La disparition du goulot de la gare Saint-Lazare.
Le nouveau pont d'Asnières.
Il a une triste réputation, le goulot de la gare Saint-Lazare! Son impopularité est presque égale à celle du service téléphonique. La hâte des voyageurs ne lui pardonne pas les arrêts interminables, les retards fréquents qu'il provoque. Ses 6 malheureuses voies ne suffisent plus à assurer le service chaque jour plus chargé de la gare Saint-Lazare.
La Compagnie de l'Ouest a compris qu'il était urgent de remédier à l'encombrement dangereux des abords de cette gare: elle a élaboré un vaste programme d'améliorations qui est aujourd'hui en pleine exécution. Les voyageurs du parcours Asnières-Paris peuvent en suivre les différentes phases et constater la rapidité des travaux qui s'accomplissent sur ce trajet sous l'habile direction de MM. les ingénieurs en chef Widmer et Rabut et de M. l'ingénieur J. Dreyfuss. Sous peu, le goulot ne sera plus qu'un mauvais souvenir.
La gare saint-Lazare a été la victime de cet étrange phénomène, observé dans tous les pays, qui déplace vers l'Ouest le centre de gravité des villes. La banlieue Ouest de Paris, en ces dernières années, s'est développée avec une extraordinaire rapidité. Le mouvement des voyageurs, en conséquence, s'est accru dans des proportions considérables, sans qu'on ait pu augmenter la capacité de la gare située en plein centre de Paris, dans un quartier luxueux où toute expropriation est impraticable. Sur les 6 voies du tunnel des Batignolles, viennent converger les trains des grandes lignes de Normandie, et les trains de banlieue de Versailles, Saint-Germain, Asnières, Bécon-les Bruyères, la Garenne-Bezons, Colombes, etc. La circulation sur les mêmes troncs communs de trains sans arrêts, de trains aux stationnements multipliés et de trains de service faisant le va-et-vient entre la gare et le dépôt des Batignolles, ou les remises de Clichy, ajoute encore aux difficultés de l'exploitation. La Compagnie de l'Ouest s'est proposé tout d'abord de séparer aussi complètement que possible les lignes de banlieue des grandes lignes et de faciliter la circulation des machines et du matériel vide entre la gare et les dépôts. Dans ce but, 2 voies principales nouvelles seront établies entre Paris Saint-Lazare et Bécon-les-Bruyères, ce qui permettra de séparer complètement la ligne de Paris Saint-Germain de celle du Havre, par Poissy. En outre, la création d'un groupe auxiliaire de 2 voies de service entre le tunnel des Batignolles et les remises de Clichy, complété par un passage souterrain réunissant ce groupe auxiliaire au dépôt des machines de Batignolles, facilitera le va-et-vient des rames matériels vide et des machines. Le projet conçu par la Compagnie, comporte aussi dans l'avenir, l'agrandissement de la gare Saint-Lazare et l'électrification des lignes de banlieue; mais, étant donnée la situation créée par le rachat de l'Ouest, nul ne peut prédire le sort réservé à cette partie du projet.
Les travaux actuellement en cours, présentent de nombreux points extrêmement intéressants. On comprendra aisément les difficultés de tout ordre qu'il a fallu vaincre, pour créer en plein Paris, sous de lourds immeubles et sous les rues les plus fréquentées, un certain nombre de voies ferrées nouvelles, sans endommager les constructions, sans jamais interrompre la circulation à la surface du sol, et aussi sans jamais troubler le mouvement incessant des trains qui sillonnent la tranchée des Batignolles. Nous reviendrons prochainement sur les travaux qui s'exécutent sous la rue de Rome et le square des Batignolles.
Les habitués du trajet Asnières-Paris n'ont pu manquer d'être frappés par la rapidité avec laquelle ce pont s'est créé; il y a juste un an, rien n'apparaissait encore sur la Seine. Aujourd'hui, le tablier est construit, et l'on prépare les opérations du lancement. C'est qu'en effet, la construction s'est effectuée par des procédés tout nouveaux, et d'une remarquable célérité. Le béton armé y a joué un rôle essentiel.
Voici, tout d'abord, les caractéristiques essentielles du nouveau viaduc: il est établi parallèlement à l'ouvrage actuel et à une très faible distance de celui-ci. Il a le même nombre de travées: 5 dont une de 30,91 m, 3 de 32, 76 m, une de 31,33 m. Ces piles seront exactement dans le prolongement de celles de l'ancien viaduc.
