Cithare du dix-septième siècle.
Le mot cithare est fort connu de tous ceux qui lisent les auteurs anciens. On le trouve à chaque instant dans les poëtes latins et grecs; malheureusement, il faut bien l'avouer, il n'est pas employé par les susdits poëtes avec toute la précision désirable. Ils ne lui donnent pas l'exactitude technique que l'archéologue souhaiterait, et en fond plutôt un synonyme de lyre. Du reste les termes cithare, barbiton, chelys, phormynx, etc., sont indifféremment employés dans les anciens textes l'un pour l'autre, et désignent d'une manière générale la grande famille des instruments à cordes, soit pincées avec les doigts, soit mises en vibration avec le plectrum.
Tous ces termes devaient pourtant avoir un sens spécial, et les érudits ont de bonne heure cherché à déterminer ces différences. Certains détails ont été fixés, mais le plus grand nombre est resté dans le vague, et, pour ne parler que de la cithare, par exemple, les opinions les plus opposées ont été soutenues à son sujet. On sait qu'elle s'appelait en grec kithara et en latin cithara; c'est pour ainsi dire la même chose, et il n'est pas démontré que les latins ne prononçaient pas le c comme le k dans certaines occasions. Les poëtes et les mythologues en attribuaient l'invention à Apollon. Quant à sa forme et à sa taille, on est réduit aux conjectures. Elle ressemblait à un triangle, disent les uns; à un croissant, disent les autres. Ce n'était qu'une lyre, affirme celui-ci; c'était un instrument différent de la lyre, soutient celui-là. Tantôt on prétend qu'elle n'avait pas de magas ou caisse de résonance, tantôt on déclare que la caisse de résonance était son attribut distinctif.
Ce qu'il y a de certain, c'est que le nom a pourtant survécu, et qu'en passant à travers les âges il n'a jamais cessé de désigner un instrument à cordes pincées. Dans les temps plus modernes, le mot cithare a été appliqué à un instrument parfaitement caractérisé, dont la tablature ne peut avoir aucun rapport avec celle des instruments anciens, mais dont il n'est pas impossible que la forme, abstraction faite des modifications apportées par le temps et les progrès de la musique, ait conservé quelque chose de l'instrument ancien de ce nom. La persistance du terme cithare pendant des siècles est un fait qu'il ne faut pas absolument dédaigner. Ensuite, l'étymologie semble fournir un curieux renseignement.
Prenez, en effet, le mot grec kithara joint à l'article mis à l'accusatif, et prononcez-le, non pas à la façon des collèges, mais à la façon des Grecs modernes, qui, sur bien des points, doivent prononcer comme les Grecs anciens: au lieu de tènn kitharann, vous aurez tinn ghitharann, c'est à dire guitare. Or l'essence de la guitare est d'avoir une boîte de résonance. On peut avancer, sans trop de présomption, que la cithare antique a peut être été le type d'où la guitare moderne est née.
Quoi qu'il en soit, la cithare, au moyen âge et dans les temps modernes, était un instrument à cordes pincées, avec une boîte de résonance et un manche. Le manche n'était pas connu des Grecs. Chaque corde de leur lyre avait un son, mais on ne pouvait pas modifier ce son par la pression des doigts, ce qui restreignait singulièrement l'échelle des notes. Il semblerait que les Égyptiens ont connu les instruments à manche: du reste, ce peuple a toujours été regardé comme possédant en musique des connaissances assez étendues. C'est à proprement parler un peuple oriental; or les instruments à la fois à cordes pincées et à manche paraissent originaires de l'Orient. Le luth, le théorbe, la pandore, la cithare, la guitare, la mandoline sont les différentes espèces du genre en question.
Le mécanisme et le jeu de la cithare sont faciles à comprendre. Les cordes sont tendues au-dessus d'une caisse sonore, dans laquelle le son entre par des ouvertures taillées et découpées d'après un dessin de fantaisie et d'où il ressort amplifié précisément par la résonance de cette caisse. Ces cordes sont de deux sortes. Les unes se trouvent juste au-dessus du manche, divisé par un certain nombre de sillets, de façon qu'en appuyant avec les doigts sur les cordes et en les pressant sur les sillets on puisse à volonté raccourcir ou allonger la partie vibrante de la corde, et par conséquent obtenir des notes plus ou moins hautes. Les autres cordes sont accordées entre elles d'après des lois déterminées, et servent à faire des battements, ou des arpèges, ou tout espèce d'accompagnement qu'il plaira, pendant que sur les autres cordes, mises en contact avec les différents sillets, on exécute la partie principale, grâce à la quantité de notes dont on dispose. Le jeu de la guitare peut donner une idée approximative de celui de la cithare.
