Les pirates annamites.
Le courrier de l'Extrême-Orient nous apporte les nouvelles suivantes de nos possessions de l'Indo-Chine:
Le 6 avril, le poste de Binh-Phu, province d'Hong-Yen, occupé par des gardes civils et des Linh-lé, a été attaqué par une bande de pirates dans des conditions assez étranges. Le poste est à deux pas d'un marché, si près qu'il est pour ainsi dire sous la main des habitants qui, d'un saut, peuvent envahir l'enceinte gardée. C'est ce qui est arrivé le 6 avril et voici le récit de cette aventure d'après l'Avenir du Tonkin.
Une cinquantaine de con-gaïs et de bagia, chargés de patates, de légumes de toutes sortes ont pris place au marché. Pendant les deux ou trois premières heures, elles se livrèrent à leur commerce, puis, insensiblement, se rapprochèrent du poste; l'une d'elle essaya de plaisanter avec un linh-lé de sentinelle, caressant son fusil, disant: cai-choum touttot, puis, tout à coup, saisit l'arme, pendant que les prétendues marchandes, qui n'étaient autres que des pirates parfaitement déguisés, s'élançaient dans le poste, revolver au poing. En un clin d’œil, sept fusils à piston et cinq carabines Gras étaient enlevés.
Le caï qui se trouvait dans sa chambre ne perdit pas la tête; il rallia les miliciens encore armés, commanda le feu; quatre pirates dont un chef restèrent sur le carreau; les autres prirent la fuite emportant les armes volées. Pendant la bagarre, cinq ou six personnes auraient été tuées sur le marché.
Les pirates tués laissaient entre les mains des miliciens deux revolvers d'ordonnance.
La petite garnison, n'étant plus en force, se retira à Luc-Dien, mais Binh-Phu fut réoccupé le soir même avec des renforts venus des postes voisins.
Les pirates retirés au village de Dong-Hao se sont dispersés vers minuit dans les environs.
Il est à remarquer que ce stratagème n'est pas nouveau; le doi-van, qui nous sert actuellement dans la province de Bac-Ninh, s'en est servi plus d'une fois pour surprendre des villages. Les Annamites mâles se déguisent si aisément en femmes qu'il faut s'en méfier dans les régions suspectes.
Journal des Voyages, dimanche 28 juillet 1889.
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