Arbre généalogique de la Vierge.
De même que le triste habitant des campagnes arrosées par le Rhône, ou la Somme, ou le Cher, se voit obligé, par l'inondation, de chercher d'heure en heure un asile de plus en plus restreint, au sommet d'une colline ou d'un bâtiment encore inaccessible au terrible fléau... ; de même le paléophile, ayant pour impitoyable adversaire la continuelle invasion de la pioche et du marteau, doit se contenter aujourd'hui des modestes reliefs provisoirement oubliés ou dédaignés par l'insatiable génie de la reconstruction, dernières bribes que ramasse, avec une âpre avidité, le glaneur scientifique ou poétique, et auxquelles se raccroche, avec l'énergie du désespoir, l'intérêt que ne cesseront jamais de nous inspirer les traces visibles du passé.
Ainsi, peu observés en des temps où l'histoire du colosse vingt fois séculaire qui se nomme Paris se racontait elle-même, en caractères que l'on eût dit indélébiles, sur tous les vieux édifices de tout genre, et où chaque pignon, rabougri, noirci, boiteux, cagneux et grimaçant, avait l'importance politique ou religieuse, ou artistique d'un document grave, d'une légende ou d'une tradition fantastique, telles et telles particularités secondaires, longtemps inaperçues, deviennent maintenant précieuses, curieuses, par le seul fait qu'elles sont rares, on pourrait dire à la veille de ne plus exister.
Parmi ces derniers vestiges de l'ancien Paris, on signale une maison étroite et haute, à peu près semblable à une tour carrée et dont l'état de conservation est remarquable, en dépit du grand âge qu'il faut bien lui accorder.
Cette habitation se trouve au coin de la rue des Prêcheurs et de la rue Saint-Denis, où elle figure sous le numéro 131.
L'angle cornier porte incrusté dans la pierre en arbre sculpté en bois, devenu presque noir à force de rester en plein air. Cet arbre, partout adhérant comme un lierre, se ramifie en douze branches très-courtes sur lesquelles, en manière de fruits, se tiennent debout les douze apôtres. La Vierge occupe l'extrémité supérieure; elle a pour abri un dais fort délicatement travaillé et dont le style permet d'attribuer au XIIIe siècle l'origine de la composition qui nous intéresse en ce moment.
A l'extrémité inférieure s'aperçoit un quatorzième personnage que l'on doit considérer comme le fils de Dieu lui-même, et cela d'autant plus logiquement que sa posture est le signe de l'humilité, de la souffrance. ajoutons que, du flanc gauche, c'est à dire du cœur de ce personnage, s'élance droit et vivant, l'arbre en question, lequel est désigné dans le public sous le nom d'arbre généalogique de la Vierge.
Une désignation de cette nature est certainement insignifiante ou plutôt étrangère à la vérité dont la chaîne traditionnelle s'est rompue; aussi l'esprit investigateur ne peut-il que flotter, indécis, entre les interprétations diverse que font naître et la présence des douze apôtres de la foi chrétienne et le nom de Prêcheurs donné à la petite rue adjacente, à propos de laquelle tout éclaircissement bien satisfaisant nous manque.
Voici ce que nous avons pu recueillir de mieux à cet égard; c'est l'opinion de J.-B. Saint-Victor, opinion émise dans un ouvrage intéressant et spécial intitulé: Tableau de Paris:
"On la connaissait, dès le XIIe siècle, sous le nom de rue des Prêcheurs. Sauval dit qu'en 1300, elle s'appelait rue des Prêcheurs, et depuis , au Prêcheur, à cause d'une maison où pendait comme enseigne le Prêcheur, et qui était nommée, en 1281, Hôtel du Prêcheur.
Jaillot croit que la maison et l'enseigne devaient leur nom à un particulier, car il a vu des lettres de Maurice de Sully, évêque de Paris, de l'an 1184, qui attestent que Jean de Mosterolo avait donné à l'abbaye de Saint-Magloire ce qu'il avait de droit in terra morinensi et 9 sous sur la maison de Robert le Prêcheur, Prœdicatoris.