De toute cette famille d'instruments cités plus haut, il ne reste plus guère aujourd'hui que la guitare et la mandoline dans les musiques européennes. L'Orient, au contraire, les a conservés, et ils jouent, dans les concerts des peuples orientaux, le rôle qu'ils jouaient en Europe, au seizième et au dix-septième siècle, dans la musique de chambre, et même dans la musique d'opéra, à l'origine de l'opéra.
Il existe pourtant aujourd'hui un instrument de musique à cordes pincées, fort répandu dans un certain nombre de provinces d'Allemagne qu'on appelle zither*, et qui est exactement calqué sur la cithare. Le nom lui même, zither, n'est pas autre chose que le mot cithare très-légèrement altéré. Cet instrument est de petite dimension. On le pose à plat sur une table ou un meuble quelconque; de petits pieds isolent la caisse sonore et empêchent le son de se perdre. Il y a plusieurs cordes, en métal, fines et vibrantes. On joue l'air sur les unes en modifiant le son par la pression des doigts, et l'on accompagne sur les autres.
Comme ces cordes sont coupantes à cause de leur finesse et de leur matière, on s'adapte au doigt un anneau d'acier garni d'une petite pointe, qui fait véritablement l'office du plectrum antique, que bon nombre d'écrivains, dans leurs traductions en vers des poëtes anciens, persistent, par erreur, à appeler archet. Le son de la zither (zither est aussi le nom de la guitare en allemand) est cristallin, sympathique et fort agréable. il ne faut pas abuser de cet instrument (car la monotonie viendrait bien vite); mais son format commode, la facilité de son jeu, son caractère intime, sa sonorité délicate, méritent qu'on ne l'abandonne pas.
Tout le monde ne peut pas avoir un piano ou une harpe, et quand on les a, on ne peut pas les transporter partout; tandis qu'une zither est ce qu'il y a de plus portatif, et l'on peut être parfois bien aise de se désennuyer en s'en servant pour accompagner un lied ou un chœur de famille chanté à demi-voix.
Le Magasin pittoresque, avril 1875.
Nota de célestin Mira:
*zither:
De toute cette famille d'instruments cités plus haut, il ne reste plus guère aujourd'hui que la guitare et la mandoline dans les musiques européennes. L'Orient, au contraire, les a conservés, et ils jouent, dans les concerts des peuples orientaux, le rôle qu'ils jouaient en Europe, au seizième et au dix-septième siècle, dans la musique de chambre, et même dans la musique d'opéra, à l'origine de l'opéra.
Il existe pourtant aujourd'hui un instrument de musique à cordes pincées, fort répandu dans un certain nombre de provinces d'Allemagne qu'on appelle zither*, et qui est exactement calqué sur la cithare. Le nom lui même, zither, n'est pas autre chose que le mot cithare très-légèrement altéré. Cet instrument est de petite dimension. On le pose à plat sur une table ou un meuble quelconque; de petits pieds isolent la caisse sonore et empêchent le son de se perdre. Il y a plusieurs cordes, en métal, fines et vibrantes. On joue l'air sur les unes en modifiant le son par la pression des doigts, et l'on accompagne sur les autres.
Comme ces cordes sont coupantes à cause de leur finesse et de leur matière, on s'adapte au doigt un anneau d'acier garni d'une petite pointe, qui fait véritablement l'office du plectrum antique, que bon nombre d'écrivains, dans leurs traductions en vers des poëtes anciens, persistent, par erreur, à appeler archet. Le son de la zither (zither est aussi le nom de la guitare en allemand) est cristallin, sympathique et fort agréable. il ne faut pas abuser de cet instrument (car la monotonie viendrait bien vite); mais son format commode, la facilité de son jeu, son caractère intime, sa sonorité délicate, méritent qu'on ne l'abandonne pas.
Tout le monde ne peut pas avoir un piano ou une harpe, et quand on les a, on ne peut pas les transporter partout; tandis qu'une zither est ce qu'il y a de plus portatif, et l'on peut être parfois bien aise de se désennuyer en s'en servant pour accompagner un lied ou un chœur de famille chanté à demi-voix.
Le Magasin pittoresque, avril 1875.
Nota de célestin Mira:
*zither:
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