La partie essentiellement originale de ce pont est la fondation de ses piles; on s'est attaché à ne remuer le sol qu'à très faible profondeur, de façon à ne pas affouiller les piles du viaduc existant. On a commencé par draguer le fond de la Seine, de manière à l'approfondir d'environ 2 m et à le rendre horizontal à l'emplacement de la pile. On a ensuite battu, au moyen d'une sonnette à vapeur, 30 pieux en béton fretté, à section octogonale de 0,30 m de diamètre et de 7 m de longueur. Ces pieux sont enfoncés de 6 m dans le fond de la rivière. On vient alors coiffer leur tête d'une carcasse de caisson, en béton armé; puis dans ce caisson, on coule du béton et, sans avoir eu besoin de recourir à tout l'appareil compliqué des cloches à plongeur et de l'air comprimé, on a une fondation de pile extrêmement solide et rapide sur laquelle on édifiera aisément la pile elle-même.
Le caisson en béton armé se construit sur la rive; nos figures montrent les différentes phases de son montage; on établit d'abord un coffre en bois aux dimensions voulues; on y dispose les barres métalliques qui constitueront l'armature, on coule le béton et on le laisse durcir 6 semaines environ.
On a soin de le munir d'un fond provisoire en bois que l'on calfate comme celui d'un bateau. On revêt, en outre, la paroi d'un enduit extérieur en ciment pour le rendre étanche. Le moment venu, on abandonne le caisson sur un plan incliné pour le mettre à flot et l'amener en place.
C'est alors un bateau de 10 mètres de longueur, 5 mètres de largeur et 1 mètre de tirant d'eau. Son déplacement est de 50 tonnes.
Guidé par des amarres, il est conduit par un remorqueur au-dessus de son emplacement définitif, entouré d'un estacade à laquelle on le suspend provisoirement, puis on l'échoue sur la tête des pilotes. L'opération dure 12 minutes seulement.
Le béton est alors coulé, dans l'eau calme à l'intérieur du caisson, au moyen d'un grand tube métallique. il enrobe les tête des pieux et monte jusqu'au niveau supérieur du caisson, qui est un peu en contre-bas du niveau d'étiage.
Le caisson a été muni, au moment de son échouage, de hausses métalliques; une fois la fondation faite, on épuise l'eau à l'intérieur de ces hausses et l'on construit à sec la première assise de maçonnerie.
Nos figures montrent la construction des pieux en béton fretté: on enroule d'abord du fil de fer en hélice sur un mandrin en bois, on dégage alors la spirale du mandrin;
on l'enfile sur des baguettes longitudinales, on écarte les spires à la distance voulue, on fixe à l'extrémité inférieure un sabot conique, et l'on coule le béton.
On voit quelle est la simplicité de cette méthode nouvelle de fondation des ponts: elle concilie à la fois, la rapidité, la sécurité, et l'économie; elle fait le plus grand honneur à son auteur M. Rahut et à ses collaborateurs.
A. Troller.
La Nature, revue des Sciences, deuxième semestre 1908.
La gare saint-Lazare a été la victime de cet étrange phénomène, observé dans tous les pays, qui déplace vers l'Ouest le centre de gravité des villes. La banlieue Ouest de Paris, en ces dernières années, s'est développée avec une extraordinaire rapidité. Le mouvement des voyageurs, en conséquence, s'est accru dans des proportions considérables, sans qu'on ait pu augmenter la capacité de la gare située en plein centre de Paris, dans un quartier luxueux où toute expropriation est impraticable. Sur les 6 voies du tunnel des Batignolles, viennent converger les trains des grandes lignes de Normandie, et les trains de banlieue de Versailles, Saint-Germain, Asnières, Bécon-les Bruyères, la Garenne-Bezons, Colombes, etc. La circulation sur les mêmes troncs communs de trains sans arrêts, de trains aux stationnements multipliés et de trains de service faisant le va-et-vient entre la gare et le dépôt des Batignolles, ou les remises de Clichy, ajoute encore aux difficultés de l'exploitation. La Compagnie de l'Ouest s'est proposé tout d'abord de séparer aussi complètement que possible les lignes de banlieue des grandes lignes et de faciliter la circulation des machines et du matériel vide entre la gare et les dépôts. Dans ce but, 2 voies principales nouvelles seront établies entre Paris Saint-Lazare et Bécon-les-Bruyères, ce qui permettra de séparer complètement la ligne de Paris Saint-Germain de celle du Havre, par Poissy. En outre, la création d'un groupe auxiliaire de 2 voies de service entre le tunnel des Batignolles et les remises de Clichy, complété par un passage souterrain réunissant ce groupe auxiliaire au dépôt des machines de Batignolles, facilitera le va-et-vient des rames matériels vide et des machines. Le projet conçu par la Compagnie, comporte aussi dans l'avenir, l'agrandissement de la gare Saint-Lazare et l'électrification des lignes de banlieue; mais, étant donnée la situation créée par le rachat de l'Ouest, nul ne peut prédire le sort réservé à cette partie du projet.
