V'la les flics.
Connaissez-vous l'origine du mot "flic"? Non, très-probablement. Moi non plus, jusqu'à hier, je ne la connaissais pas. On me l'a expliquée, je m'empresse de vous la faire savoir.
Depuis quelque temps déjà, je le rencontrais chaque matin, le vieux juif qui me raconta cette histoire. Tous les jours, il avait une chose nouvelle à me dire.
Comme, ce matin-là, nous regardions un agent de police qui faisait circuler des marchandes des quatre saisons, il murmura:
- Ce flic fait vraiment du zèle!
Il ne m'avait pas habitué à l'entendre parler argot, et je le regardai. Il comprit sans doute mon étonnement, car il me dit:
- Vous ne connaissez pas l'origine du mot flic?
Comme je lui répondais par un hochement de tête, il poursuivit, sans que j'eusse besoin de l'encourager.
- Jusqu'en 1857, à peu près, tous les boulevards dans la partie comprise entre l'Ambigu et le Cirque d'hiver, au delà de la Place de la République, toute cette partie des boulevards comportait un certain nombre de théâtres, placés non loin les uns des autres*. Ma vieille mémoire ne peut tous vous les énumérer, mais je me souviens de certains d'entr'eux: les Funambules, le Petit Lazari, l'Ambigu, le Gymnase, les Folies-Dramatiques, le Lyrique, les Délassements comiques, le Café du Géant, Déjazet... Vous voyez que quelque-uns ont survécu!
Tous les samedis soirs, les jeunes ouvriers, les apprentis, accouraient au sortir de l'atelier et, en attendant l'ouverture des portes, ils faisaient la queue. Ils achetaient leur place à l'avance à un crieur qui était dehors...
- Qu'est-ce que tu veux toi?...
- une volaille! (une place de poulailler).
Et le marchand délivrait "une volaille".
En attendant l'ouverture aussi, la plupart de ces jeunes ouvriers cassaient la croûte. Ils achetaient à des camelots qui allaient et venaient devant les théâtres, et dont la plupart étaient juifs alsaciens, des petits pains fourrés et des fruits.
Inutile de vous dire que tous ces petits camelots étaient traqués par les agents, qui ne leur laissaient pas une minute de répit.
Et, en bons camarades, dès que l'un d'eux apercevait au loin le bicorne d'un policier (en ce temps-là, le képi n'existait pas), il s'empressait d'avertir les autres, dans son langage mi-hébraïque, mi-allemand:
- Kommen die flie! (Voilà les mouches!)
Les autres camelots, gavroches parisiens, avaient adopté la formule, pour se faire comprendre de leurs collègues alsaciens, mais ne sachant pas l'allemand, ils l'interprétèrent un peu de travers, en disant:
- V'là les flics!
" Et c'est ainsi que ce nom leur est resté, termine mon interlocuteur".
ALY.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 7 octobre 1906.
- Qu'est-ce que tu veux toi?...
- une volaille! (une place de poulailler).
Et le marchand délivrait "une volaille".
En attendant l'ouverture aussi, la plupart de ces jeunes ouvriers cassaient la croûte. Ils achetaient à des camelots qui allaient et venaient devant les théâtres, et dont la plupart étaient juifs alsaciens, des petits pains fourrés et des fruits.
Inutile de vous dire que tous ces petits camelots étaient traqués par les agents, qui ne leur laissaient pas une minute de répit.
Et, en bons camarades, dès que l'un d'eux apercevait au loin le bicorne d'un policier (en ce temps-là, le képi n'existait pas), il s'empressait d'avertir les autres, dans son langage mi-hébraïque, mi-allemand:
- Kommen die flie! (Voilà les mouches!)
Les autres camelots, gavroches parisiens, avaient adopté la formule, pour se faire comprendre de leurs collègues alsaciens, mais ne sachant pas l'allemand, ils l'interprétèrent un peu de travers, en disant:
- V'là les flics!
" Et c'est ainsi que ce nom leur est resté, termine mon interlocuteur".
ALY.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 7 octobre 1906.
* Nota de Célestin Mira:
* Le boulevard du Temple était surnommé le "boulevard du crime" en raison des nombreux théâtres jouant des mélodrames relatifs à des faits divers, assassinats, meurtres et vols.
Le boulevard du crime (boulevard du Temple) peint par Adolphe, Théodore, Jules Martial Potémont, en 1862. On distingue, de gauche à droite, le Théâtre historique, le Cirque olympique, les Folies dramatique, la Gaîté, les Funambules, les Délassements comiques.
La carte ci-dessus, publiée par l'Association de la Régie Théâtrale (regietheatrale.com) montre les emplacements des principaux théâtres situés sur le boulevard Bonne-Nouvelle, le boulevard Saint-Martin et le boulevard du Temple, en 1836. (Plan de Jacoubet)
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