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dimanche 3 mai 2015

Chronique du Journal du Dimanche.

Chronique.

On ne peut se lasser de répéter qu'il est d'étranges destinées. Tout le monde a entendu parler du double assassinat commis faubourg Saint-Antoine, mais on ignore la particularité la plus étrange.
Au quatrième étage, dans le logement situé sur la cour, habitaient le sieur Butel et la femme Léotard, vivant ensemble, et faisant le commerce de marchands à la toilette.
Un matin, vers sept heures, l'aîné de leurs enfants, âgé de douze ans, et qui est en apprentissage dans le faubourg, vint pour voir ses parents. Après avoir frappé à la porte sans recevoir de réponse, et sachant bien qu'à cette heure ses parents étaient chez eux, il descendit faire part de sa surprise au concierge.
Celui-ci ayant conseillé au jeune Victor de remonter, il le fit, et à la hauteur du troisième étage il rencontra deux hommes qui descendaient précipitamment.
Ils venaient du logement du quatrième et en avait laissé la porte ouverte.
L'enfant, à peine entré, jeta des cris d'épouvante; il voyait son père gisant au milieu de la chambre à coucher inondée de sang, et sa mère étendue sur son lit, toute couvertes de sang et de blessures.
A ces cris, les voisins, puis l'autorité, accourent. On constata l'horrible crime qui venait d'être accompli. Le sieur Butel avait cessé de vivre; la femme Léotard respirait encore, mais elle expira bientôt, sans avoir pu faire aucune révélation sur les meurtriers.
Eh bien! cet enfant, élevé par sa grand mère, veuve en seconde noces d'un sieur Chateau, était caché sous les rideaux de son petit lit lorsque l'assassin Pradeau, entrant chez cette femme à l'improviste, l'étrangla et dépouilla sa chambre de tout ce qu'elle renfermait. On sait que ce premier meurtrier a expié ses crimes sur l'échafaud. Mais désormais ce pauvre jeune Victor va croire que le monde est peuplé d'assassins!
Voici un second exemple qu'un malheur n'arrive jamais seul.
Pierre Raymond, de la commune de Saint-Quentin, conduisait toujours des chèvres à un pacage voisin d'un bois. Un dimanche soir, on vit les chèvres revenir seules au domicile. L'attention étant éveillée par cette circonstance, les habitants du pays allèrent visiter les lieux dans lequel Raymond menait ordinairement son petit troupeau. Ils trouvèrent le malheureux berger étendu à l'entrée du bois, où il avait expiré sous des coups de hache à la tête. Ses chèvres, plus légères que de fidèles chiens de berger, l'avaient abandonné.
On rapporta Raymond chez lui; et quelques minutes s'étaient à peine écoulées que l'incendie dévorait sa maison.
Une lampe trop rapprochée de la couche mortuaire avait communiqué le feu à toute l'humble habitation.
Et quelques heures après, il ne restait plus rien du maître ni de la demeure.

*****

Une tentative d'homicide vient d'avoir lieu dans les circonstances les plus étranges.
Les sieurs Guichard, père et fils, demeurant à Jouarre, avaient pour voisins, et en apparence pour amis, les époux Desloges.
Ils les invitèrent à venir passer chez eux une journée de plaisir, et avant de se mettre à table, ils leur proposèrent de venir avec eux retirer leurs filets, qui sans doute contiendrait le meilleur plat du festin.
Les invités acceptèrent la promenade; et arrivés au bord de l'eau, se penchèrent vers les filets. En ce moment, les deux meurtriers les poussèrent violemment dans le courant; puis, avec des bâtons, frappèrent à coups redoublés sur la tête et les mains de ces malheureux par lesquelles ils se cramponnaient à des branche de saule.
La solitude de l'endroit semblait devoir favoriser le crime et l'impunité. Pourtant les cris des victimes furent entendus; on accourut à leur secours, et les meurtriers furent arrêtés.
Ils sont dans la prison de Meaux, et ils auront bientôt à rendre compte à la justice de la singulière manière dont ils traitent les gens qu'ils invitent à dîner.

*****

Un exemple déplorable vient de donner raison à ceux qui défendent aux femmes de fumer et ne leur permettent pas la moindre cigarette.
Une jeune demoiselle de Milhau, dans l'Aveyron, déjà parée pour le bal, eut envie de faire passer ce temps si long de l'absence en goûtant un peu du fruit défendu. Elle alluma une cigarette. Mais tandis qu'elle en savourait la fumée, la cendre perfide et brûlante tomba sur cette robe si inflammable et y mit le feu.
Seule et épouvantée, elle ne tarda pas à augmenter par des mouvements désespérés la flamme qui la dévorait. Lorsqu'on vint à son secours, il était trop tard, et rien ne put empêcher la mort d'accomplir son oeuvre.

                                                                                                                       Paul de Couder

Journal du Dimanche, 10 janvier 1858.

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