Les travaux actuellement en cours, présentent de nombreux points extrêmement intéressants. On comprendra aisément les difficultés de tout ordre qu'il a fallu vaincre, pour créer en plein Paris, sous de lourds immeubles et sous les rues les plus fréquentées, un certain nombre de voies ferrées nouvelles, sans endommager les constructions, sans jamais interrompre la circulation à la surface du sol, et aussi sans jamais troubler le mouvement incessant des trains qui sillonnent la tranchée des Batignolles. Nous reviendrons prochainement sur les travaux qui s'exécutent sous la rue de Rome et le square des Batignolles.
Les habitués du trajet Asnières-Paris n'ont pu manquer d'être frappés par la rapidité avec laquelle ce pont s'est créé; il y a juste un an, rien n'apparaissait encore sur la Seine. Aujourd'hui, le tablier est construit, et l'on prépare les opérations du lancement. C'est qu'en effet, la construction s'est effectuée par des procédés tout nouveaux, et d'une remarquable célérité. Le béton armé y a joué un rôle essentiel.
Voici, tout d'abord, les caractéristiques essentielles du nouveau viaduc: il est établi parallèlement à l'ouvrage actuel et à une très faible distance de celui-ci. Il a le même nombre de travées: 5 dont une de 30,91 m, 3 de 32, 76 m, une de 31,33 m. Ces piles seront exactement dans le prolongement de celles de l'ancien viaduc.
La partie essentiellement originale de ce pont est la fondation de ses piles; on s'est attaché à ne remuer le sol qu'à très faible profondeur, de façon à ne pas affouiller les piles du viaduc existant. On a commencé par draguer le fond de la Seine, de manière à l'approfondir d'environ 2 m et à le rendre horizontal à l'emplacement de la pile. On a ensuite battu, au moyen d'une sonnette à vapeur, 30 pieux en béton fretté, à section octogonale de 0,30 m de diamètre et de 7 m de longueur. Ces pieux sont enfoncés de 6 m dans le fond de la rivière. On vient alors coiffer leur tête d'une carcasse de caisson, en béton armé; puis dans ce caisson, on coule du béton et, sans avoir eu besoin de recourir à tout l'appareil compliqué des cloches à plongeur et de l'air comprimé, on a une fondation de pile extrêmement solide et rapide sur laquelle on édifiera aisément la pile elle-même.
Construction d'un caisson en béton armé: le coffrage. |
Le caisson en béton armé se construit sur la rive; nos figures montrent les différentes phases de son montage; on établit d'abord un coffre en bois aux dimensions voulues; on y dispose les barres métalliques qui constitueront l'armature, on coule le béton et on le laisse durcir 6 semaines environ.
Montage d'un caisson en béton armé; enrobement d'un caisson déjà terminé. |
On a soin de le munir d'un fond provisoire en bois que l'on calfate comme celui d'un bateau. On revêt, en outre, la paroi d'un enduit extérieur en ciment pour le rendre étanche. Le moment venu, on abandonne le caisson sur un plan incliné pour le mettre à flot et l'amener en place.
Lancement d'un caisson. |
C'est alors un bateau de 10 mètres de longueur, 5 mètres de largeur et 1 mètre de tirant d'eau. Son déplacement est de 50 tonnes.
Guidé par des amarres, il est conduit par un remorqueur au-dessus de son emplacement définitif, entouré d'un estacade à laquelle on le suspend provisoirement, puis on l'échoue sur la tête des pilotes. L'opération dure 12 minutes seulement.
Le béton est alors coulé, dans l'eau calme à l'intérieur du caisson, au moyen d'un grand tube métallique. il enrobe les tête des pieux et monte jusqu'au niveau supérieur du caisson, qui est un peu en contre-bas du niveau d'étiage.
Coupe transversale d'une pile du nouveau viaduc d'Asnières. |
Le caisson a été muni, au moment de son échouage, de hausses métalliques; une fois la fondation faite, on épuise l'eau à l'intérieur de ces hausses et l'on construit à sec la première assise de maçonnerie.
Nos figures montrent la construction des pieux en béton fretté: on enroule d'abord du fil de fer en hélice sur un mandrin en bois, on dégage alors la spirale du mandrin;
Enroulage des frettes d'un pilotis. |
on l'enfile sur des baguettes longitudinales, on écarte les spires à la distance voulue, on fixe à l'extrémité inférieure un sabot conique, et l'on coule le béton.
Montage de l'armature d'un pilotis. |
On voit quelle est la simplicité de cette méthode nouvelle de fondation des ponts: elle concilie à la fois, la rapidité, la sécurité, et l'économie; elle fait le plus grand honneur à son auteur M. Rahut et à ses collaborateurs.
A. Troller.
La Nature, revue des Sciences, deuxième semestre 1908.
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