Les fiancés de la renaissance.
Ne point médire du mariage eût été cruel aux Italiens de la renaissance; ne se point marier leur eût paru intolérable. M. E. Rodocanachi dans le dernier numéro de la Revue des questions historiques, nous l'explique avec beaucoup de précision, de pittoresque et de charme.
Il arrivait qu'avant le jour des épousailles les conjoints eussent négligé de se voir; mais il leur arrivait aussi de se fier aux bonnes recettes pour deviner un caractère: à Pernate, on pinçait la jeune fille; se fâchait-elle, c'était signe qu'elle aurait, dans l'avenir, l'humeur méchante; à Pérouse, on lui présentait une boulette, l'avalait-elle sans peine, c'était l'annonce d'un bonheur parfait.
Il y avait un langage muet à l'usage des candidats: à Valle di Adorno, laisser tomber son fuseau c'était dire au prétendant: "Je crois que vous me plairez"; lui offrir des noisettes, c'était lui dire: "Je vous trouve charmant". A Arp no, le ruban jaune, arboré par le jeune homme, laissait entendre à la jeune fille: "Vous n'êtes qu'une folle!" Le ruban bleu insinuait: "Je commence à vous aimer"; et, si ce bleu était turquoise, il criait: "Je vous adore!"
Les fiançailles était un lien fort dangereux à rompre: on risquait d'être taxé d'infamie, d'être banni, voire chassé à coups de bâton. Un serrement de main, un baiser devant témoins, le don de l'anneau symbolisaient l'engagement mutuel. Le mariage contracté un mercredi semblait néfaste. A Venise, on pensait que les époux du lundi devenaient fous, que ceux du mardi tombaient mal, que ceux du mercredi et du jeudi étaient menacés du mauvais sort, que ceux du vendredi étaient voués à une mort prochaine; le samedi était réservé aux veufs. si le dimanche n'avait pas été épargné, c'eût été la faillite du mariage. La cérémonie, dans les diverses provinces, pouvait avoir lieu la nuit, aux flambeaux ou à l'aube. Pas de voitures; tous allaient à cheval. Il arrivait que le cortège fût accueilli par des lazzis. On vit des fêtes nuptiales durer huit jours, d'autres trois mois. Les banquets étaient interminables; les viandes étaient dorées; on poussa le luxe jusqu'à remplir de vin les puits. Dans certains cantons, les conjoints étaient séparés les deux ou trois premiers jours. On s'avisa même de prolonger cette épreuve pendant trois semaines!
G.D.F.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 7 octobre 1906.
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