Chronique du 15 août 1858.
Les grands hommes sont sujets, comme les autres, aux petites misères de la vie. On le voit bien dans les observations suivantes que nous transmet M. Méry, et qu'il a prises, sans doute, sur lui-même.
Un des misères de la vie, c'est d'avoir de grandes moustaches et de manger de l'alose avec des petites arêtes dans un dîner de cérémonie. Vous sentez quelque chose qui glisse entre vos dents; vous ne pouvez vous en débarrasser avec la langue; vous y portez la main; vous tirez; c'est un poil de votre moustache; cela vous fait faire une horrible grimace et vous procure dans le nez un picotement qui vous fait éternuer scandaleusement dans votre assiette.
Un autre misère horrible, c'est de danser à une contredanse d'élégants des deux sexes, et de s'apercevoir que le cordon blanc de votre caleçon tombe sur votre bas de soie noire.
Une autre misère de la vie, c'est de jouer à la bouillotte avec quelqu'un qui ne ramasse pas les cartes, ou qui les met à sa droite au lieu de les mettre à sa gauche, ou qui ne sait pas quand il est carré, ou qui cause, ou qui dit à chaque coup: "Je gagne un franc cinquante", ou bien "Je perds sept livres dix sous". Un être pareil peut pousser l'homme aux deux actes les plus désespérés: celui de ne plus jouer, ou celui d'assassiner cet être.
Une autre misère, c'est d'être aimé d'une femme épistolaire et d'avoir une cheminée qui fume.
Une grande misère, c'est d'avoir un col de chemise trop empesé qui vous coupe le bord des oreilles.
Une très-grande misère, c'est de partir pour la campagne, d'être enrhumé du cerveau et d'oublier son mouchoir de poche.
Enfin, la plus grande de toutes les misères, c'est d'avoir un ami intime qui vous écrit: à M. Car, quand vous vous appelez Karr; à M. Gosselan, quand vous vous appelez Gozlan; à M. Soulier, quand vous vous appelez Soulié, et qui ajoute à la suscription: homme de lettres.
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On s'occupe en ce moment, dans le département de l'Ain, de la recherche d'un trésor, dont la découverte sera du plus haut intérêt.
A quelque distance de Bourg, se trouvent les ruines de l'ancienne chartreuse de Seillon, qui dépendait jadis de l'ordre de Saint-Bruno; elle était située près d'une vaste forêt.
L'un des religieux, qui avait quitté le monastère pendant la Révolution, mourut peu de temps après à Bourg. Il dit à la femme qui le veillait, qu'en fuyant du couvent, il avait enterré le trésor provenant des ornements de l'autel, dans un endroit de la forêt qu'il lui désigna. Mais il lui enjoignit de ne divulguer que si les chartreux rentraient dans leur maison, ou lorsqu'elle serait près de mourir, afin que ces biens ne fussent pas perdus.
Nul religieux ne revint dans le monastère en ruine; ainsi la digne femme ne fit aucune révélation. Ce fut dans les derniers temps que, se sentant près de sa fin, elle transmit à ses neveux, habitants de Saint-Dizier, les renseignements qu'elle tenait du moine.
Maintenant, ces deux villageois ont demandé l'autorisation de faire des fouilles à l'endroit indiqué. Le gouvernement ayant permis ces recherches dans une forêt de l'Etat, et nommé une commission pour y assister, tout le monde attend avec anxiété la vue du beau trésor de la chartreuse.
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Le sieur E. V***, architecte, rentrait chez lui vers onze heures du soir, par l'avenue de Clichy. Il fut abordé par une jeune et jolie femme, de vingt-deux ou vingt-trois ans, portant un piquant costume de villageoise. Elle pria M. V*** de lui indiquer l'avenu de Saint-Ouen; sa voix était agréable, quoique avec un accent picard très-prononcé. Aux informations qui lui furent données, elle eut l'air de ne rien comprendre; et disant être à Paris depuis peu de temps, elle parut avoir peur de s'égarer et éprouver surtout une grande terreur des voleurs.
M. V.*** se vit obligé de lui offrir son bras pour l'accompagner.
Comme ils arrivaient ensemble avenue de Saint-Ouen, deux hommes, qui s'étaient avancés à pas de loup par derrière, saisirent M. V*** de manière à l'empêcher de faire le moindre mouvement. Pendant cela, cette jolie femme, qui craignait tant les voleurs, lui enlevait sa montre avec la chaîne et son porte-monnaie. L'un des hommes lui tenait de plus un mouchoir sur la bouche pour l'empêcher de crier.
Le tour fait, les larrons ont à leur tour offert le bras à la dame, et ils sont partis tous ensemble.
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Morte pour une rose, tels sont les mots qu'on pourrait inscrire sur la pierre d'une jeune fille, que ses sœurs de la confrérie de Marie viennent de conduire au cimetière.
Cette jeune fille, après avoir cueilli une rose, la sentait; un insecte des plus venimeux s'introduit ainsi dans son cerveau, et y produisit une perturbation générale qui amena la mort.
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Un Anglais débarque à Calais et demande un perruquier. Il arrive. "Mon cher, moi être délicat beaucoup pour le barbe. Voilà une guinée si vous rasez moi sans couper. Voici deux pistolets; si vous coupez moi, moi ferai sauter la cervelle à vous tout de suite. - Ne craignez rien, milord."
Le perruquier le rase avec la plus grande légèreté.
- "Comment donc! dit l'Anglais enchanté, les pistolets n'ont pas fait peur à vô?
- Non, milord.
- Et pourquoi?
- Dame, c'est que si j'avais entamé, j'aurais achevé de vous couper le cou."
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Ces jours-ci, le commissaire de police de Puteaux se promenait avec deux agents sur les bords de la Seine, près du bois de Boulogne, où il exerçait la surveillance pour éloigner les baigneurs.
Deux jeunes gens qui prenaient le frais dans l'eau, apercevant les uniformes de l'autorité, voulurent fuir son approche. Ils passèrent à la hâte leurs vêtements et tentèrent de gagner à la nage l'autre rive, où les agents ne pourraient les atteindre et déclarer leur contravention.
L'un gagna en effet la rive opposée, mais l'autre, gêné par son pantalon, poussa quelques cris d'alarme et disparut sous l'eau.
Le commissaire, tout habillé, s'élança courageusement à la nage, et ramena sur le bord le malheureux qui allait périr. Ce digne magistrat (M. Vassal fils) montrait bien qu'il voulait la conversion des baigneurs, mais non leur mort.
Journal du Dimanche, 15 août 1858.
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