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vendredi 4 mai 2018

Inauguration de la statue de Pothier.

Inauguration de la statue de Pothier.


La ville d'Orléans, la savante et la guerrière, a inauguré dimanche 8 mai, la statue en bronze de l'un de ses plus glorieux enfants, Robert-Joseph Pothier, jurisconsulte français, né dans ses murs le 9 janvier 1699, et mort le 2 mars 1772.
La municipalité célébrait le même jour le 431e anniversaire de la délivrance d'Orléans par Jeanne d'Arc et l'achèvement de la flèche qui couronne la cathédrale de Sainte-Croix. Mais l'intérêt de la journée n'était ni pour l'église, ni pour les souvenirs de la gloire militaire; il était tout entier pour le légiste, le philosophe et l'homme de bien que fut le grand Pothier: Cedant arma togæ.
Parmi toutes les nobles figures de la science du droit français, Cujas, Dumoulin, Furgole, Michel de l'Hospital, du Vair, Donat, d'Aguesseau, Pithou, Pasquier, il n'en est pas de plus haute et de plus touchante que celle du légiste qui mérita le nom de restaurateur des Pandectes: Pandectarum felicissimus restitutor. Pothier, c'est l'union intime de la science la plus universelle et de la morale la plus pure; c'est le chaînon sans tache qui relie le droit romain au droit français, Rome à la France. Ulpien, Papinien, Gaïus lui aurait fait place sur la chaise curule du préteur; il est le frère de Pascal et de Vauvenargues. Il a la grandeur philosophique comme Montesquieu et la charité chrétienne comme Fénelon. Il est aussi humain que Beccaria et Filangieri, aussi pieux que Nicole, aussi généralisateur que Descartes. Il n'est l'homme ni d'un pays, ni d'un siècle. Il embrasse tous les âges dans une science absolue et tous les hommes dans un même amour. Enfin, que dirai-je? il a eu cette gloire insigne que ses travaux, et notamment son Traité des obligations, ont été copiés mot pour mot dans le Code Napoléon.




Pothier, statue en bronze par M. Vital-Dubray,
inaugurée à Orléans le 8 mai 1859*.

S'aidant du commentaire de Vinnius (Heinneccius n'avait pas encore paru), des Gloses de Cujas, de Denis Godefroy et de Dumoulin, il commença, en 1748, avec l'approbation et le concours du chanceler d'Aguesseau, son livre des Pandectes Justiniennes rédigées dans un nouvel ordre. Il le termina en 1752, pour se livrer au Commentaire de la coutume d'Orléans, qui demeure le plus complet de tous les commentaires du vieux droit coutumier français.
Le Traité des obligations parut en 1761. Les Contrats suivirent, jusqu'à sa mort, qui le surprit la plume en main. Ces travaux ne l'empêchaient pas de servir la messe chaque jour, de rendre la justice comme conseiller, puis comme président au Châtelet d'Orléans, de présider comme antécesseur à la Faculté de droit les thèses publiques, les examens et les conférences, de vaquer aux fonctions municipales comme échevin, aux arbitrages comme aimable compositeur. Il entretenait en outre une vaste correspondance. Quelle existence aujourd'hui suffirait à une pareille tâche? Mais aussi, il ne perdait pas une minute! Il ne s'est donné qu'un seul plaisir dans sa vie: il est allé voir la mer au Havre!
C'était un dimanche; on lui offrit du poisson. "Je ne suis pas si bête, dit-il, que de faire maigre un jour gras!"
Il vécut célibataire pour éviter les distractions conjugales; riche, il donna ses revenus aux pauvres. Jamais il ne voulut cautionner la torture par sa présence. Grand et sublime enfant, il ignorait tout de la vie, sauf le vertu. Il avait une servante, Thérèse Javoi qui l'habillait, le couchait et le faisait manger. Pourquoi M. Vital-Dubray, l'excellent statuaire, n'a-t-il pas mis le médaillon de la bonne femme aux pieds de la statue du bon homme?
Un conseiller à la cour impériale d'Orléans, M. Frémon, a pris la généreuse initiative de la souscription municipale qui a donné un bronze à Pothier. Le bronze honore Pothier, M. Frémon, M. Vital-Dubray et la ville d'Orléans.

                                                                                                                   Alfred busquet.

L'Illustration, journal universel, 14 mai 1859.


* Nota de Célestin Mira:

Suite à la demande de certains Orléanaises et Orléanais qui cherchent vainement à travers la ville la statue de Pothier, je tiens à préciser que la statue de Pothier a été coulée par les Allemands durant la guerre 39-45 et qu'il est donc vain de continuer des recherches.

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