pour l'adaptation d'une peau étrangère; il s'agit de mettre en contact par de larges écorchures les deux systèmes vasculaires et d'obtenir une sorte d'échange circulatoire entre les vaisseaux sanguins des deux êtres rapprochés. D'après une note du consul Cinatti, les Chinois seraient très habiles à obtenir de semblables soudures avec des animaux. Ils doivent se plaire, et c'est bien chinois, à produire des poules avec des pattes de canards et des canards à crêtes de coq. Ces facéties ne semblent pas absolument inconnues aux montreurs de curiosités qui courent nos foires.
La seule privation de lumière suffit, paraît-il, pour faire d'un enfant un monstre curieux, surtout si on a eu soin de le nourrir d'une façon particulière et de lui atrophier les cordes vocales. On fabrique ainsi un Bouddha vivant, que des bonzes montrent aux pieuses populations. Cet enfant, après de longues années passées dans une obscurité absolue, était devenu d'une parfaite blancheur de cire, presque de neige. On l'avait maintenu immobile dans la posture bien connue du Bouddha, on ne lui parlait jamais, il ignorait tout de la vie, devenu un végétal, un champignon dans une cave. Amenée au jour, cette statue de chair blafarde, muette, aux yeux clignotants, fut avidement vénérée par la foule.
A Shanghaï, quelque temps après l'ouverture du port, on exhibait un monstre dont la tête énorme, avec une longue tresse et de longues moustaches avait de vingt à trente ans et le corps à peine deux ou trois ans. Ceci est presque merveilleux; on avait obtenu ce résultat en maintenant l'enfant dans une jarre d'où seule dépassait la tête. Mais la tête avait pu grossir, même à l'excès, tandis que le reste du corps était comprimé dans son développement par les parois inflexibles de la jarre. Se figure-t-on l'opérateur chinois dans son laboratoire, donnant la becquée à une file de jarres à tête humaine rangée sur des planches comme des pots de fleurs? Quelle imagination européenne a jamais rêvé un aussi prodigieux jardinier!
Les voleurs d'enfants, nombreux en Chine, y sont particulièrement exécrés. La haine qu'ils inspirent au peuple a parfois atteint les missionnaires qui organisent des orphelinats. Pour comprendre le massacre d'un missionnaire, quand le commerçant est respecté, il faut peut être songer à l'homme qui fabrique des hommes-chiens et à celui qui cultive des magots dans des jarres.
J. Drexelus.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 8 mars 1903.
Les Chinois ont pour obtenir des monstres un second procédé d'une horreur différente, et peut être plus effrayante encore. Ils savent greffer un enfant sur un homme, poitrine contre poitrine. Le principe de l'opération est le même que pour l'adaptation d'une peau étrangère; il s'agit de mettre en contact par de larges écorchures les deux systèmes vasculaires et d'obtenir une sorte d'échange circulatoire entre les vaisseaux sanguins des deux êtres rapprochés. D'après une note du consul Cinatti, les Chinois seraient très habiles à obtenir de semblables soudures avec des animaux. Ils doivent se plaire, et c'est bien chinois, à produire des poules avec des pattes de canards et des canards à crêtes de coq. Ces facéties ne semblent pas absolument inconnues aux montreurs de curiosités qui courent nos foires.
La seule privation de lumière suffit, paraît-il, pour faire d'un enfant un monstre curieux, surtout si on a eu soin de le nourrir d'une façon particulière et de lui atrophier les cordes vocales. On fabrique ainsi un Bouddha vivant, que des bonzes montrent aux pieuses populations. Cet enfant, après de longues années passées dans une obscurité absolue, était devenu d'une parfaite blancheur de cire, presque de neige. On l'avait maintenu immobile dans la posture bien connue du Bouddha, on ne lui parlait jamais, il ignorait tout de la vie, devenu un végétal, un champignon dans une cave. Amenée au jour, cette statue de chair blafarde, muette, aux yeux clignotants, fut avidement vénérée par la foule.
A Shanghaï, quelque temps après l'ouverture du port, on exhibait un monstre dont la tête énorme, avec une longue tresse et de longues moustaches avait de vingt à trente ans et le corps à peine deux ou trois ans. Ceci est presque merveilleux; on avait obtenu ce résultat en maintenant l'enfant dans une jarre d'où seule dépassait la tête. Mais la tête avait pu grossir, même à l'excès, tandis que le reste du corps était comprimé dans son développement par les parois inflexibles de la jarre. Se figure-t-on l'opérateur chinois dans son laboratoire, donnant la becquée à une file de jarres à tête humaine rangée sur des planches comme des pots de fleurs? Quelle imagination européenne a jamais rêvé un aussi prodigieux jardinier!
Les voleurs d'enfants, nombreux en Chine, y sont particulièrement exécrés. La haine qu'ils inspirent au peuple a parfois atteint les missionnaires qui organisent des orphelinats. Pour comprendre le massacre d'un missionnaire, quand le commerçant est respecté, il faut peut être songer à l'homme qui fabrique des hommes-chiens et à celui qui cultive des magots dans des jarres.
J. Drexelus.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 8 mars 1903.
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