Au siècle suivant, cette rue se nommait des Prêcheurs; elle est indiquée ainsi dans un amortissement du mois de juin 1352, concernant une maison située in vico Prœdicatorim."
L'absence de meilleurs renseignements est fâcheuse.
Les regrets que l'on éprouve s'appliquent particulièrement à l'oeuvre artistiquement naïve qui orne l'angle de la maison carrée. On voudrait une explication claire, et l'expression: arbre généalogique de la Vierge ne la donne malheureusement pas.
Cependant les recherches de l'esprit ne demeurent pas absolument inutiles.
Un idée au moins rationnelle se dégage de la composition que nous avons sous les yeux. On aime à voir une allégorie éminemment abstraite sans doute, mais essentiellement chrétienne, dans cette réunion et cette union de Jésus, de ses douze disciples choisis, et de Marie.
Quoi de plus clair et de plus gracieux en même temps que cet arbre symbolique, partant du Cœur de Jésus, se développant au moyen de convictions animées par la même sève et aspirant au même but: le glorieux épanouissement de l'Eglise catholique qui eut l'Homme-Dieu pour fondateur.
Telles sont, en résumé, les impressions, les réflexions de tout cœur chrétien en face de ce que l'imagination populaire, plus ingénieuse que savante, se plait à désigner sous le nom d'arbre généalogique de la Vierge.
Alfred Séquin.
La Semaine des Familles, samedi 8 janvier 1870.
Voici ce que nous avons pu recueillir de mieux à cet égard; c'est l'opinion de J.-B. Saint-Victor, opinion émise dans un ouvrage intéressant et spécial intitulé: Tableau de Paris:
"On la connaissait, dès le XIIe siècle, sous le nom de rue des Prêcheurs. Sauval dit qu'en 1300, elle s'appelait rue des Prêcheurs, et depuis , au Prêcheur, à cause d'une maison où pendait comme enseigne le Prêcheur, et qui était nommée, en 1281, Hôtel du Prêcheur.
Jaillot croit que la maison et l'enseigne devaient leur nom à un particulier, car il a vu des lettres de Maurice de Sully, évêque de Paris, de l'an 1184, qui attestent que Jean de Mosterolo avait donné à l'abbaye de Saint-Magloire ce qu'il avait de droit in terra morinensi et 9 sous sur la maison de Robert le Prêcheur, Prœdicatoris.
Au siècle suivant, cette rue se nommait des Prêcheurs; elle est indiquée ainsi dans un amortissement du mois de juin 1352, concernant une maison située in vico Prœdicatorim."
L'absence de meilleurs renseignements est fâcheuse.
Les regrets que l'on éprouve s'appliquent particulièrement à l'oeuvre artistiquement naïve qui orne l'angle de la maison carrée. On voudrait une explication claire, et l'expression: arbre généalogique de la Vierge ne la donne malheureusement pas.
Cependant les recherches de l'esprit ne demeurent pas absolument inutiles.
Un idée au moins rationnelle se dégage de la composition que nous avons sous les yeux. On aime à voir une allégorie éminemment abstraite sans doute, mais essentiellement chrétienne, dans cette réunion et cette union de Jésus, de ses douze disciples choisis, et de Marie.
Quoi de plus clair et de plus gracieux en même temps que cet arbre symbolique, partant du Cœur de Jésus, se développant au moyen de convictions animées par la même sève et aspirant au même but: le glorieux épanouissement de l'Eglise catholique qui eut l'Homme-Dieu pour fondateur.
Telles sont, en résumé, les impressions, les réflexions de tout cœur chrétien en face de ce que l'imagination populaire, plus ingénieuse que savante, se plait à désigner sous le nom d'arbre généalogique de la Vierge.
Alfred Séquin.
La Semaine des Familles, samedi 8 janvier 1870.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire